Revendiquant à juste titre appartenir à la première industrie française – soit 10,8% du PIB et 2,3 millions de personnes – ses acteurs font état d’initiatives de plus en plus volontaristes, mais insuffisantes, pour faire le grand saut. Dans leur nouvelle étude « Les dirigeants face aux enjeux de la transformation environnementale », EY et la Fondation Palladio ont interrogé 515 dirigeants – issus de 8 secteurs d’activité* et de 38 fédérations et organisations partenaires – sur les défis de cette transition écologique. Et devant l’urgence climatique, 73% des interrogés s’accordent à dire que les actions déployées par les acteurs de la filière ne sont pas à la hauteur.
Comment la filière s’apprête à affronter cette incroyable révolution industrielle ? Quel rôle pour les entreprises et les pouvoirs publics ? Quels axes prioritaires se fixe-t-elle pour passer la vitesse supérieure ? Des questions auxquelles l’étude tente de répondre.
Des acteurs en alerte et prêts à «l’action collective»
Sous très haute tension cette année, la filière de l’immobilier et de la ville n’en reste pas moins l’acteur industriel incontournable pour répondre au défi de la transition environnementale. Même si sa croissance est décevante en 2022 et met à risque une partie des emplois et de l’activité des entreprises, ses dirigeants restent conscients de la nécessité de généraliser une dynamique et de repenser les schémas actuels en changeant de paradigme. 76% d’entre eux anticipent ainsi des changements stratégiques au cœur de leur entreprise dans les trois années à venir. À ce titre, les acteurs de la filière agissent déjà collectivement dans le cadre de l’Université de la Ville de Demain (UVD), portée par la Fondation Palladio, qui se tient depuis 2021 et dont la prochaine édition aura lieu les 6 et 7 juillet 2023. Les « actions collectives »** (telles que Systématiser la géothermie de surface, Faire de La Défense le premier quartier d'affaires post-carbone, ou encore Massifier les pensions de famille en cœur de ville) sont le mode opératoire de l’UVD et sa marque de fabrique.
Prendre soin du « déjà là »
La réhabilitation prendrait-elle peu à peu le pas sur la construction neuve ? Plus de la moitié des acteurs de la filière (56%) a déjà engagé des actions pour réduire les émissions carbone à tous les maillons du cycle de vie du bâtiment. Les dirigeants citent la multiplication des opérations de recyclage urbain, par exemple en réutilisant les friches, et une densification des villes, ce qui n’est pas sans conséquence en matière d’acceptabilité sociale. Certains dirigeants confient aussi avoir rompu avec la logique industrielle de standardisation qui prédomine jusqu’à présent pour retrouver une certaine qualité patrimoniale, en travaillant sur l’esthétisme des projets et en les réinsérant dans leur histoire.
Mettre en œuvre un plan de développement des compétences
Aujourd’hui, 44% des dirigeants interrogés déclarent rencontrer des difficultés pour recruter des compétences spécifiques sur les enjeux climatiques et environnementaux. Il s’agit donc de combler ce manque. En interne, il est question de proposer des programmes de formation permettant à ceux qui sont déjà en poste, et qui œuvrent principalement à la construction neuve, de se réorienter, à l’avenir, vers les métiers de la réhabilitation, de l’exploitation ou de la maintenance. Plus de 50% des dirigeants appellent aussi à renforcer les formations initiales comme continues pour y intégrer les enjeux de transition écologique. Des mouvements de professionnels, à l’instar d’Unisson(s)** (qui mobilise plusieurs dizaines d’établissements d’enseignement supérieur afin qu’ils s’engagent à former leurs étudiants aux enjeux d’une architecture bas carbone et du vivant), ou la création d’outils, comme Label’ID** et sa plateforme de contenus (qui a été créé par un collectif d’entreprises et qui propose un parcours de formation et une accréditation professionnelle de l’immobilier durable), témoignent de la dynamique engagée pour transformer les modes d’apprentissage et favoriser une filière bas-carbone.
Reconfigurer les modèles économiques
Les enjeux de la transformation environnementale concernent davantage le stock que le flux entrant, que la filière sait aujourd’hui traiter. Qui doit payer le coût des transformations? Certains dirigeants affirment qu’il faut réfléchir à le faire assumer par les clients finaux : pour 75% d’entre eux, le coût jugé trop important par les clients constitue un frein majeur à la transformation de la filière. D’autres estiment que les entreprises devront accepter des marges plus faibles. D’autres enfin soulignent qu’un engagement plus conséquent de l’État sera indispensable : 42% des dirigeants jugent que les aides publiques actuelles sont insuffisantes pour financer les travaux de rénovation. Selon le Ministère de la Transition écologique, le coût pour traiter 4,8 millions de logements « passoires thermiques » entre 2020 et 2030 s’élèverait à 25 milliards d’euros par an, tandis que la transformation des logements classés D et E atteindrait 40 milliards d’euros annuels entre 2030 et 2040. Or dans le contexte actuel où l’État se désengage, comme en témoignent les récentes annonces du Gouvernement à l’occasion de la restitution du Conseil National de la Refondation consacré au logement (CNR Logement), il est fort à parier que la filière devra reconfigurer son modèle économique.
Découvrez ici les résultats complets de l’étude.
Cette étude est le troisième et dernier épisode d’une série de 3 opus. Un premier épisode « L’industrie de l’immobilier et de la ville à la conquête des talents », publié mi-février, est à retrouver ici. Le deuxième épisode « Une industrie sous tension », publié mi-mars, est à retrouver ici.
* Architecture, Urbanisme et Aménagement ; Commercialisation ; Construction ; Expertise et Conseil ; Gestion ; Ingénierie et Prestations techniques ; Investissement et Financement ; Promotion immobilière.
** Les actions collectives consistent à lancer ou mettre à l’échelle des initiatives à fort impact environnemental et/ou social, qui requièrent par leur nature une collaboration entre plusieurs acteurs publics et privés. Elles reposent sur un engagement volontaire des participants et ne nécessitent pas de changement de réglementation. En savoir plus sur les actions collectives initiées au 2e sommet de l’Université de la Ville de Demain et découvrir les plus avancées en cliquant ici.
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