Le Premier ministre sera ensuite interrogé par TF1 au journal de 20H00.
"Nous allons poursuivre sur cette voie de rigueur et de responsabilité avec toujours un fil rouge (...) celui du travail" parce que "plus nous aurons de Français qui travaillent, plus nous aurons de possibilités d'équilibrer nos finances", a assuré le Premier ministre mardi, en citant la réforme de l'assurance chômage.
Selon Matignon, le séminaire gouvernemental portera sur l'incitation à la reprise d'emploi, dont font partie les réformes contestées du RSA (revenu de solidarité active, NDLR) et de l'assurance chômage. Poursuivant son idée d'une "désmicardisation" de la France, Gabriel Attal entend aussi parler des bas salaires et des nouvelles formes de travail, comme la semaine en quatre jours, encore au stade expérimental.
Or le gouvernement est en quête d'économies après le dérapage du déficit public à 5,5% du PIB en 2023, selon l'Insee. Soit 15,8 milliards d'euros de plus que les prévisions du gouvernement, qui exclut d'augmenter les impôts.
"Stigmatisation populiste"
Dix milliards d'euros de coupes ont déjà été actées mi-février sur le budget 2024, mais des économies supplémentaires seront à trouver dès cette année, a prévenu le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, se refusant pour le moment à donner une estimation. "Au moins 20 milliards" d'euros d'économies sont déjà prévues pour 2025.
Parmi les pistes envisagées par l'exécutif, figure une nouvelle réforme de l'assurance chômage que contestent les syndicats, après celles controversées de 2019 et de 2023.
Gabriel Attal entend "rouvrir" ce chantier, en défendant "un modèle social qui incite davantage à l'activité".
Il s'agit notamment de réduire la durée d'indemnisation des chômeurs.
Une possibilité qui provoque l'indignation à gauche. Pour le patron des députés PS Boris Vallaud, les "idéologues" du gouvernement "arrêtent de réfléchir". Sur France 2, il a rappelé que des études publiées par le ministère du Travail montrent que les précédentes réformes ont été "une catastrophe sur le plan social" et ont touché "les jeunes, les femmes, les moins diplômés...".
"Ce gouvernement, quand il cherche à faire des économies, regarde toujours du même côté: vers les plus précaires", a abondé sur TF1 la tête de liste des Écologistes aux Européennes, Marie Toussaint.
"C'est une mesure qui a fait ses preuves ailleurs" mais à condition qu'"on recrée les conditions d'une prospérité du pays", a de son côté estimé sur France Inter le maire LR de Cannes David Lisnard, possible candidat à la présidentielle de 2027.
Les responsables des cinq grandes centrales syndicales avaient appelé le 18 mars à renoncer à une nouvelle réforme et à "cesser la stigmatisation populiste des chômeurs".
Mais un proche du Premier ministre estime que ces derniers ne parviendront pas à "massivement mobiliser là-dessus".
"Signal" aux marchés
Ils s'opposent également à la volonté de Bruno Le Maire que l'Etat reprenne en main l'assurance chômage, actuellement pilotée par les partenaires sociaux, via l'Unédic, organisme paritaire. Syndicats et patronat renégocient les règles tous les deux à trois ans pour tenir compte des évolutions du marché du travail.
Une nouvelle réunion sur "le pacte de vie au travail", entre syndicats et patronat s'est tenue par ailleurs mardi, consacrée à l'emploi des seniors, pour permettre aux salariés de rester plus longtemps en poste, alors que l'âge légal de départ à la retraite a été reporté à 64 ans.
Cette réunion devait être la dernière mais au regard des faibles avancées, une séance supplémentaire a été ajoutée au programme le 8 avril. Si les partenaires sociaux ne parviennent pas à un accord, l'État reprendra la main.
Selon un cadre de la majorité, le gouvernement cherche des "marges financières" mais sur le travail "il y en a peu" alors que plusieurs réformes structurelles ont déjà été entreprises, des retraites au RSA. La baisse de la durée d'indemnisation prendrait au moins un an à produire ses effets sur les comptes publics, "entre le temps de la négociation et celui de la mise en œuvre", selon lui.
Mais "le signal est intéressant pour les institutions financières et les marchés", à l'heure où la note de la France pourrait être dégradée par les grandes agences dans les prochaines semaines.
État des lieux de l'indemnisation par l'assurance-chômage
Le gouvernement a plusieurs fois dit sa volonté de "rouvrir le chantier" de l'assurance-chômage et d'en durcir encore les règles, après deux réformes controversées en 2019 et 2023. Un séminaire gouvernemental sur le travail se tient aujourd'hui. Quel est l'état des lieux, quelles sont les pistes, qu'en disent les syndicats ?
