L’année 2024 a été marquée par la poursuite et l’intensification de la crise immobilière dans un contexte politique chahuté (dissolution de l’Assemblée nationale, nomination tardive d’un nouveau gouvernement cet été puis, très récemment, sa censure à l’issue des débats budgétaires). Alors que les chiffres de la construction et des ventes de logements neufs ont franchi des points bas, entraînant dans leur sillage l’ensemble des secteurs amont et aval de la filière, quelques signaux plus positifs suggèrent une inflexion des tendances. Mais la sortie de crise s’annonce longue et graduelle.
Dans ce contexte, le secteur des granulats et du béton prêt à l’emploi (BPE) enregistrera à nouveau une contraction sensible de son activité en 2024, tirant les volumes de production vers des plus bas historiques (à 304 millions de tonnes estimés pour les granulats et à 33 millions de m 3 pour le BPE). Même si le secteur immobilier devrait sortir doucement de sa léthargie en 2025, les délais de diffusion vers le secteur constructif et les nombreuses incertitudes politiques devraient encore peser sur l’activité des matériaux qui, tout au mieux, se stabiliserait s’agissant des granulats, et pourrait encore se replier pour le BPE.
2024 : l’année des « plus bas historiques » en termes de volume d’activité
L’épicentre de la secousse immobilière est désormais derrière nous. Pour autant, l’onde de choc n’a pas fini de se diffuser dans toute la filière et le reste de l’économie. Le niveau des permis de construire de logements, en dépit d’un redressement graduel, se situait encore, à fin octobre, 10,5% en dessous de son niveau des douze mois précédents et restait surtout inférieur de 23% à la moyenne de ces dix dernières années. Du côté des mises en chantier, les récentes hausses sont loin de parvenir à endiguer le recul qui s’affiche à -18,7% à fin octobre sur douze mois, soit un niveau environ 30% inférieur à la moyenne de la dernière décennie. Au total, le nombre de logements commencés enregistrera un minima historique en 2024, avec sans doute moins de 250.000 unités. Plus en amont, les perspectives des promoteurs immobiliers tendent à se redresser, après avoir franchi des points bas, tout comme les réservations de logements neufs qui ont renoué avec une progression au troisième trimestre. Mais le niveau des ventes, en cumul sur neuf mois, affiche encore 10% de moins qu’il y a un an et, surtout, il se vend en moyenne 40% de logements neufs en moins en 2024 comparé aux dix dernières années !
Le plongeon de la construction résidentielle a entrainé dans son sillage celui des matériaux de construction dont l’activité, mesurée par l'indicateur de l'UNICEM, devrait enregistrer une baisse d’environ - 8% en volume cette année après une chute de près de -10% en 2023. La meilleure orientation du secteur des travaux publics a cependant permis de limiter le repli de certains matériaux tandis que ceux qui sont exclusivement destinés au secteur résidentiel enregistrent de fortes contractions. A l’instar des autres tendances décrites précédemment, notre indicateur matériaux se redresse depuis quelques mois (+1,7% au troisième trimestre comparé au trimestre précédent, données cvs-cjo) mais l’activité reste encore en retrait de -5% au regard d’il y a un an et se situe environ 16% en dessous de son niveau de 2021.
La bonne tenue de l’activité et des carnets de commandes dans le secteur des travaux publics a en effet permis de limiter l’ampleur de la dégradation de certains matériaux, notamment pour les granulats, bien que ces derniers n’aient pas bénéficié du même soutien que lors des précédents cycles électoraux. En effet, la nature des chantiers de TP en 2023 et 2024 s’est finalement révélée plus « gourmande » en BPE qu’en granulats : surtout concentrés sur les segments du génie civil, avec les projets d’aménagements et de transports urbains des grands métropoles, ou encore sur les travaux d’assainissement ou de réseaux, les investissements des collectivités locales ont plutôt délaissé le segment de la voirie et des routes. Il convient d’ajouter à cela l’approche désormais beaucoup plus vertueuse de la ressource qui conduit nos professionnels à privilégier une démarche d’économie circulaire en réutilisant des matériaux (directement sur site ou via les granulats de recyclage issus du traitement des déchets de démolition) pour les chantiers de terrassement ou pour les revêtements routiers (fraisats d’enrobés…).
