Qu’est-ce que la chaleur et l'énergie fatale ?
Sous-exploitée, l’énergie fatale représente une source d’énergie renouvelable majeure pouvant être recyclée pour divers usages. Le recyclage de l’énergie fatale transforme cette dernière en chaleur ou électricité utilisables, optimisant de cette façon les ressources énergétiques. Pour l’industrie du bâtiment, recycler l’énergie fatale et/ou avoir des systèmes chauffants grâce à cette dernière, offre une alternative verte, réglementaire (qui répond aux objectifs de développement durable) et est une solution qui se trouve bien souvent économique.
L’énergie fatale peut concerner l’électricité, le gaz, la chaleur, le froid. Dans cet article, pour parler d’énergie fatale, nous allons prendre l’exemple de la chaleur fatale.
Pourquoi la chaleur fatale va être de plus en plus valorisée dans le secteur du bâtiment ?
Parce qu’elle permet de répondre aux objectifs de développement durable auxquels sont soumis les Etats
Les objectifs de développement durable (ODD) incluent principalement l’ODD 7 (énergie propre et d’un coût abordable), visant à assurer l’accès à tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes à un coût abordable, et l’ODD 13 (mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques), qui encourage à prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions. Ces objectifs soutiennent l’efficacité énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Parce qu’elle peut décarboner le secteur du bâtiment
Le secteur du bâtiment est directement concerné par plusieurs Objectifs de Développement Durable, notamment en ce qui concerne l’efficacité énergétique, l’utilisation durable des ressources, et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Plus récemment avec les élections européennes de 2024, les enjeux clés pour accélérer la transition énergétique sont de nouveau mis en avant avec plusieurs objectifs à atteindre :
- Objectifs climatiques pour 2030 : Réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'UE de 55% par rapport aux niveaux de 1990 d'ici à 2030.
- Efforts en matière d'efficacité énergétique : L'UE vise une réduction de la consommation finale d'énergie d'au moins 11,7% par rapport aux projections pour 2030.
- Accélération de l'adoption des énergies renouvelables : Pour contribuer significativement à la réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre d'au moins 55% d'ici à 2030.
- Le 8e Programme d’Action pour l’Environnement (PAE) : Il orientera la politique environnementale européenne jusqu’en 2030.
- Plan d'action « zéro pollution » et Stratégie de l'UE en matière de biodiversité : Objectifs visant à protéger nos écosystèmes.
- Plan d’action en faveur de l’économie circulaire : Engagements de l'UE pour une gestion durable des ressources.
Pour le secteur du bâtiment, la réglementation en vigueur est la RE2020. Elle remplace la précédente réglementation thermique, la RT2012, et met l’accent sur plusieurs nouveaux aspects en plus de l’efficacité énergétique.
Voici quelques-unes des principales exigences de la RE2020 :
- Performance énergétique : La RE2020 continue d'exiger des bâtiments qu'ils soient économes en énergie, mais avec des standards plus stricts que la RT2012. Elle encourage l'utilisation d'énergies renouvelables.
- Bilan carbone : Un des principaux ajouts de la RE2020 est la prise en compte de l'empreinte carbone sur l'ensemble du cycle de vie du bâtiment, de la construction à la démolition. Cela inclut les matériaux de construction, leur transport, la construction, l'utilisation, et la fin de vie du bâtiment.
- Confort en été : La RE2020 introduit des exigences pour le confort thermique d'été sans climatisation, pour limiter les surchauffes dans les bâtiments neufs lors des vagues de chaleur.
- Adaptation au changement climatique : La réglementation prend en compte la nécessité d'adapter les bâtiments au changement climatique, en tenant compte des variations régionales.
Pour les évolutions futures, le renforcement de nouvelles mesures est à prévoir autour des sujets suivants :
- Renforcement des exigences en matière d'énergie renouvelable pour les bâtiments neufs et existants.
- Initiatives pour la rénovation énergétique des bâtiments existants, pour réduire leur consommation d'énergie et leur empreinte carbone.
- Incorporation de standards pour l'économie circulaire dans la construction, encourageant le recyclage et la réutilisation des matériaux.
- Normes plus strictes pour le confort et la santé des occupants, y compris la qualité de l'air intérieur et l'accès à la lumière naturelle.
