Octobre est un mois "maudit" pour le Livret A, fait remarquer à l'AFP le directeur du Cercle de l'épargne Philippe Crevel, "parce que c'est un mois de dépenses de rentrée, et d'impôts locaux".
La collecte nette (solde des dépôts et des retraits) est presque toujours négative ce mois-ci, les ménages devant notamment mettre la main au portefeuille pour s'acquitter de la taxe foncière et d'éventuelles régularisations de leurs impôts sur le revenu.
Les Français ont ainsi retiré 1,94 milliard d'euros de plus qu'il n'en ont versé sur ce produit d'épargne le mois dernier. La tendance est la même pour le Livret de développement durable et solidaire (LDDS), qui s'est dégonflé de 640 millions d'euros en octobre.
Au total, l'encours de ces deux livrets a baissé de 2,58 milliards d'euros le mois dernier pour atteindre 581,8 milliards d'euros.
Le LEP surnage
L'hémorragie avait cependant été plus forte l'an dernier. A ces facteurs saisonniers s'ajoutait la tentation des épargnants également détenteurs d'un Livret d'épargne populaire (LEP) de le garnir davantage, à la faveur d'un relèvement de son plafond de 7.700 à 10.000 euros.
Le LEP, réservé aux épargnants modestes, a d'ailleurs mieux passé le mois d'octobre, avec des dépôts qui ont dépassé les retraits de 210 millions d'euros.
Son encours atteint un nouveau record, à 77,8 milliards d'euros.
L'année n'en reste pas moins honorable pour les Livrets A et LDDS, qui retrouvent une trajectoire comparable à l'avant Covid, en 2019, avec une collecte nette cumulée de près de 17 milliards d'euros depuis janvier 2024.
Elle "devrait se situer à plus de 20 milliards d'euros cette année", estimait il y a trois semaines le directeur général de la Caisse des dépôts, Eric Lombard, interrogé par le quotidien Les Echos.
Le mois de novembre est cependant loin d'être très porteur pour le Livret A, avec le début des dépenses de Noël et le poids croissant du "black friday". Le mois de décembre, synonyme pour certains de treizième mois et d'étrennes, lui est plus favorable.
Balle dans le pied
Dernièrement, le directeur général de la Caisse des dépôts n'a lui-même pas été le meilleur ambassadeur du livret A.
En amont d'une campagne vantant l'utilité de ce placement, Eric Lombard mettait en avant sur Radio Classique la baisse probable à venir de son taux, diminuant son attractivité, tout comme celui du LDDS.
Il devrait en effet passer de 3% actuellement - un niveau supérieur à l'inflation mais inférieur à ce qu'auraient pu théoriquement avoir les épargnants - à 2,5% en février prochain, selon lui, et en cohérence avec la formule de calcul.
M. Lombard est même allé jusqu'à faire la promotion de produits concurrents et moins sûrs puisque contenant un risque de perte en capital, contrairement au Livret A.
"Les Français pourraient gagner à investir un peu plus sur les marchés financiers notamment sur les marchés en actions", avait-il déclaré, vantant leur meilleure rémunération sur le long terme.
"C'est parce que ça coûte cher à la Caisse des dépôts de verser du 3%", observe M. Crevel.
La Caisse des dépôts et les banques qui le distribuent (Caisses d'Epargne, Crédit Mutuel, Banque postale...) se répartissent en effet la rémunération de ces livrets.
Elles peuvent s'attendre à verser des intérêts record en début d'année prochaine: ils pourraient dépasser 17 milliards d'euros pour les seuls Livrets A et LDDS, et même 20 milliards en y ajoutant les LEP.
Les banques, gratifiées d'une indemnité pour leur travail de collecte, voient cependant leur charge un petit peu allégée.