Dans ce contexte, les besoins en matériaux ont sensiblement baissé en 2024, de l’ordre de – 12% pour le BPE et de – 4% pour les granulats.
2025 : des capacités de redressement très contraintes
Les conditions d’un redressement se sont doucement mises en place en 2024 et ont déjà permis d’infléchir les tendances comme décrit précédemment. Cependant, de nombreuses pesanteurs et incertitudes demeurent dans le scénario prévisionnel.
La baisse des taux d’intérêt (-83 pdb en moyenne sur les emprunts bancaires entre décembre 2023 et novembre 2024) couplée à une politique d’offre de prêts plus volontariste de la part des banques ont permis aux ménages de renouer avec le crédit dont la production des trois derniers mois (septembre à novembre) progresse de +37% concernant des achats dans le neuf. Le mouvement de désinflation et la légère inflexion des prix de l’immobilier neuf ont permis de rendre de la solvabilité aux ménages ; les projets d’investissement logement de ces derniers se redressent d’ailleurs depuis plusieurs mois, comme le confirme l’enquête de l’INSEE. Toutefois, il ne faudra pas compter sur les futures baisses de prix pour améliorer le pouvoir d’achat immobilier en 2025 : les marges de baisses sont en effet fortement limitées, à la fois du côté des prix à la consommation dont la hausse pourrait rester autour de +1,5% l’an prochain (après +2% en 2024 et +4,9% en 2023), et du côté des prix des logements neufs qui n’ont que faiblement reculé et repartent déjà à la hausse au troisième trimestre 2024. La rareté du foncier, les coûts de la construction, la multiplication des normes techniques, l’assèchement de l’offre de nouveaux programmes contribuent en effet à maintenir des niveaux de prix élevés. L’ajustement du marché du neuf ne se fait donc par les prix mais par les quantités comme en a témoigné la récente chute des transactions.
Ainsi, seules les conditions bancaires et la mise en place de mesures de soutien pourraient permettre d’accroître la solvabilité des ménages. Or, les perspectives de baisses de taux d’intérêt sont plus réduites pour 2025. Certes, la Banque centrale européenne devrait à nouveau abaisser ses taux directeurs mais les marges des banques seront contraintes par les taux longs ; ce d’autant que le climat de flottement institutionnel et d’instabilité politique risque d’agiter les marchés financiers et de tendre le taux des emprunts d’Etat. Quant aux mesures de soutien, la plus emblématique et la seule contenue dans le budget 2025, à savoir l’élargissement du PTZ (prêt à taux zéro) à tout le territoire et au logement individuel, n’a pour l’heure pas pu aboutir en raison du vote de la censure… Dans ces conditions, les capacités de rebond du marché immobilier, puis de la construction, devraient restées limitées en 2025. Après avoir reculé de près de 137.000 unités en deux ans, les mises en chantier de logements pourraient se redresser timidement sur la deuxième moitié de l’année (soit +10.000 unités en 2025 selon nos estimations). Cette atonie pèsera sur la demande de BPE qui ne bénéficiera pas vraiment plus d’une amélioration des mises en chantier de locaux non résidentiels.
La conjoncture des travaux publics, que la FNTP prévoit globalement en léger repli l’an prochain, devrait cependant continuer d’alimenter l’activité des matériaux sur le segment des grands opérateurs dont l’activité resterait haussière. En revanche, des incertitudes pèsent sur l’investissement des collectivités qui représentent 42% des travaux. Selon une note de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locale [1] parue en octobre dernier, les dépenses d’équipement de ces dernières devraient encore progresser de +5,9% en volume en 2025, dernière année du cycle électoral (après +5,5% en 2024). Mais les contraintes budgétaires et politiques pourraient freiner ces dépenses même si les mesures de réduction de déficit public contenues dans le budget Barnier sont à ce jour écartées.
Au total, la demande de matériaux ne devrait pas connaître de redressement l’an prochain. Tout au mieux, une stabilisation est prévue du côté des granulats tandis que, côté BPE, une nouvelle contraction, certes bien plus modeste que celle constatée cette année, est encore attendue pour 2025. Compte tenu du contexte actuel, cet exercice prévisionnel est soumis à un degré d’incertitude particulièrement élevé mais il confirmera en tout état de cause un niveau d’activité, encore une fois, historiquement faible.
