À fin mars 2024, le nombre de procédures bondissait encore de + 29% et il explosait de + 53% à fin mars 2023. Depuis 6 mois, le volume des défaillances sur 12 mois glissés s'est stabilisé aux environs de 68.000. Un plateau qui laisserait entrevoir la possibilité d’une décrue des faillites.
Le bilan reste toujours très lourd pour les plus grandes PME et ETI, portant à 71.000 le nombre d’emplois menacés, soit le niveau le plus haut depuis la crise financière de 2009 (73.000).
- 17.845 défaillances au T1 2025, un niveau bien supérieur à la moyenne des T1 sur 15 ans (15.300).
- Mars retombe sous la barre des 68.000 procédures sur 12 mois, tout juste franchie en janvier et février.
- 64 PME de plus de 100 salariés ont fait défaut ce trimestre (+28%) …
- … 1 sur 5 opère dans le secteur social ou médical.
- Le nombre d’emplois menacés flambe à 71.000, jamais vu depuis la crise de 2009.
- L’agriculture, les services informatiques et la restauration sont à la peine.
- Forte hausse des défauts dans les Pays-de-la-Loire et la Corse.
Mais…
- L’augmentation du nombre de défauts (+4,4%) est la plus faible depuis 4 ans.
- Les PME de 20 à 100 salariés respirent (-6%).
- Le bâtiment résiste, le commerce passe au vert.
- Les régions Centre-Val-de-Loire et Provence-Alpes-Côte-d’Azur sont en forte amélioration.
Pour Thierry Millon, Directeur des études Altares : « Ce premier trimestre n’a pas encore permis de voir le nombre des défaillances d'entreprises reculer mais l’orage s’éloigne même si des nuages persistants nous invitent à rester prudents et patients. Comme attendu, la sinistralité entrepreneuriale est circonscrite depuis six mois autour de 68.000 défauts. Une stabilité portée en ce début d’année par les plus petites structures comptant moins de 3 salariés. Les plus grandes, au-delà de 100 salariés, accusent de leur côté une forte dégradation qui pèse lourdement sur l’emploi. Bien que le chiffre global reste très élevé, plusieurs activités passent au vert en particulier dans le B2C. C’est notamment le cas du commerce de détail d’habillement (-15%) et, dans son sillage, du commerce de gros de textile-habillement (-19%) et de sa fabrication (-22%). La restauration peine en revanche à sortir de l’ornière. Le B2B tente de résister dans l’industrie manufacturière mais est plus en peine dans les services. »
17.845 défaillances au 1er trimestre, un nombre toujours au plus haut
17 845 entreprises sont tombées en défaillance entre le 1er janvier et le 31 mars 2025, soit une hausse de 4,4% par rapport à la même période de 2024. Cette année encore, le volume des faillites ne s’écarte pas encore nettement des 18.000 défauts, plafond historique franchi en 2015. Nous restons très au-dessus de la moyenne des défauts observés au 1er trimestre depuis 15 ans (15.300 en moyenne).
Avec 373 jugements enregistrés ce trimestre, le nombre de procédures de sauvegarde est en hausse de 6,9%. Les redressements judiciaires (RJ) sont en hausse rapide de 7% pour 5.077 jugements prononcés.
De leur côté, les jugements en liquidation judiciaire (LJ) augmentent moins vite (+3,3%). 12.395 LJ ont été prononcées, soit 69,5% de l’ensemble des procédures. Un taux de liquidations directes qui retrouve ses valeurs traditionnelles après avoir approché 80% pendant la période Covid.
Une amélioration portée par les microentreprises, alors que les grosses PME-ETI souffrent encore
Les microentreprises de moins de 3 salariés constituent l’essentiel des défauts (72%). Ce trimestre, elles sont 12.867 à être tombées en défaillance, un nombre en augmentation de seulement 3,6%.
3.507 TPE de 3 à 9 salariés ont fait défaut en ce début d’année, soit une augmentation de 8,8%.
Les PME de 10 à 99 salariés résistent beaucoup mieux : 1.407 d’entre-elles ont défailli contre 1.394 il y a un an, soit une quasi-stabilité (+0,9%).
En revanche, la situation reste très difficile pour les PME-ETI de plus de 100 salariés : 64 structures ont fait défaut au cours de ce premier trimestre, soit 28% de plus qu’un an plus tôt. 14 de ces défauts se situent dans le secteur du social (aide à domicile, action sociale) ou médical (activités hospitalières).
Cette fragilité des plus grandes PME pèse sur l’emploi global menacé : 71.400 postes sont concernés, du jamais vu pour un T1 depuis la crise financière de 2009. Il y en avait alors eu 73.700.
Les activités à destination des consommateurs sont bien orientées, le bâtiment résiste mais les services aux entreprises sont encore malmenés
Le commerce de détail comme le commerce de gros passent au vert
Les commerçants ont pu souffler en ce début d’année. La vente au détail (2.131 ; -4%) et le commerce interentreprises (735 ; -3%) affichent des améliorations sensibles dans de nombreux métiers. Le nombre de magasins en défaut chute de 15%, soutenant l’activité des grossistes de textile-habillement (-19%) mais aussi de la manufacture (-22%).
