Au coeur du débat: la construction de deux réserves d'eau, l'une de 14 hectares, l'autre de 18 hectares, destinées à irriguer 800 hectares avec 36 exploitations agricoles de la plaine de la Limagne, où est implanté Limagrain, 4e semencier mondial.
Cela représente "l'équivalent de 500 bassins olympiques" et "c'est pourquoi nous ne parlons plus de méga mais de gigabassines", explique à l'AFP Isabelle, membre d'Extinction Rebellion et porte-parole du collectif organisateur de la marche de protestation.
Ces projets n'ont pas encore fait l'objet de demande formelle d'autorisation, mais ses opposants souhaitent obtenir un moratoire. L'objectif est d'"agir avant que les travaux ne commencent", explique Maud, du collectif Bassines non merci 63.
Plus d'un an après la mobilisation contre les mégabassines de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) qui avait débouché sur des affrontements violents avec les forces de l'ordre, cette journée se veut "familiale". La préfecture du Puy-de-Dôme a toutefois annoncé mercredi des mesures de sécurité renforcée, dont des effectifs supplémentaires de gendarmes, afin de limiter les risques de "trouble à l'ordre public".
Le collectif Bassines non merci 63, Extinction Rebellion, les Faucheur.ses volontaires, la Confédération paysanne et les Soulèvements de la Terre attendent "quelques milliers" de participants. La préfecture entre 2 et 3.000.
La secrétaire nationale des Ecologistes Marine Tondelier a annoncé sa présence. "Les mégabassines constituent une privatisation de notre bien commun le plus précieux, par une minorité. Construire des mégabassines c'est ignorer le problème de fond: la rareté de l'eau", a-t-elle noté dans un communiqué.
Des députées LFI, dont Mathilde Panot, sont également attendues sur place.
"Argent public"
Dans le camp des opposants, on murmure que "c'est Limagrain qui pousse ce projet dans l'intérêt de sécuriser sa production de maïs semence destiné à l'exportation, le tout financé à 70% par de l'argent public".
"Ce projet n'est pas porté par Limagrain" qui, cependant, le "soutient" pour "développer les moyens de production et valoriser les productions de (ses) adhérents", nuance un porte-parole de cette coopérative rassemblant 1.300 agriculteurs.
Selon lui, les retenues seraient remplies par prélèvements dans l'Allier entre le 1er novembre et le 31 mars, en respectant le débit autorisé de 45,7 m3/seconde et permettraient le "stockage de 2,3 millions de m3 d'eau en période hivernale, soit 0.12% du volume" de l'affluent de la Loire.
Mais les opposants craignent que ces limites soient ensuite remises en question par dérogation.
"Tout cela est réglementaire et encadré par l'Etat", rétorque Philippe Planche, un des 36 exploitants porteurs du projet. Cet éleveur de vaches laitières cultive des céréales pour ses animaux et vend le surplus, sans irriguer. Une partie de sa production est contractualisée avec Limagrain.
"Mon objectif est à la fois de sécuriser l'alimentation de mes vaches et de limiter ma surface de maïs pour le remplacer par des cultures spécialisées comme l'ail", explique-t-il à l'AFP.
"L'idée n'est pas de faire du business mais de préserver un modèle agricole: on parle d'exploitations familiales en moyenne de 60-70 hectares. Sans ces retenues, (...) le risque c'est d'avoir des exploitations qui font 150 voire 200 hectares avec moins de diversification", estime l'agriculteur en regrettant que les opposants "refusent le dialogue".
Les prélèvements d'eau destinés à l'irrigation ont plus que doublé entre 2010 et 2020 en France, pour atteindre 3,42 milliards de m3 en 2020, selon un rapport de la chambre régionale de la Cour des comptes de Nouvelle-Aquitaine publié en juillet 2023.
Selon ce rapport, "la réduction des prélèvements apparaît comme l'unique solution pour résoudre le problème fondamental du déséquilibre" entre la ressource en eau et la consommation. Ses auteurs préconisent notamment de "conditionner le financement public des infrastructures de sécurisation de l'irrigation agricole à des engagements pris par les bénéficiaires, notamment de réduction des consommations".