Mis en lumière par les inondations meurtrières de Valence, en Espagne, comme un facteur clé d'aggravation des risques, les ravages de l'artificialisation des sols ne font plus vraiment débat chez les maires.
La ministre du Partenariat avec les territoires Catherine Vautrin était pourtant venue le leur rappeler. "De 2009 à 2022, nous avons consommé 24.000 hectares d'espaces naturels, agricoles et forestiers chaque année en France. (...) En vingt ans, l'artificialisation des sols a augmenté quatre fois plus que notre démographie", a-t-elle souligné en plénière d'ouverture.
Depuis sa création par la loi Climat de 2021, l'objectif de "zéro artificialisation nette" (ZAN) des sols est l'acronyme le plus honni des maires.
Il vise à stopper l'étalement urbain d'ici 2050, avec l'objectif intermédiaire de diviser par deux le rythme d'artificialisation d'ici 2031 par rapport à la période 2011-2021.
Si la loi du 20 juillet 2023, initiée par le Sénat, a introduit plusieurs mesures d'assouplissement, l'incompréhension des élus demeure sur le terrain face à la complexité de certains décrets d'application.
"Il y a deux sentiments qui dominent, l'absence de transparence avec une loi qui est mise en oeuvre au-dessus des maires", notamment par le biais des régions, et "un profond sentiment d'inégalité entre les territoires", a témoigné Jean-François Vigier, maire UDI de Bures-sur-Yvette (Essonne).
Dans la lignée de l'évolution "pragmatique et différenciée" sur le ZAN promue par le Premier ministre Michel Barnier dans son discours de politique générale, les sénateurs ont déposé début novembre une proposition de loi visant à "redonner de l'air aux collectivités".
"On a lancé ce travail parce que (...) cette logique descendante de l'Etat vers les territoires ne tenait pas compte de leurs aspirations (...) et qu'on en perdait de vue l'objectif", a expliqué le sénateur Guislain Cambier (Union centriste).
Mécanisme "vicieux"
"On se dit que ça ne sera pas très grave si on déroge un peu, dès lors que c'est justifié (...). Sur un sujet comme celui-là, il faut sortir des postures idéologiques (...) en disant qu'il y a tout simplement des grands objectifs nationaux que nous devons respecter", a abondé le sénateur LR Jean-Baptiste Blanc.
Parmi les éléments reprochés, l'absence d'incitation économique à tendre vers plus de sobriété.
"Force est de constater qu'une zone commerciale, elle vous ramène de la Tascom (taxe sur les surfaces commerciales), elle vous ramène (...) de l'emploi, comment dire non ?", a interrogé Constance de Pélichy, nouvelle députée Liot du Loiret.
"On touche du doigt le mécanisme parfois très vicieux de l'aménagement du territoire qui a pu amener un certain nombre d'élus, notamment pour pouvoir continuer à développer leur village (...) vers des excès d'urbanisation", poursuit-elle.
Pour Françoise Rossignol, maire PS de Dainville (Pas-de-Calais), la difficulté de la loi tient aussi à son "atterrissage sur le terrain".
Les élus se retrouvent ainsi en première ligne pour expliquer à un habitant "pourquoi le terrain sur lequel il a payé des droits de succession n'aura demain quasiment plus de valeur parce qu'il ne sera plus constructible", a-t-elle observé.
Laurence Rouède, vice-présidente de la région Aquitaine, a indiqué de son côté que le ZAN était venu "perturber" un travail des régions sur la sobriété foncière initié par la loi NOTRe, en voulant aller "plus vite et plus fort" mais en oubliant des sujets majeurs que sont "la réindustrialisation, le logement, la production d'énergies renouvelables", autant de politiques consommatrices de foncier.
"Il nous faut une autre loi pour parvenir aux mêmes objectifs, avec un +timing+ mais une autre méthode", a plaidé Jean-François Debat, maire PS de Bourg-en-Bresse.
Catherine Vautrin a esquissé une série de réponses, notamment la simplification de la méthode de comptabilisation des hectares consommés, le décompte à part des "grands projets d'envergure nationale ou européenne" (Pene), et la possibilité de reculer la décennie de référence de départ servant à calculer les hectares déjà consommés pour une période plus contemporaine, supposément plus juste.