Ce n'est certes pas le Texas et son sous-sol gorgé d'hydrocarbures, mais la France dispose aussi de gisements pétroliers, anciens ou toujours en activité, dont certains seront mis à contribution pour accueillir du CO2 émis par les industries.
Le ministre Roland Lescure va lancer vendredi "un appel à manifestations d'intérêt" ciblant notamment les acteurs des hydrocarbures afin qu'ils proposent des projets d'enfouissement du CO2 dans ces gisements, voire dans des stockages rocheux.
Le gouvernement vise notamment les quelques entreprises qui produisent environ 1% du pétrole consommé en France,comme Vermillion ou Maurel & Prom.
"Plusieurs marques d'intérêt d'entreprises (...) souvent en partenariat avec des industriels", ont d'ores et déjà été remontées à Bercy.
L'annonce, qui sera faite officiellement vendredi lors d'une visite du ministre sur l'usine de Technip Energies à Sens, dans l'Yonne, marque "la concrétisation du lancement de la stratégie de stockage de la France", a indiqué son cabinet à l'AFP.
Elle s'inscrit dans les travaux de planification écologique et de décarbonation de l'industrie, dont l'objectif fixé par l'Elysée est de diviser en 10 ans par deux ses émissions de CO2 qui réchauffent les températures sur la planète.
Le captage et le stockage de carbone font partie des solutions vues comme nécessaires par les experts pour contenir le réchauffement de la planète, à condition de n'être pas utilisés comme un permis de continuer à polluer.
Une cartographie réalisée par le BRGM et qui sera dévoilée en juin a d'ores et déjà permis d'identifier trois grandes zones potentielles de stockage: le bassin parisien, le bassin aquitain et le piémont pyrénéen. Ces projets pourront porter soit sur des puits fermés soit sur des gisements en fin de vie.
Selon le ministère, "le potentiel sur les concessions existantes d'hydrocarbures au niveau national est estimé aux alentours de 800 millions de tonnes de CO2", ce qui permettrait de couvrir "50 ans des besoins de stockage de CO2 de l'industrie française".
Réduire les coûts
Une fois les sites potentiels signalés par les entreprises, d'ici le 26 juillet, une phase d'appel à projet sera ouverte jusqu'en décembre afin d'en évaluer les potentiels.
L'objectif est que "début 2025, le stockage du carbone soit testé dans 4 ou 5 endroits en France", indique le ministère.
Au moment des tests, ces projets pourront bénéficier d'une enveloppe globale encore provisoire d'"environ 20 à 30 millions d'euros" dans le cadre du programme France2030.
Ces tests, qui consisteront en une "échographie" du sous-sol, permettront de vérifier que les gisements pétroliers ou cavités sont bien étanches pour y stocker du CO2 pendant des millions d'années.
Pourquoi stocker en France ? "Il y a d'autres opportunités pour le faire: la Norvège, le Danemark, envisagent de stocker du CO2 sur leur territoire" en eaux profondes, mais ces projets ont un "coût élevé", en raison du transport et de la technologie utilisée, en offshore, relève Bercy.
"Stocker ce CO2 en France va donc permettre de diviser par deux ou trois le coût cumulé du transport et du stockage" par rapport à ces projets nordiques, dans laquelle la France restera associée, souligne le ministère.
"Demain la compétitivité d'une industrie lourde, ce sera notamment sa capacité à accéder à un stockage de CO2", indique-t-on au cabinet de Roland Lescure.
Fabricants d'engrais, cimentiers, chimistes, de nombreux industriels ont fait part de leur besoin de capter le CO2 qu'ils ne peuvent supprimer par d'autres moyens en bout de leurs chaînes de fabrication, afin de respecter les engagements de décarbonation qu'ils ont pris auprès de l'Elysée et du gouvernement.
"Si on veut diviser par deux les émissions industrielles en 10 ans, on doit recourir à la capture de carbone puisqu'il y a des procédés industriels sur lesquels il n'existe pas d'alternative sans émettre de carbone, il faut donc capter et stocker le carbone (...) c'est la décarbonation de dernier recours", a indiqué le ministère.
Les industriels ont évalué leurs besoins en captage à environ 8 millions de tonnes en 2030, puis 16 millions à l'horizon 2040.