Comment se passe actuellement l'indemnisation ?
Les salariés sont assurés contre le risque chômage. Mais tous les demandeurs d'emploi ne sont pas indemnisés, loin de là - pour certains parce qu'ils n'ont pas travaillé suffisamment longtemps.
Au troisième trimestre 2023, sur 6,1 millions de demandeurs d'emploi inscrits à France Travail (toutes catégories confondues), seuls 2,6 millions étaient indemnisés (42,6%), selon les données de l'Unédic.
Le montant moyen de l'allocation mensuelle nette est de 1.033 euros.
A la suite de la réforme de 2019, le calcul du salaire journalier de référence (SJR), base de l'allocation chômage, a été modifié depuis le 1er octobre 2021.
Ce salaire prend en compte à la fois les jours travaillés et les jours non travaillés durant les 24 mois précédant le chômage (avec un plancher garantissant une allocation minimale). Cela pénalise les demandeurs d'emploi alternant chômage et activité. L'indemnisation était auparavant calculée en divisant les revenus par les seuls jours travaillés pendant la période de référence.
Pour ouvrir des droits, il faut aussi, depuis le 1er décembre 2021, avoir travaillé six mois au cours des 24 derniers mois (36 mois pour les plus de 53 ans). Auparavant, il fallait avoir travaillé quatre mois.
La durée minimale d'indemnisation est de six mois (182 jours). La durée maximale varie en fonction de l'âge : elle est actuellement de 18 mois pour les moins de 53 ans, 22,5 mois pour les 53-54 ans et 27 mois pour les 55 ans ou plus. La durée d'indemnisation a été réduite de 25% depuis le 1er février 2023.
Une nouvelle convention d'assurance-chômage, négociée à l'automne par les partenaires sociaux, doit être validée par le gouvernement après la signature d'un avenant sur l'indemnisation des seniors, attendue en avril.
Que prévoit le gouvernement ?
Le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé mercredi soir sur TF1 vouloir demander aux partenaires sociaux d'ouvrir de nouvelles négociations sur l'assurance chômage dès cette année et envisage de réduire la durée d'indemnisation de "plusieurs mois" en gardant un minimum de 12 mois, contre 18 mois aujourd'hui pour les moins de 53 ans.
Il envisage aussi d'augmenter la durée d'affiliation, soit le temps qu'il faut avoir travaillé pour avoir droit à des indemnités, ainsi que "le niveau d'indemnisation du chômage".
"Je veux que nous ayons les paramètres de cette réforme à l'été pour qu'elle puisse entrer en vigueur d'ici à l'automne, comme je m'y suis engagé", a-t-il ajouté.
"Mon objectif, ce n'est pas de m'en prendre à tel individu ou aux chômeurs, c'est de faire bouger un système pour inciter davantage à la reprise d'emploi", a encore estimé le Premier ministre.
Il est en revanche resté ouvert au sujet de la durée de l'indemnisation des seniors, sujet qui devrait faire l'objet d'un accord patronat et syndicats le 10 avril. "Dans les pistes qui sont mises en avant, on entend parler d'un relèvement de deux ans de la borne d'âge pour la filière senior, ce qui serait cohérent avec la dernière réforme des retraites", a-t-il souligné.
Qu'en disent les syndicats ?
"Le régime d'assurance chômage ne peut pas être une variable d'ajustement budgétaire de l'Etat!", a réagi la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon, ajoutant que son syndicat "continuera de pousser des revendications pour que les efforts soient équitablement répartis" entre salariés et employeurs.
"C'est inacceptable dans la méthode et dans le fond, la seule chose annoncée par Gabriel Attal ce soir, c'est encore taper sur les précaires ou les chômeurs", a déclaré de son côté à l'AFP Denis Gravouil, négociateur pour la CGT dans les négociations sur l'assurance chômage.
Michel Beaugas (FO) a dénoncé "une belle fable" du Premier ministre "selon laquelle c'est l'assurance chômage qui empêche les employeurs d'embaucher".
Le président du syndicat des cadre François Hommeril s'en est pris au "cynisme absolu de ce discours qui méconnaît ce que c'est la situation d'un chômeur confronté à la difficulté de retrouver un emploi".
Enfin, le leader de la CFTC, Cyril Chabanier, s'est dit "très inquiet". "Rendre plus difficile l'accès au chômage ou baisser l'indemnisation, c'est quelque chose qui ne fonctionne pas, ça n'a jamais fonctionné".