
Car les salariés du secteur sont très majoritairement masculins : "Il faut vraiment oser et se faire confiance !", exhorte Sandra Larue, cheffe de service automatismes et essais de cette centrale en service depuis 1985, qui fournit près de 40% de l'électricité de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Face à elle, des femmes de tous âges ou presque, demandeuses d'emploi longue durée ou pas, issues du commerce, de la santé, ou d'autres secteurs de l'industrie, mais intéressées par ce secteur porteur.
Sandra Larue raconte ses débuts quelques années auparavant, à la centrale de Fessenheim, en Alsace, aujourd'hui fermée, espérant lever les complexes de ses potentielles futures collègues : "J'étais une jeune femme de 25 ans et je manageais des chaudronniers qui avaient pour certains le double de mon âge et en plus, j'avais l'accent du Sud ! Ma crédibilité n'était pas très forte quand je suis arrivée".
"La proportion de femmes employées dans le secteur du nucléaire s'élève à 24%", explique à l'AFP Hélène Badia, présidente de l'Université des métiers du nucléaire, association créée en 2021 par 12 acteurs du nucléaire, de la formation et de l'emploi. "L'industrie dans son ensemble (...) a à peu près 29,3% de femmes, donc, on a du boulot !".
EDF emploie 26% de femmes (38,5% parmi ses cadres) et vise 33% en 2026 et 40% en 2030, dans toutes les strates de l'entreprise.
"Il y a clairement un enjeu de recrutement", explique Claire Diols, de l'agence France Travail de Privas, qui accompagne les candidates à la centrale, dans le cadre de la 3e Semaine des métiers du nucléaire.
"Aujourd'hui, la filière nucléaire au niveau national, c'est 10.000 embauches par an sur les dix prochaines années, donc 100.000 embauches sur dix ans", avec des métiers en tension, rappelle-t-elle.
A plus forte raison en Auvergne-Rhône-Alpes, "première région nucléaire en France, avec quatre centrales sur toute la vallée du Rhône".
Casque de sécurité sur la tête, Mélina Tazamoucht pourrait bien se laisser tenter par les sirènes de l'atome : "Je sors de quatre ans d'études de comptabilité et je me suis rendu compte qu'être derrière un bureau, ça ne me plaisait pas", explique-t-elle dans le bus qui circule à l'ombre des immenses tours de refroidissement de la centrale.
Manque de CV
Une méthode de recrutement par simulation (MRS) a évalué son habilité à effectuer les gestes d'un robinetier, poste chargé de la maintenance et de gérer vannes, clapets et soupapes.
"Je suis assistante administrative, mais je voudrais me reconvertir dans l'électricité", explique pour sa part Clémence, 37 ans, qui se dit "très curieuse de nature".
Elle écoute attentivement Marjolaine Astier, 37 ans, cheffe d'exploitation qui gère, à la tête d'une équipe de 20 personnes, exclusivement masculine, le fonctionnement d'un réacteur nucléaire.
"On n'est pas toutes ingénieures", l'apostrophe en souriant une candidate à l'embauche.
"Ce n'est pas un frein pour travailler ici, peu importe son diplôme et peu importe son sexe !", lui répond Marjolaine, dans un discours bien rodé, vantant un environnement de travail "captivant" et compatible avec sa vie de famille.
"Si je veux recruter des femmes, il me faut des CV et aujourd'hui – je pense par méconnaissance des métiers - on a très, très peu de candidatures" féminines, déplore Stephany Bechdolff, directrice des ressources humaines de la centrale, qui ne compte que 18% de femmes, essentiellement dans les fonctions support et la chimie.
"J'aimerais vraiment qu'elles puissent se rendre compte que tout métier est possible", ajoute-t-elle, précisant recruter 40 personnes par an, du bac pro jusqu'au diplôme d'ingénieur.
"On se sent tout petit face à la grandeur des machines", réagit Mélina, impressionnée par la turbine qui, entraînée par la pression de la vapeur d'eau, met en mouvement à son tour un alternateur, qui produit de l'électricité.
Mais "les dames qui nous racontent leur métier, ça donne envie de se dire qu'on a toutes notre place ici en tant que femmes", conclut-elle.