L'annonce faite mercredi soir par le ministre délégué à l'Industrie et l'Energie Roland Lescure au journal le Figaro, et confirmée jeudi par son cabinet met fin à des mois d'hésitations.
Les objectifs de production par filière d'énergie (nucléaire et renouvelables) seront finalement "adoptés par voie réglementaire", a indiqué le ministère à la presse.
"Il est clair qu'entre pro-ENR et pro-nucléaire, il y a une vraie guerre de religion et qu'il y a vraiment la volonté d'être efficace, rapide et de donner de la visibilité", a dit le ministère pour justifier son renoncement à une loi, sur fond de difficultés pour obtenir une majorité au Parlement sur le sujet.
Depuis 2019, la loi prévoit pourtant que le sujet de la programmation énergétique soit débattu au Parlement, comme l'ont rappelé jeudi les associations environnementales. "Sans loi sur l'énergie, le gouvernement se met hors la loi", a réagi le Réseau Action climat tandis que Greenpeace déplorait du "temps perdu au détriment de la transition énergétique ainsi que le mépris total et inquiétant du pouvoir législatif, censé être souverain" sur les grandes orientations climatiques et énergétiques.
Cette programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) sera finalement soumise à la consultation du public "à partir de mai" pendant "deux mois" en vue d'un décret publié "d'ici la fin de l'année", selon le ministère.
Face à l'impératif de sortir des énergies fossiles pour atteindre la neutralité carbone en 2050, le gouvernement entend fixer le cap "pour l'ensemble des énergies bas carbone".
"Il s'agit d'augmenter la production d'électricité de 450 à 650 TWh", ce qui implique au parc nucléaire actuel d'EDF de revenir à son "niveau historique de production", au "minimum 360 TWh, avec un objectif à 400 TWh" alors que les nouveaux réacteurs ne sont pas attendus avant 2035-2037 au mieux.
Côté renouvelables, il s'agit de "multiplier par 5 entre aujourd'hui et 2035 la production de gaz renouvelable", de multiplier par 5 les capacités d'énergie solaire et de "doubler la puissance des éoliennes terrestres", des installations qui divisent localement. Faudra-t-il "doubler la puissance des éoliennes ou doubler le nombre d'éoliennes"? La question sera soumise à la consultation.
Protection des consommateurs
Avec ces objectifs, le gouvernement compte atteindre d'ici 2030-2035 plus de "50% d'énergie décarbonée dans le mix énergétique", et ainsi dépasser les objectifs de 44% de renouvelables fixés par l'Union européenne.
Pour le gouvernement, qui a fait de la "neutralité technologique" un combat face à l'Allemagne opposée au nucléaire, la trajectoire implique "d'aller au maximum sur l'ensemble des curseurs". "Nous construisons les infrastructures énergétiques des cinquante prochaines années", a déclaré le ministre Roland Lescure au Figaro.
L'exécutif saisira d'ici la fin de semaine la Commission nationale du débat public (CNDP) à qui il reviendra d'organiser une concertation sous l'égide de ses garants, pour des résultats attendus "à la fin de l'été". Cette consultation n'abordera toutefois pas la stratégie nationale bas carbone (SNBC) sur l'horizon 2050 qui doit faire l'objet d'une autre consultation à une date encore non définie.
Le projet de décret sera le "fruit" de travaux qui sont "en grande partie aboutis", après "un certain nombre d'études techniques" et "beaucoup de concertations" dont certaines "ont associé des parlementaires", a fait valoir le ministère.
Ce travail préliminaire qui a abouti fin novembre à la publication d'un document de 102 pages, la Stratégie française pour l'énergie et le climat (SFEC), constituait les prémices d'une loi de programmation énergétique et climatique. D'abord annoncé en conseil des ministres pour début février, le projet de loi avait in fine été amputé en janvier de ses objectifs énergétiques et climatiques, avant de disparaître des radars.
Subsistent de ce texte avorté, deux volets qui feront bien un passage au Parlement. Un "texte de loi" est prévu pour protéger les consommateurs face à des abus des fournisseurs d'énergie tandis qu'"une mission parlementaire" se penchera sur les barrages hydroélectriques, aujourd'hui en panne d'investissements en raison d'un vieux contentieux avec Bruxelles.