Le vote solennel en fin d'après-midi sur cette proposition de loi sénatoriale devrait être favorable après un examen sans encombre la semaine dernière. La voie serait ainsi ouverte pour de prochaines négociations serrées avec le Sénat à majorité de droite.
Les députés ont en effet remanié plusieurs points du texte adopté mi-mars par les sénateurs. Sous l'impulsion notamment du gouvernement, lui aussi soucieux de répondre à la grogne des élus locaux, mais qui se refuse à remettre en cause le cap de la "zéro artificialisation nette des sols" (ZAN).
Derrière ce sigle, issu de la loi Climat de 2021, un objectif en deux temps: réduire de moitié d'ici à 2031 la consommation d'espaces naturels et agricoles par rapport à la décennie précédente puis, à l'horizon 2050, ne plus bétonner de sols à moins de "renaturer" des surfaces équivalentes.
S'il y a un consensus sur la nécessité de freiner l'artificialisation, destructrice de biodiversité et facteur de réchauffement climatique, la mise en œuvre suscite la grogne des élus locaux, inquiets d'être privés d'un levier déterminant pour leur développement économique et la création de logements.
D'où ce texte, initié au Sénat par Jean-Baptiste Blanc (LR) et Valérie Létard (centriste), afin de faciliter la tâche des maires. Mais qui ouvrait "trop largement" la porte à l'étalement urbain, selon le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu.
Bras de fer
A la baguette pour le gouvernement sur ce dossier sensible, M. Béchu a obtenu plusieurs évolutions du texte à l'Assemblée.
Exit par exemple un article qui visait à rendre non-contraignants pour les communes les objectifs de réduction du rythme d'artificialisation fixés par les régions. Idem pour un autre assouplissant la définition des surfaces "non artificialisées", incluant par exemple des pelouses résidentielles.
Ces articles ne figurent plus dans la version du texte soumise au vote de l'Assemblée et le gouvernement s'est engagé à traiter ces points dans des décrets.
Sur l'une des mesures phares, l'Assemblée a maintenu le principe d'un décompte séparé des sols artificialisés pour des "projets d'ampleur nationale", comme des lignes ferroviaires à grande vitesse. L'objectif étant qu'ils ne grignotent pas les enveloppes de bétonisation attribuées à leurs régions d'accueil.
Mais les députés ont créé un "forfait" de 15.000 hectares pour ces grands projets, soustraits de l'enveloppe de 125.000 ha artificialisables fixée pour l'ensemble du pays pour la décennie. L'objectif global pour 2031 demeure ainsi inchangé. Et il resterait un solde de 110.000 ha à ventiler entre les régions.
Comme le souhaitait M. Béchu, il est prévu dans le texte de l'Assemblée que même les projets estampillés "industrie verte" soient comptabilisés dans le forfait de 15.000 ha.
Ce qui augure d'un bras de fer avec les sénateurs: ils ont justement voté jeudi dernier leur exclusion des objectifs ZAN, lors de l'examen d'un projet de loi sur l'industrie verte.
"Démagogique"
"Il y aura encore certainement des convergences à trouver" avec les sénateurs en commission mixte paritaire (CMP), est convenu vendredi Christophe Béchu.
Parmi les mesures phares du texte, l'Assemblée a maintenu une autre mesure de "souplesse" voulue par le Sénat: un "droit à construire" d'au moins un hectare par commune.
Les députés ont toutefois précisé que cette "garantie rurale" serait réservée aux communes "peu" ou "très peu denses", et couvertes par un plan d'urbanisme intercommunal. Elle serait "mutualisable" avec d'autres communes.
Les écologistes ont fustigé une mesure "démagogique", ne faisant pas la différence entre les communes vertueuses et celles ayant artificialisé à outrance. Malgré des "améliorations importantes par rapport au Sénat", le groupe écolo a annoncé mardi qu'il s'abstiendrait.
Les députés Les Républicains (LR) et Rassemblement national (RN) ont tenté en vain d'exclure les communes des objectifs ZAN sous certains seuils de population.
Le groupe LR votera tout de même en faveur du texte, a indiqué mardi son patron Olivier Marleix, saluant la "garantie rurale". Mais ce sera "avec un enthousiasme très modéré", a-t-il ajouté, redisant son hostilité au "concept de ZAN" qui "condamne à mort le monde rural et à la glaciation les villes moyennes".