Ce cas existe, rappelle la Cour de cassation, lorsqu'un propriétaire vend une partie de ses biens ou lorsqu'il vend ses biens à des personnes différentes.
Le cas s'est présenté dans un lotissement qui était à l'origine une parcelle de terrain appartenant à un seul propriétaire. Les parcelles ayant été vendues, l'un des acquéreurs s'était plaint de l'écoulement sur son terrain des eaux de pluie de son voisin. Il demandait la suppression de ces écoulements.
Il s'agit d'une servitude qui ne peut pas être remise en question, répondait ce voisin installé en amont. Car, disait-il, le code civil prévoit diverses sortes de servitudes, qui peuvent être établies par un "titre" écrit, comme un acte notarié, ou seulement par l'ancienneté lorsqu'elles existent depuis trente ans à la vue de tous. Mais il existe aussi, soulignait-il, une servitude qui résulte de l'organisation des lieux réalisée à l'époque où ceux-ci appartenaient à la même personne. On l'appelle la servitude "par destination du père de famille" et, lorsqu'une ou plusieurs parcelles ont été vendues, les nouveaux propriétaires doivent la supporter.
L'écoulement des eaux de pluie a été organisé comme il est actuellement, par l'ancien propriétaire du terrain, concluait ce voisin, et c'est une servitude à respecter.
Mais la Cour de cassation a soulevé une difficulté dans ce raisonnement.
Tout cela est juste, dit-elle, cette servitude ignorée existe, mais à la condition qu'il ne soit pas écrit le contraire dans l'acte de vente du notaire. Or, comme c'est très souvent le cas, une clause classique mentionnait en l'espèce que "le vendeur déclare qu'à sa connaissance, il n'existe aucune servitude sur l'immeuble", créée par lui-même ou un précédent propriétaire.
Une telle clause, explique la Cour, est contraire à l'existence de cette servitude de père de famille. Elle indique justement, selon les juges, qu'il n'y a pas de servitude, et dès lors, cet écoulement d'eau sur le terrain aval du voisin ne repose sur aucun droit.
Celui qui en bénéficie risque donc de devoir le supprimer.
(Cass. Civ 3, 28.1.2021, F 19-24.254).