Mais alors que MaPrimeRénov monopolise l’attention, il est impératif de ne pas négliger l’avenir d’un autre dispositif clé de la rénovation énergétique : les certificats d’économie d’énergie (CEE). Malgré des résultats incontestables et une aura confirmée par un récent rapport de l’Inspection générale des finances, ce dispositif se retrouve aujourd’hui sous le feu des critiques. En effet, deux rapports, l’un du Conseil d’analyse économique publié cet été et l’autre de la Cour des comptes, le fustigent, appelant à sa suppression ou, a minima, à une réforme d’ampleur.
Les CEE, un dispositif simple et efficace !
Les CEE se distinguent par leur universalité. Contrairement à d’autres aides, ce dispositif est très facile d’accès pour les bénéficiaires mais c’est également et surtout le seul qui s’applique à l’ensemble des maîtres d’ouvrage (secteur public et privé, professionnels et particuliers), sans condition de ressources. Un avantage essentiel et crucial dans le contexte actuel où la transition énergétique doit être accélérée.
A l’heure où l’ensemble du secteur de la réhabilitation a besoin de lisibilité dans le temps, c’est finalement le dispositif national le plus stable en place car il est encadré par une directive européenne jusqu’en 2030 et, de fait, non remis en question à chaque session budgétaire.
Dans les faits, entre 2006 et 2021, les CEE ont permis de réaliser des économies d’énergie considérables : 3.336,3 TWhCumac, avec un objectif de 3.100 TWhCumac pour la période 2022-2025. Quand on sait que 100 TWhCumac correspondent à la consommation énergétique résidentielle d’un million de Français pendant 15 ans, l’efficacité du dispositif est évidente : les 3.336,3 TWhCumac économisés depuis le lancement du dispositif correspondent ainsi à la consommation de 33,363 millions de Français pendant 15 ans, soit 48,79% de la population française.
Comment expliquer alors que l’on puisse envisager de se priver d'un tel outil ?
Un modèle pourtant envié par nos voisins européens
Le paradoxe est d’autant plus troublant que certains de nos voisins européens ont adopté ce dispositif stricto sensu. L’Espagne a notamment fait un « copier-coller » du dispositif français. Ce qui explique d’ailleurs que certains délégataires CEE français soient maintenant présents sur la péninsule Ibérique, preuve que ce modèle français fait école au-delà de nos frontières.
Alors que la France s’interroge sur la pertinence de conserver les CEE et envisage leur suppression radicale ou une refonte, d’autres pays européens continuent donc d’y voir une solution efficace pour répondre aux défis climatiques.
Un dispositif à améliorer, pas à supprimer
Après de très nombreuses années d’exercice (depuis 2005 !), il est indéniable qu'il doit encore évoluer pour répondre aux défis actuels. Mais il doit être amélioré et non supprimé. C’est d’ailleurs ce que semblent suggérer le ministre de l’Économie mais aussi un récent appel à programmes de la Direction générale de l’énergie et du climat. Ce qu'il faut, c'est une réforme ambitieuse, constructive, qui renforce l’efficacité du dispositif tout en préservant ses fondements.
Synergiec, acteur majeur du secteur, préconise :
- Un contrôle renforcé pour fermer définitivement la porte à l’éco délinquance,
- Un parcours simplifié pour le client final ainsi que pour toute la filière, gage préalable à toute ambition climatique,
- Une validation des économies d’énergie et de CO2 réalisées et financées par les aides publiques,
- Une réduction du délai entre la fin des travaux et le dépôt des CEE associés. Le but est d’avoir plus de visibilité sur la production de CEE et le pilotage du dispositif pour éviter des chutes de valorisation assez fréquentes,
- Une possibilité de pouvoir recourir à ce dispositif pour tout type d’opération. Aujourd’hui, si le dispositif s’adresse à tous les maîtres d’ouvrage, il est en revanche impossible d’y recourir pour rénover en transformant un bâtiment tertiaire en logement malgré l’urgence,
- Une annulation de l’intégration des CEE dans MaPrimeRénov « rénovation d’ampleur ». Cette décision a en effet déstabilisé un secteur entier en le détournant du résidentiel individuel pourtant si prioritaire. La gestion par l’État des CEE générés par ces travaux détruit en effet tout modèle économique viable pour les acteurs privés.
À l’heure où l’urgence climatique impose des actions fortes et concertées, il serait contreproductif de démanteler un dispositif aussi vertueux et pérenne que les CEE. La transition énergétique n’a pas besoin de plus de complications, elle a besoin d’outils clairs, stables et accessibles à tous. Les CEE ont prouvé leur efficacité et leur adaptabilité. Ils doivent être préservés et améliorés, non supprimés. Ne faisons pas de l'urgence climatique une victime de débats budgétaires court-termistes. Le temps est à l’action, pas à la régression.
Pour mémoire sur les CEE : le “Certificat blanc” Made in France
Pour mémoire, initié par le Protocole de Kyoto en 2005, le dispositif des « certificats blancs » a été instauré à l’échelle de l’Union Européenne à travers la Directive Européenne sur l’Efficacité Energétique afin d’encourager les économies d’énergie face à l’urgence climatique. En France, le dispositif a été mis en place dès 2005, à travers la loi de Programmation fixant les Orientations de la Politique Énergétique (Loi POPE du 13 juillet 2005).
En France, le dispositif des CEE repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux vendeurs d’énergie appelés les "obligés" (électricité, gaz, GPL, chaleur et froid, fioul domestique et carburants automobiles). Ceux-ci sont ainsi incités à promouvoir activement l’efficacité énergétique auprès des consommateurs d’énergie. Ils prouvent leurs actions à travers ces certificats remis par les pouvoirs publics en contrepartie de la réalisation de travaux d’économie d’énergie.
Dès que nous réalisons des travaux d’économie d’énergie (isolation, système de chauffage performant, double vitrage), nous allons économiser des kilowattheures pendant toute la durée de vie des matériaux et matériels installés. Pour chaque type de travaux, une « fiche CEE » indique les économies cumulées dans le temps en tenant compte de l’évolution (actualisation) du niveau de performance des matériaux et matériels dans le temps : soit des kilowattheures « Cumac » contraction de cumulé et actualisé.
Tribune de Pierre Evrard, directeur associé de Synergiec (Linkedin).