"Ça n'est jamais agréable ni sympathique" de couper dans le budget de l'État, mais "c'est tout simplement nécessaire", a affirmé devant la commission des Finances de l'Assemblée le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, auditionné avec son ministre délégué aux Comptes publics pendant cinq heures au total par les commissions des deux chambres.
Ils étaient invités à justifier le plan d'économies annoncé à la télévision sans préavis le 18 février par M. Le Maire, et concrétisé quatre jours plus tard par un simple décret au Journal Officiel.
Le même jour, M. Le Maire avait annoncé une révision en baisse de la prévision de croissance pour cette année, de 1,4% à 1%, à peine deux mois après l'adoption du budget.
Outre des critiques sur la nature des économies, sur des postes comme la transition écologique, ou l'éducation, les deux hommes ont dû faire face à des soupçons "d'insincérité" du budget, alors que "la plupart des institutions" et "beaucoup de députés" avaient estimé que le 1,4% "ne pourrait être atteint", a rappelé le président LFI de la commission de l'Assemblée, Eric Coquerel.
M. Le Maire a observé que de nombreux pays européens avaient révisé leur croissance ces dernières semaines, concomitance prouvant "la sincérité" du budget français, selon lui.
De nombreux parlementaires ont critiqué la méthode, et auraient préféré une loi de finances rectificative plutôt qu'un décret. Celle-ci pourrait arriver à l'été "en fonction de nos recettes fiscales", a indiqué M. Le Maire.
M. Cazenave a plaidé que les dépenses avaient été "tenues" en 2023, mais que le problème venait de moindres rentrées fiscales liées à la conjoncture, à hauteur de 7,7 milliards d'euros.
L'objectif d'un déficit public à 4,9% en 2023 est devenu caduc, et pour ne pas trop s'éloigner des 4,4% prévus en 2024, "il était indispensable de réagir vite et de réagir fort", a soutenu M. Le Maire.
D'autant que dans quelques semaines, les agences de notation se prononceront sur la note de la France.
Un chiffre sur une mauvaise nouvelle
Ces annulations de crédits "ne sont qu'une première étape", a prévenu Thomas Cazenave, auquel il est revenu de mettre un chiffre sur la mauvaise nouvelle du jour.
Les "12 milliards", puis "au moins 12 milliards" d'économies pour 2025 que le gouvernement annonce depuis septembre sont devenus mercredi "au moins 20 milliards".
Le gouvernement a évoqué les revues de dépenses publiques actuellement lancées pour chercher ces économies, citant "les aides aux entreprises, les dispositifs médicaux", qui étaient déjà connues, mais aussi "les dispositifs en faveur de la jeunesse, les politiques de l'emploi, la formation professionnelle, les affections de longue durée, les aides au secteur du cinéma, l'absentéisme dans la fonction publique, la loi de programmation militaire, les dépenses immobilières des ministères".
Contrairement aux 10 milliards d'euros, qui ne pèsent que sur le budget de l'Etat, cette fois "tout le monde devra participer", a lancé M. Le Maire, se demandant s'il est "légitime" que les personnels des collectivités locales aient droit à "17 jours d'absence" pour raison de santé par an, contre "12 dans le privé et 10 dans les services de l'Etat".
Il a surtout visé les dépenses de Sécurité sociale, qui constituent la moitié de la dépense publique.
Dans son viseur, les transports médicaux de malades, qui coûtent 5,7 milliards d'euros chaque année, ou le fait que la protection sociale soit "intégralement financée par ceux qui travaillent".
Au passage, il s'est dit "convaincu" que le travail des partenaires sociaux, qui gèrent l'Unedic, "était de s'occuper de la place des salariés dans l'entreprise" et "celle de l'Etat de s'occuper du chômage".
Il s'agit de questions "politiques au sens noble", qui "exigent des choix" a-t-il affirmé. "On va devoir changer de logiciel et sortir de l'addiction à la dépense publique", a-t-il prévenu.