Alors que les chiffres de la construction et des ventes de logements neufs franchissent des points bas, entrainant dans leur sillage l’ensemble des secteurs amont et aval de la filière, quelques signaux plus positifs et inflexions de tendances se dessinent. Mais la sortie de crise s’annonce longue et graduelle. Côté matériaux, le secteur des granulats et du béton prêt à l’emploi (BPE) enregistreront de nouveau une contraction sensible de leur activité en 2024, tirant les volumes de production vers des plus bas historiques (à 304 millions de tonnes estimés pour les granulats et à 33 millions de m3 pour le BPE). Même si le marché immobilier devrait sortir doucement de sa léthargie en 2025, les délais de diffusion vers le secteur constructif et les nombreuses incertitudes politiques pourraient encore peser sur l’activité des matériaux qui, au mieux, se stabiliserait, voire se replierait encore pour le BPE.
Chiffres clés
Ces trois derniers mois, comparés aux trois mois précédents, l'activité des granulats et du BPE reste légèrement haussière : +1,3% et +1,2% respectivement.
Un mois d'octobre encore en léger repli
Selon les premières estimations de l'UNICEM, l’activité du BPE et des granulats aurait de nouveau reculé en octobre. Comparé au mois de septembre, les volumes de granulats auraient cédé – 2,3%, s’inscrivant en repli de - 4,3% par rapport à octobre 2023 (données CVS-CJO). Sur les trois derniers mois connus, l’activité affiche une contraction de - 4,2% sur un an tandis que, par rapport aux trois mois précédents, elle demeure légèrement haussière, de + 1,3%. Ainsi, sur les dix premiers mois de l’année, la tendance revient à -5,5% en glissement annuel, un rythme plus atténué que pour le cumul glissant sur douze mois (-6,5%). S’agissant du BPE, le mois d’octobre enregistre également un repli des livraisons, de -9,8% sur un an, mais une quasi-stabilisation (-0,2%) par rapport à septembre (données CVS-CJO). Tout comme pour les granulats, l’évolution de l’activité reste positive sur les trois derniers mois comparés aux trois mois précédents (+1,2%) mais reste en net retrait en glissement annuel (-9,8%). Au total, en cumul depuis octobre, les volumes de production de BPE cèdent encore -12,6% sur un an.
Quelques signes d’inflexion se dessinent donc mais ils restent encore timides. L'indicateur de l'UNICEM matériaux le confirme : après trois mois de hausse, l’index (à 83,6) recule à nouveau en septembre, de -2% par rapport à août (données CSV-CJO). Cependant, au troisième tri- mestre, l’activité du « panier » affiche une progression par rapport au trimestre précédent (+ 1,7%) et son recul en glissement annuel revient à - 5%, soit un rythme de baisse plus modéré que celui constaté en cumul sur les neuf premiers mois de l’année (- 8%) ou encore sur les douze mois glissants (- 9,4%). L’activité du panier reste donc, à fin septembre, 16,4% en dessous de son niveau de début 2021, certains matériaux comme les tuiles et briques, le ciment ou encore le béton et produits en béton, creusant d’avantage l’écart. La meilleure orientation du secteur des travaux publics a cependant permis de limiter le repli de certains d’entre eux tandis que ceux qui sont exclusivement destinés au secteur résidentiel enregistrent de fortes contractions.
2024 : entre crise du bâtiment et fin du cycle pour les TP

L’épicentre de la secousse immobilière est désormais derrière nous. Pour autant, l’onde de choc n’a pas fini de se diffuser dans toute la filière et le reste de l’économie. Le niveau des permis de construire de logements, en dépit d’un redressement graduel (+ 12,9% par rapport à septembre en données CVS-CJO), se situait encore, à fin octobre, 10,5% en dessous de son niveau des douze mois précédents et restait surtout inférieur de 23% à la moyenne de ces dix dernières années. Du côté des mises en chantier, les récentes hausses (+11,5% par rapport à septembre en données CVS-CJO) sont loin de parvenir à endiguer le recul qui affiche -18,7% à fin octobre sur douze mois, soit un niveau environ 30% inférieur à la moyenne de la dernière décennie. Au total, le nombre de logements commencés enregistrera un minima historique en 2024, avec sans doute moins de 250.000 unités. Plus en amont, les perspectives des promoteurs immobiliers tendent à se redresser, après avoir franchi des points bas, tout comme les réservations de logements neufs qui ont confirmé une progression au troisième trimestre. Ainsi, avec 17.456 unités réservées, le marché se ranime pour le troisième trimestre consécutif (+ 4,6% par rapport au trimestre précédent, données CVS-CJO) laissant le niveau des transactions en hausse de +5,8% sur un an... mais inférieures de plus de 40% à leur moyenne des dix dernières années ! Les conditions d’un redressement se sont doucement mises en place en 2024, permettant d’amorcer cet infléchissement des tendances mais de nombreuses pesanteurs et incertitudes subsistent pour les prochains mois.
