Depuis plusieurs années, la Chine tente de déplacer son ambassade du quartier huppé de Marylebone vers un site historique à deux pas de la Tour de Londres, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, et du célèbre Tower Bridge enjambant la Tamise.
Le projet suscite une levée de boucliers de la part de riverains, de militants des droits humains et autres voix critiques à l'égard de Pékin.
Signe de son importance, le dossier a été mis sur la table en novembre lors de la rencontre entre le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président chinois Xi Jinping à Rio, en marge du G20, la première en six ans.
Le dirigeant travailliste, engagé à relancer les relations entre Londres et Pékin depuis son élection en juillet, a promis de "reprendre en main" ce dossier, qui faisait jusque-là l'objet d'un bras de fer au niveau local.
Ce projet d'ambassade, annoncée comme la plus grande du Royaume-Uni, sera examiné début 2025 par un inspecteur chargé de la planification nationale. Le dernier mot reviendra à la vice-Première ministre Angela Rayner, en charge notamment de l'urbanisme.
"Je n'aurais jamais cru que ce sujet soit abordé au plus haut niveau", s'étonne auprès de l'AFP Simon Cheng, dissident hongkongais en exil et opposant à ce projet.
Craintes de "surveillance"
Comme le site héberge des bâtiments historiques classés, toute modification doit obtenir le feu vert des autorités du conseil de Tower Hamlets, quartier londonien dont il dépend.
En 2022, ses élus ont rejeté à l'unanimité ce projet, conçu par le prestigieux cabinet d'architectes du Britannique David Chipperfield.
Les opposants espéraient que Pékin revendrait le site acheté en 2018 pour 327 millions de dollars (311 millions d'euros), mais un projet quasi-identique a été à nouveau soumis en juillet.
Ils s'insurgent à la perspective de voir s'installer l'ambassade sur ce site appelé Royal Mint Court, emplacement historique de l'agence chargée de frapper la monnaie britannique et actuellement inutilisé, à proximité immédiate de monuments du patrimoine londonien.
"C'est comme si les Français ou les Italiens autorisaient l'implantation d'une gigantesque ambassade à côté du site classé le plus célèbre de leur pays... et pas n'importe quelle ambassade", s'étrangle Peter Golds, conseiller conservateur local.
Les opposants s'inquiètent aussi d'une potentielle "surveillance" mise en place dans leur quartier, et ont commencé à lever des fonds pour engager des avocats chargés de plaider leur cause auprès des autorités.
Dave Lake, un habitant du quartier, espère que le gouvernement les soutiendra dans ce qu'il qualifie de combat de David contre Goliath.
Marquées par des années de tensions autour de la situation à Hong Kong, les relations entre Londres et Pékin restent fragiles.
Pas plus tard que lundi, le chef du gouvernement britannique a fait part de sa "préoccupation" à propos des agissements de la Chine, en réaction aux soupçons d'espionnage visant un homme d'affaires chinois lié au prince Andrew. Des accusations balayées comme "absurdes" mardi par Pékin.
L'ambassade de Chine au Royaume-Uni a quant à elle rappelé que "les pays hôtes ont l'obligation de soutenir et de faciliter la construction des locaux des missions diplomatiques".
Elle s'est dite "engagée à promouvoir l'amitié entre les peuples chinois et britannique, ainsi que le développement des relations bilatérales", soulignant que l'aboutissement du projet "dans les plus brefs délais aiderait à assumer ces responsabilités".
Ce projet d'ambassade constitue un "symbole" fort, et donc une "priorité" pour la Chine, confirme à l'AFP James Jennion, chercheur associé au groupe British Foreign Policy Group.
Le fait que son sort ait été évoqué en haut lieu va désormais "compliquer l'évaluation (du projet) sur base d'éléments concrets, et constituera certainement un enjeu central des relations entre le Royaume-Uni et la Chine jusqu'à la décision", souligne-t-il.