Le commerce du bricolage et équipement du foyer bascule légèrement dans le vert (-1%) loin de l’envolée des défauts enregistrée un an plus tôt (+62%). Cette performance est portée par le meuble qui résiste enfin après de longs mois sous tension.
La tendance est également difficile du côté de la vente & réparation de véhicules (+8%).
La construction tient avec plusieurs activités dans le vert
Affecté par la crise de l’immobilier depuis plusieurs trimestres, le secteur de la construction (+2%) donne des signes de rebond dans quelques branches en ce début d’année.
C’est le cas du bâtiment. Le second œuvre est encore légèrement en dégradation (+2%) en dépit d’une amélioration dans les travaux d'installation électrique (-3%) qui ne compense pas la mauvaise tendance observée notamment en plâtrerie (+17%).
Le gros œuvre est à l’équilibre grâce à une belle performance dans la construction de maisons individuelles (-14%) tandis que la maçonnerie générale reste dans le rouge (+5%).
La promotion immobilière reste dans une dynamique de fragilité (+21%) mais ce sont davantage des défaillances de supports de programmes que d’acteurs de la promotion immobilière de logements. En illustration de l’accalmie naissante dans l’immobilier, le nombre de défauts d’agences immobilières recule de 17% après avoir atteint en 2024 son niveau le plus haut depuis l’été 2009.
En revanche, un point de tension est observé dans les travaux publics où les défaillances augmentent de 13%.
Dans le B2B, les services aux entreprises sont à la peine, l’industrie manufacturière résiste
Dans les services aux entreprises (+8%), la sécurité privée dérape de 40%, les services informatiques de 24%, le conseil en communication et gestion de 20% et le nettoyage de bâtiments de 14%.
L’industrie manufacturière (+5%) est proche de la tendance globale (+4%). Une évolution qui masque de fortes disparités. Le nombre de défauts s’envole dans l’activité bois, matériaux de construction (+28%) et plus encore celle de l’énergie, eau, environnement (+70%), en particulier la récupération de déchets. En métallurgie-mécanique (+11%), la mécanique industrielle contient l’évolution des défaillances. A l’inverse, outre la fabrication de textile-habillement (-22%), l’imprimerie est également dans le vert (-10%) comme les activités de maintenance (-9%).
Le transport prend une meilleure trajectoire ce premier trimestre. Le transport routier de marchandises est dans le vert (-4%) tiré par le fret interurbains (-14%) alors que celui de proximité est plus en difficulté (+10%). Le transport routier de voyageurs est moins favorablement orienté (+20%), particulièrement chez les taxis (+21%).
Sans céder à la panique, il faudra suivre de près la tectonique des marchés
Pour Thierry Millon : « Dans un contexte politique, économique et géopolitique déjà compliqué, les annonces du président américain troublent davantage les perspectives économiques. S’il est trop tôt pour en mesurer précisément les effets, il demeure que cette guerre commerciale va contraindre les dirigeants à devoir corriger leurs prévisions de revenus, d’investissement, d’emploi et donc de performance financière. La supply chain va être challengée et les trésoreries très sollicitées. La gestion du cash avait sonné comme une évidence depuis la Covid et la hausse des taux, il va falloir pourtant redoubler d’efforts sur cette question pour tenir et sécuriser sa croissance. Depuis quelques mois, le volume des défaillances se stabilise à un niveau très élevé ; c’est aussi le cas des retards de paiement calculés par Altares qui, après s’être rapidement allongés de 2 jours en 2024, semblaient pouvoir se maintenir autour de 14 jours. Un déclin progressif des retards et cessations de paiement était donc envisageable pour 2025. Mais sans encore complètement renoncer à cet espoir, le contexte international change la donne. Le risque commercial interentreprises comme le risque pays remontent en haut de la pile. Dans le même temps, il va falloir trouver de nouveaux partenaires d’affaires fiables pour pallier la perte possible de certains contrats. Cette tectonique des marchés pourrait alors renforcer la concurrence, renchérir les achats et dégrader les marges. »
L’étude complète «Défaillances et sauvegardes d’entreprises – 1er trimestre 2025» est disponible en ligne en cliquant ici.
Méthodologie : Les statistiques Altares de défaillances d’entreprises comptabilisent l’ensemble des entités légales disposant d’un numéro SIREN (entreprises individuelles, professions libérales, sociétés, associations) et ayant fait l’objet d’un jugement d’ouverture de procédure prononcé par un Tribunal de Commerce ou Judiciaire (ex TGI - TI)
Glossaire : La défaillance d’entreprise correspond à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire directe auprès d’un Tribunal de Commerce ou Judiciaire. Cela concerne aussi les ouvertures après résolution du plan de redressement. En revanche, les statistiques de défaillances ne considèrent ni les procédures amiables (mandat adhoc ou conciliation) ni les suites d’ouverture (arrêt de plan ou conversion en liquidation).
Image d'illustration de l'article via Depositphotos.com.