Ils habitent une maison qui penche depuis plus de 30 ans, se battent en justice depuis près de 20 ans... Pour Joëlle et Gaston Pirih, la décision de la cour d'appel de Metz de reconnaître la responsabilité de l'exploitation minière dans le "calvaire" qu'ils subissent depuis la fin des années 1980 est "déjà une bonne chose. Parce que tout ce qui se passe ici, j'ai l'impression plutôt que l'Etat essaie de l'oublier", a réagi Mme Pirih auprès de l'AFP.
La cour d'appel, qui a rendu 29 arrêts mardi dans autant d'affaires de propriétaires lésés, a conclu que "la plupart des dégâts observés sont la conséquence de l'exploitation minière" de cette région de l'est de la Moselle, à la frontière allemande.
L'Agent judiciaire de l'Etat (AJE), qui a succédé à l'établissement Charbonnages de France après sa liquidation, a donc été condamné à verser plus de 3,2 millions d'euros dans 28 dossiers sur 29.
Dans la plupart des dossiers, la cour a fixé des indemnités correspondant à la valeur vénale de l'immeuble ou des indemnités "permettant d'effectuer des travaux de relevage".
Indemnités jugées insuffisantes
Pour d'autres, elle a fixé des indemnités permettant "d'effectuer des travaux de réparation plus légers que des travaux de relevage mais estimés suffisants par l'expert judiciaire", précise Christophe Mackowiak, le premier président de la juridiction.
Dans le montant des indemnités, "les magistrats ont tenu compte de quelques transactions déjà conclues dans les années 1990 entre certains propriétaires et les Houillères du Bassin de Lorraine".
D'autres sommes ont été accordées aux propriétaires selon "l'importance de la pente qui affecte l'immeuble", selon M. Mackowiak, au titre du préjudice de jouissance.
Un dernier plaignant a vu sa demande rejetée, la maison ayant été vendue et "la preuve de la baisse du prix de vente n'était pas rapportée", indique M. Mackowiak.
Dans son dossier en particulier, le couple Pirih estime que le compte n'y est pas. "On n'a pas obtenu réparation intégrale et pérenne", estime Mme Pirih. "C'est trop cher, ils ne veulent pas réparer. Alors on ne sait plus quoi faire (...) les crevasses, les fissures sont toujours là, les maisons s'affaissent toujours, les dommages continuent".
"On a perdu 38 ans de qualité de vie", abonde son époux. Dans leur habitation, des ficelles tiennent les portes et leur évitent de claquer, un volet du salon ne s'ouvre plus, des cales ont été posées sous les meubles pour qu'ils restent droits...
Long combat
Avec une pente de 3%, leur quotidien est ponctué de "rafistolages". En parallèle, les époux Pirih sont à la tête d'une association de défense des propriétaires de Rosbruck et ses environs et portent le combat judiciaire depuis des années.
La première affaire a été introduite en 2007 devant le tribunal de Sarreguemines. En 2010, certains propriétaires s'étaient vu allouer des dommages et intérêts, mais l'établissement Charbonnages de France avait fait appel de cette décision. La cour d'appel de Metz a ensuite demandé en 2015 des expertises judiciaires qui ont été rendues entre 2017 et 2022, aboutissant à ces arrêts.
Une quinzaine d'affaires doivent encore être jugées par la cour, lorsque les rapports d'expertises judiciaires seront déposés et que "les avocats des parties auront pu en débattre contradictoirement", a précisé la juridiction.
Des galeries minières étaient exploitées sous une grande partie des maisons de Rosbruck. Mais l'absence de remblaiement de ces galeries a provoqué des affaissements de 16 mètres du sol. Quatre-vingts maisons ont été relevées ou détruites ces dernières décennies dans la commune.
Les Pirih craignent également que l'AJE dépose un pourvoi en cassation, ce qu'il peut faire sous deux mois et signifierait une nouvelle bataille judiciaire...