Dans un accord qui sera entériné cette semaine, les partenaires sociaux sont parvenus à s'entendre sur une revalorisation de 4,9% des retraites complémentaires, tout en refusant de prélever entre 1 et 3 milliards d'euros par an dans les caisses de l'Agirc-Arcco.
Le ministère du Travail prévoit de ponctionner le régime via le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), arguant des nouvelles recettes apportées par la réforme des retraites, qui s'élèveraient à 22 milliards d'euros sur 15 ans, et de la bonne santé financière de l'Agirc-Arrco, dont les réserves s'élèvent à 68 milliards d'euros.
"C'est l'argent des salariés du secteur privé, dédié à leurs retraites complémentaires, géré par les organisations syndicales et patronales, donc l'Etat n'a pas son mot à dire sur cette partie", a estimé sur France 2 la numéro un de la CFDT Marylise Léon.
"Ce serait gravissime", a prévenu son homologue de la CGT Sophie Binet, parlant à ce sujet d'"une ligne rouge", à quelques jours de la conférence sociale sur les salaires du 16 octobre.
"Dépenses nouvelles"
Côté patronal, la négociatrice du Medef Diane Milleron-Deperrois s'est réjouie que "malgré les pressions de l'exécutif au cours de cette négociation, les partenaires sociaux ont continué à avancer ensemble". "Si le gouvernement s'obstinait, il devrait en porter la responsabilité", a-t-elle prévenu.
Les partenaires sociaux ont néanmoins prévu dans l'accord Agirc-Arcco de créer un groupe de travail en vue de futures mesures de "solidarité" qui pourraient concerner les petites pensions.
Mais le ministre du Travail Olivier Dussopt reproche aux partenaires sociaux d'avoir engagé des "dépenses nouvelles" qui mettent "en péril l'équilibre de la réforme" des retraites et la "crédibilité des finances publiques".
"On est tous dans le même bateau, on a à assumer collectivement notre déficit public, qui s'entend avec toutes les administrations publiques. L'Agirc-Arcco comme l'Unédic doivent assumer cette responsabilité budgétaire", affirme le député Renaissance Marc Ferracci, rappelant que la mise à contribution de ce régime était prévue "explicitement" dans un document remis aux partenaires sociaux en amont de la réforme des retraites.
L'assurance chômage a elle une dette qui s'élevait en 2022 à 60,7 milliards d'euros, mais dégage aujourd'hui des excédents grâce à la baisse du chômage et au dynamisme du marché de l'emploi.
Alors que le patronat voudrait consacrer cette manne au désendettement de l'Unédic et les syndicats voir s'améliorer les conditions d'indemnisation des chômeurs, le gouvernement a annoncé début août dans sa lettre de cadrage que les excédents serviront à financer la politique "en faveur du développement des compétences et de l'emploi".
Charge supplémentaire
La ponction sera de deux milliards d'euros dès 2023, puis de montants compris entre 2,5 et 4 milliards jusqu'en 2026.
Selon l'Unédic, ce prélèvement l'obligera à "assumer une charge financière additionnelle de près de 800 millions d'euros sur la période pour financer" le service de sa dette. "Ce projet de ponction des recettes (...), alors même que la négociation est en cours, est inacceptable", ont fustigé les partenaires sociaux.
Syndicats et employeurs jugent aussi "objectivement contestable" la trajectoire économique du gouvernement. L'exécutif table sur une baisse du chômage de 7% à 5%, alors que la plupart des instituts prédisent une stabilisation autour de 7%, voire une détérioration du marché de l'emploi.
Quel que soit le scénario, "taper dans la caisse" de l'Agirc-Arcco et de l'Unédic "n'est pas la meilleure façon de faire", estime Eric Heyer, directeur du département Analyse et prévisions de l'OFCE.
Cet économiste plaide pour laisser "les partenaires sociaux gérer de façon équitable", l'Etat pouvant ensuite "récupérer les fruits de cette bonne gestion" via des recettes supplémentaires d'impôt sur le revenu et de TVA.