Depuis le 1er janvier 2024, MaPrimeRénov', dotée en 2023 de quelque 2,5 milliards d'euros, est davantage soumise à conditions, dans le but de l'allouer davantage à des rénovations "d'ampleur", plus lourdes et plus performantes, et moins à des "mono-gestes" (changement de chaudière ou de fenêtres, isolation du seul toit...).
Les ministères de la Transition écologique et du Logement ont annoncé reporter au 1er janvier 2025 la plupart de ces changements, accédant à une demande des organisations professionnelles du bâtiment qui les accusaient d'avoir porté un coup d'arrêt aux chantiers de rénovation.
"Mieux vaut une rénovation globale à un mono-geste mais mieux vaut un mono-geste plutôt que pas de rénovation du tout", a justifié le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu.
La rénovation énergétique des logements est cruciale pour atteindre les objectifs climatiques de la France, l'usage des bâtiments représentant près d'un cinquième des émissions de gaz à effet de serre du pays.
Elle bénéficie depuis plusieurs années de moyens financiers importants, mais va souffrir des coupes budgétaires annoncées fin février par Bercy, l'augmentation du budget 2024 de MaPrimeRénov' ayant été sabrée à 600 millions contre 1,6 milliard annoncé initialement.
"Décoincer"
Les particuliers pourront ainsi bénéficier de MaPrimeRénov' sans devoir impérativement changer leur mode de chauffage, comme cela devait être le cas.
Ils ne seront plus tenus d'effectuer un diagnostic de performance énergétique (DPE) pour prétendre à l'aide, tandis que les propriétaires de logements classés F ou G, les étiquettes les moins performantes, ne seront finalement pas tenus de s'engager dans une rénovation d'ampleur.
"Ca va à l'inverse de ce qu'il faudrait faire", a réagi Carine Sebi, professeure à Grenoble Ecole de Management et spécialiste de la rénovation énergétique. "On sait très bien que ce genre d'investissements non rentables doivent être massivement soutenus par des aides".
"Il faut absolument engager des rénovations profondes et arrêter les monogestes", a-t-elle dit, car les premières ont un retour sur investissement bien meilleur.
"Ça décoince 90% des chantiers", s'est au contraire réjoui le président de la Fédération française du bâtiment, Olivier Salleron, après avoir rencontré Christophe Béchu et le ministre délégué au Logement Guillaume Kasbarian. "Ça va permettre de décoincer les entreprises, de valider les devis, de se remettre au boulot", a-t-il ajouté.
Le recentrage de l'aide avait fait dégringoler le nombre de dossiers traités en janvier-février, quatre fois moins nombreux qu'en 2023 à la même période, selon M. Salleron.
"Je souligne le courage qu'ils ont eu de retravailler et de revoir leur copie, ça n'est pas très fréquent", a abondé son homologue de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, Jean-Christophe Repon.
Le gouvernement a également annoncé une accélération du déploiement des "Accompagnateurs Rénov", professionnels agréés que les candidats à une rénovation globale doivent impérativement consulter.
La montée en charge de ce réseau doit permettre d'augmenter le nombre de rénovations globales, qui permettent de gagner au moins deux étiquettes énergétiques.
Après environ 70.000 chantiers en 2023, le gouvernement ambitionne d'arriver en 2024 à un chiffre dans "l'ordre de grandeur d'un doublement", affirme-t-on au ministère.
Il s'est également engagé à simplifier l'accès, pour les entreprises, au dispositif Reconnu garant de l'environnement (RGE), indispensable pour participer à des chantiers éligibles à l'aide publique.
Les entreprises ayant recours à des sous-traitants devront également avoir elles-mêmes le label, a ajouté le ministère, une mesure visant à lutter contre la fraude.
Les décrets entérinant ces réformes doivent être publiés la semaine prochaine, indique-t-on au ministère.
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