Mais si ces signaux vont dans le bon sens, ils n’endigueront pas pour autant la chute des mises en chantier et de la demande de matériaux qui devrait perdurer tout au long de l’année 2024. Ils contribueront en revanche à modérer la baisse des permis et des projets de construction. L’amélioration des conditions de crédit (taux et politique de prêt plus volontariste de la part des banques) va permettre d’améliorer la solvabilité des ménages mais ne suffira pas à court terme à la restaurer : les moindres dispositifs de soutien public et la résistance à la baisse des prix de l’immobilier neuf pèseront encore sur la dynamique d’investissement logement des ménages. Le redémarrage du marché sera donc long et graduel mais certaines conditions semblent d’ores et déjà enclenchées. La demande de matériaux devrait certes bénéficier d’une conjoncture mieux orientée du côté des travaux publics mais la nature et l’épaisseur des carnets ne suffiront pas à éviter une nouvelle récession dans le secteur des granulats et du BPE en 2024.
Chiffres clés
Année 2024
Une nouvelle baisse des volumes est attendue
- Granulats : entre -5% et -6%
- BPE : entre -11% et -12%
Rebond de l'activité « granulat » en février
Après un mois de janvier plutôt mauvais, les productions de matériaux se sont redressées en février. Du côté des granulats, l’activité a rebondi de +14,3% par rapport à janvier, hissant les volumes à +7,8% au-dessus de ceux de février 2023 (données CVS-CJO). Il est encore trop tôt pour identifier l’origine de ce redressement qui pourrait s’expliquer par un raffermissement de la demande ou/et par un simple effet de rattrapage d’une activité très ralentie en fin d’année 2023. Ce faisant, l’activité des trois derniers mois gagne +8% par rapport aux trois mois précédents, ce qui ramène son repli à -1% comparé à la même période d’il y a un an. Sur les deux premiers mois de l’année, la production de granulats s’inscrit désormais sur une tendance très légèrement positive (+0,6% sur un an), le cumul sur douze mois glissants revenant à -6%. Les évolutions sont bien plus négatives s’agissant du BPE dont les livraisons cèdent -12,1% par rapport à février 2023 en dépit d’un raffermissement par rapport à janvier (+4,8%). La baisse continue des mises en chantier pèse lourdement sur la demande de béton. Même si, sur les trois derniers mois de décembre à février, la production s’est quasiment stabilisée au regard du trimestre précédent (-0,5%), elle affiche une contraction de -9% en comparaison de la même période de l’an passé et la baisse des volumes s’accentue. En cumul glissant sur douze mois, la production perd -5,6% à fin février tandis que sur les deux premiers mois de l’année, elle plonge de -14,4% sur un an.
Après un repli de -9% en 2023 (données CJO), l’indicateur matériaux affiche une baisse de -12% sur les deux premiers mois de 2024 en glissement annuel, dont -6,6% pour le seul mois de février. Les produits destinés au bâtiment enregistrent les reculs les plus marqués.