Les sujets majeurs de la profession pour 2025
Mettre en lumière l’importance sociétale des matériaux minéraux et des carrières
Tout au long de l’année 2025, l’UNICEM mènera des actions de sensibilisation auprès des décideurs et du grand public pour valoriser les matériaux minéraux et faire découvrir la diversité de leurs usages, souvent méconnus, renforçant ainsi la compréhension de l’importance de cette filière pour notre quotidien et notre avenir.
Par ailleurs, au-delà de leur rôle essentiel indispensable à la construction, les carrières de granulats jouent un rôle clé dans la vie des territoires en générant de multiples valeurs ajoutées. Parmi les services rendus, on peut citer les initiatives en faveur des énergies renouvelables comme le photovoltaïque, la gestion et la préservation des ressources en eau, le soutien à la biodiversité, l’aménagement paysager, la valorisation et le recyclage des matériaux, ou encore des actions culturelles et sociétales. À cela s’ajoutent des contributions économiques locales, telles que l’apport fiscal et la création d’emplois. En 2025, une série de publications mettra en lumière l’ensemble de ces contributions.
En 2024, une première brochure a été publiée sur les installations photovoltaïques mettant en avant 17 sites équipés de panneaux solaires au sol ou flottants, en service pendant ou après l’exploitation des carrières. Cette publication illustre un potentiel impressionnant : aménager seulement 5% de la superficie totale des carrières en installations photovoltaïques permettrait de produire 4% des besoins énergétiques nationaux.
Promouvoir des pratiques responsables pour un développement durable du secteur
UNICEM Entreprises Engagées, association loi 1901 créée sous l’égide de l’UNICEM, œuvre pour l’amélioration continue des pratiques environnementales et sociétales des entreprises du secteur des carrières et matériaux de construction. Son objectif est clair : promouvoir un développement durable de la profession en s’appuyant sur les démarches de progrès Cap Environnement et Label RSE. Aujourd’hui, près de 1.800 sites sont engagés dans ces démarches, représentant plus de 50% du volume de production annuelle de la profession : 725 centrales à béton et 764 carrières sont labellisées RSE, et 413 carrières ont rejoint Cap Environnement.
En 2025, l’UNICEM et UNICEM Entreprises Engagées poursuivront leurs efforts pour obtenir une reconnaissance formelle de l’État pour le Label RSE UEE et les autres labels sectoriels RSE validés par des organismes tiers indépendants. Conscientes des enjeux majeurs que représente la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et mobilisées de longue date en faveur de la RSE, des intersections entre le Label RSE UEE et les exigences de la directive européenne CSRD, l’UNICEM et UEE œuvrent pour sensibiliser et accompagner les entreprises dans la mise en œuvre de cette réglementation, renforçant ainsi leur engagement en matière de durabilité et de responsabilité sociétale.
Former les talents d’aujourd’hui et anticiper les compétences de demain
UNICEM Campus est l’organisme national de formation de l’UNICEM, dédié aux métiers de la filière des matériaux de construction. Son offre, accessible via l’apprentissage et la formation continue, répond aux besoins spécifiques des professionnels du secteur. Répartis sur trois campus régionaux – Montalieu-Vercieu (AURA), Bessières (Occitanie) et Louvigné-du-Désert (Bretagne) – UNICEM Campus forme chaque année près de 1.200 apprentis et stagiaires. Les formations couvrent une large palette de métiers : conduite et maintenance d’engins de travaux publics et de carrières, taille de pierre dans des campus d’excellence, géologie, production et qualité des matériaux de construction, ainsi que la modélisation numérique et le métier de géomètre-topographe.
Dans une démarche proactive pour préparer l’avenir de la profession, UNICEM Campus élargira son offre en 2025, avec de nouvelles formations, notamment sur le management de l’exploitation des carrières. Une veille constante, réalisée en partenariat avec les CERC et l’Observatoire Compétences Industries, permet de publier chaque année des études régionales et nationales sur l’activité, l’emploi et la formation dans l’industrie des matériaux. Par ailleurs, des travaux de prospective, conduits avec l’Observatoire Compétences Industries, anticipent les compétences nécessaires à l’horizon 2030. Ces analyses sont synthétisées dans l’étude « Compétences 2030 », régulièrement mise à jour pour accompagner l’évolution de la filière et renforcer son attractivité.
[1] Source : OFGL, « L’ampleur des investissements locaux actuels » – Collection Cap sur… N°25 - Octobre 2024
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