L’utilisation de l'énergie fatale dans le secteur du bâtiment
Dans le domaine du bâtiment, l'énergie fatale trouve des applications concrètes telles que la récupération de la chaleur dégagée par les systèmes de réfrigération pour chauffer de l'eau ou des espaces, ou encore l'utilisation de la chaleur émise par des équipements électroniques dans des bureaux pour contribuer au chauffage du bâtiment.
Au-delà des systèmes de réfrigération et de l'équipement électronique, une autre source notable d'énergie fatale réside dans les data centers. La récupération de la chaleur des data centers pour chauffer des logements collectifs est une application innovante qui permet de valoriser une source de chaleur souvent considérable et constante. Cette approche non seulement optimise l'utilisation de l'énergie fatale mais contribue également à la transition énergétique des villes en intégrant des solutions durables dans l'architecture urbaine.
Des projets utilisant la récupération de chaleur des data centers pour chauffer des logements collectifs ont déjà été mis en œuvre. Par exemple, à Saint-Denis, le data center d'Equinix fournira de la chaleur pour le nouveau quartier de la Plaine Saulnier, notamment son centre aquatique qui accueillera les épreuves de plongeon, natation artistique et waterpolo lors des Jeux Olympiques de 2024. Ce système permettra d'alimenter le réseau de chaleur SMIREC, desservant l'équivalent de 60.500 logements avec 75% d'énergie renouvelable pour la ZAC Saulnier (ENGIE Solutions).
D'autres initiatives en Europe illustrent cette tendance. Par exemple, Meta (Facebook) utilise l'excès de chaleur de son centre de données à Odense, au Danemark, pour chauffer environ 11.000 foyers. En Finlande, en Irlande et au Danemark, Amazon, Apple et Microsoft ont également connecté ou annoncent l'intention de connecter leurs principaux data centers aux systèmes de chauffage urbain.
Si l’utilisation directe d’un data center pour se chauffer peut varier en fonction de plusieurs facteurs, tels que la localisation du projet, la proximité avec un data center disposé à collaborer, ainsi que des aspects réglementaires et financiers, il existe aujourd’hui une nouvelle solution aux mêmes bénéfices sans avoir à se soucier de ces facteurs…
Quelles technologies existent pour récupérer et convertir l'énergie fatale en énergie utilisable ?
Une innovation récente propose une solution prometteuse pour réutiliser cette énergie sous-utilisée. Il s'agit du radiateur numérique, un dispositif de chauffage innovant conçu pour convertir la chaleur rejetée par les data centers (connue sous le nom de chaleur fatale) en une source renouvelable de chauffage pour les bâtiments. Cette technologie ne se contente pas de réduire la consommation énergétique des constructions, elle contribue également à la réduction des émissions de carbone des infrastructures numériques. Ainsi, elle apporte une réponse concrète aux défis climatiques actuels et aux normes environnementales en vigueur, notamment la RE2020.
Le radiateur numérique chauffe non pas grâce à des résistances classiques, mais grâce à des cartes de calcul dont le procédé dégage une grande quantité de chaleur. Ce calcul, traditionnellement réalisé dans des data centers, est ici décentralisé pour utiliser la chaleur à des fins utiles, permettant d’une part de valoriser la chaleur perdue (chaleur fatale) des centres de données (réduisant ainsi la pollution numérique), et d’autre part de chauffer nos logements avec un système performant qui promet un confort de chauffe optimal et des économies sur les factures de chauffage.
Conclusion
En examinant les différents aspects et possibilités du recyclage de l'énergie fatale, il est apparu clairement l'importance capitale de cette ressource souvent sous-estimée dans le contexte de la transition énergétique. L'énergie fatale, témoin silencieux des inefficacités énergétiques de nos sociétés, représente une opportunité inestimable de réduire l’empreinte carbone tout en optimisant les coûts opérationnels et la consommation énergétique.
L'investissement dans le recyclage de l'énergie fatale n'est pas seulement une opportunité économique, mais une responsabilité collective. Les professionnels du bâtiment, les investisseurs et les décideurs sont invités à reconnaître cette ressource et à intégrer des solutions de recyclage de l'énergie fatale dans leurs projets futurs. En faisant preuve d'innovation et de volonté, nous pouvons tous contribuer à un avenir plus durable.
Tribune de Alexandre Vinot, cofondateur de hestiia (Linkedin).