Amorce du redressement des permis logement
Après un recul de -24,1% des permis de logements en 2023 (à 371.500 unités), le rythme de repli se modère peu à peu : sur les deux premiers mois de 2024, les autorisations de maisons individuelles cédaient -17,2% sur un an (contre -29,7% en 2023) tandis que celles du collectif perdaient -6% (contre -20,4%). Ainsi, sur le dernier trimestre connu à fin février, les permis se redressaient de +4,4% par rapport aux trois mois précédents (données CVS-CJO) et parmi eux, ceux du segment collectif gagnaient +9,6%. Certes, les niveaux d’autorisations demeurent encore bas au regard du passé et l’inflexion ne s’est pas encore produite dans le segment de l’individuel mais le point bas semble avoir été atteint. En revanche, du côté des mises en chantier, les tendances restent mal orientées. Après avoir plongé de -21,6% en 2023 (à 296.400 unités), les mises en chantier de logement affichent un repli de -25% en janvier-février, comparé à il y un an, le segment de l’individuel observant un recul plus marqué encore que le collectif (-27,4% contre -22,9% respectivement). Ces tendances font évidemment écho à la chute des permis et, même si le rythme de baisse des mises en chantier s’est un peu modéré au cours des trois derniers mois (-0,6% sur décembre-février par rapport aux trois mois précédents, données CVS-CJO), il faudra s’attendre à une nouvelle année de baisse des chantiers commencés en 2024. Concernant les locaux d’activité, les orientations sont également baissières, que ce soit sur l’ensemble de l’année 2023 comme au début de 2024, mais dans des amplitudes qui ne sont heureusement pas comparables. Après une contraction de -6,3% des permis non résidentiels en 2023, le bimestre janvier-février s’établit sur un repli de -3,4% sur un an. Quant aux surfaces commencées, après avoir décliné de -15% en 2023 (à 22,383 millions de m2), leur baisse revient également à -3,4% en glissement annuel sur la même période. Les locaux industriels et les entrepôts, qui représentent 35 % des surfaces commencées, enregistrent même des progressions sur les trois derniers mois. Ces tendances suggèrent que la diminution des surfaces commencées devrait rester assez limitée en 2024.
Mais une chose est sûre : l’activité constructive inscrira une nouvelle année de repli, ce qui pèsera sur la demande de matériaux. Les conditions d’un redémarrage se mettent cependant lentement en place : à la faveur d’un début de baisse des taux d’intérêt (-30 points de base entre décembre 2023 et mars 2024) et des prix immobiliers (-3,9% en France dont -6,8% à Paris sur un an à fin 2023), les acquéreurs refont peu à peu surface, selon le réseau Orpi. Les banques, plus disposées à prêter en raison d’une meilleure rentabilité de l’activité de crédit, devraient aussi contribuer à dénouer le marché jusqu’ici figé. Ces premiers signaux sont encore ténus et fragiles et la baisse des prix, limitée à l’ancien, reste insuffisante pour resolvabiliser la demande. Mais l’amorce d’une détente des taux directeurs de la BCE, attendue dès le début du second semestre (-25 points de base en juin selon le consensus des analystes), pourrait toutefois contribuer à ramener des acquéreurs sur le marché et débloquer ainsi peu à peu l’enchaînement des transactions. Pour autant, il faudra sans doute attendre encore au moins un an avant que l’immobilier neuf retrouve une activité haussière.
Travaux publics
Selon la FNTP, les travaux réalisés en ce début d’année 2024 ont légèrement fléchi par rapport à l’an passé, de -1,5%, en volume, sur les deux premiers mois (données CVS-CJO). En cumul sur les douze derniers mois glissants, l’activité demeure toutefois en progression de +4,1%, tout comme les marchés conclus qui, en dépit aussi d’un léger repli en début d’année, affichent encore une hausse de 29,3%. Portés par les gros chantiers (EPR, contrats de modernisation du réseau ferroviaire, transports urbains...), les carnets de commandes apparaissent bien garnis, dans le secteur privé comme dans le secteur public, même si les investissements des départements sont clairement moins bien orientés que ceux des communes et intercos. La baisse des recettes de DMTO*, liée aux moindres transactions immobilières (-23% en 2023 à 860.000), a pesé sur l’épargne brute des départements (et régions) qui a baissé de -39% sur un an en décembre (contre +9% pour les communes).
Perspectives matériaux 2024
Les professionnels des travaux publics, bien que prudents sur les risques de propagation de la crise immobilière aux commandes de la clientèle privée et vigilants face à la baisse de certaines dotations aux collectivités (annulation de crédits de l’État), demeurent plutôt optimistes à court terme. Le cycle électoral et les grands chantiers devraient continuer de maintenir l’activité. Cela ne sera cependant pas suffisant pour compenser les effets de la crise immobilière sur la demande de matériaux qui se contractera pour la troisième année consécutive et dont les volumes produits franchiront des plus bas historiques avec moins de 300 Mt pour les granulats et 33 M de m3 pour le BPE.
* DMTO : droits de mutation à titre onéreux
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