La baisse des taux d’intérêt (-83 pdb en moyenne sur les emprunts bancaires entre décembre 2023 et novembre 2024) couplée à une politique d’offre de prêts plus volontariste de la part des banques ont permis aux ménages de renouer avec le crédit dont la production des trois derniers mois (septembre à novembre) progresse de +37% concernant les achats dans le neuf. Le mouvement de désinflation et la légère inflexion des prix de l’immobilier neuf ont permis de rendre de la solvabilité aux ménages ; les projets d’investissement logement de ces derniers se redressent d’ailleurs depuis plusieurs mois, comme le confirme l’enquête auprès des ménages de l’Insee. Toutefois, il ne faudra pas compter sur des baisses de prix futures pour améliorer le pouvoir d’achat immobilier en 2025 : en effet, les prix des logements neufs (qui n’ont que faiblement reculé) repartent déjà à la hausse au troisième trimestre 2024 (+0,2% pour les appartements et +5,5% pour les maisons par rapport au trimestre précédent, données CVS-CJO). La rareté du foncier, les coûts de la construction, la multiplication des normes techniques, l’assèchement de l’offre de nouveaux programmes contribuent en effet à maintenir des niveaux de prix élevés. Ainsi, seules les conditions bancaires et la mise en place de mesures de soutien pourront permettre d’accroître la solvabilité des ménages. Or, les perspectives de repli des taux d’emprunt se réduisent pour 2025, en dépit des nouvelles baisses de taux directeurs de la BCE attendues, car les banques seront contraintes par les taux longs ; ce d’autant que le climat de flottement institutionnel et d’instabilité politique risque d’agiter les marchés financiers et de tendre le taux des emprunts d’État. Quant aux mesures de soutien, l’élargissement du PTZ à tout le territoire et au logement individuel, qui était très attendue dans le budget 2025, n’a pour l’heure pas pu aboutir en raison du vote de la censure.
Du côté des TP, la bonne tenue de l’activité (+2,4% sur un an, en volume, de janvier à octobre) et des carnets de commandes (+8,5%) a permis de limiter l’ampleur de la dégradation des granulats, bien que ces derniers n’aient pas bénéficié du même soutien que lors des précédents cycles électoraux. En effet, la nature des chantiers de TP en 2023 et 2024 (plus tournée vers les ouvrages de génie civil et les projets d’aménagements et de transports urbains que vers les routes et terrassements) s’est révélée peu « gourmande » en granulats. Il convient d’ajouter à cela l’approche désormais beaucoup plus vertueuse de la ressource qui conduit à privilégier une démarche d’économie circulaire. En 2025, l’activité des grands opérateurs devrait encore alimenter la demande de matériaux tandis que les dépenses d’équipement des collectivités locales progresseraient à nouveau (+5,9% en volume en 2025, dernière année du cycle électoral, après +5,5% en 2024) selon la dernière note de l’OFGL*.
Matériaux 2025 : pas de reprise en vue
Après un recul estimé autour de -4% pour les granulats et de -12% pour le BPE en 2024, les besoins en matériaux ne devraient pas connaître de vraie reprise l’an prochain. Le climat d’incertitude politique et les orientations budgétaires à venir pourraient peser à la fois sur le potentiel de redressement du logement et sur le cycle d’investissement des collectivités. Tout au mieux, une stabilisation dans les granulats et un léger repli dans le BPE sont attendus, confirmant en tout état de cause un niveau d’activité historiquement faible.
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