La loi APER impose en effet aux parkings extérieurs existants de plus de 1.500 mètres carrés d'installer sur la moitié de leur surface des ombrières recouvertes de panneaux solaires.
Un décret publié fin 2024 précisait les délais pour le faire, de juillet 2026 à janvier 2028 selon les cas.
Des délais "irréalistes", a déploré auprès de l'AFP Franck Charton, délégué général de Perifem, association qui réunit de grands acteurs de la distribution française, comme Carrefour, Casino ou Ikea, et qui fait partie des onze fédérations ayant déposé lundi un recours contre ce décret.
"Nous sommes favorables à l'installation d'ombrières", a tenu à rappeler M. Charton, "mais de manière pragmatique et raisonnée".
Or "le temps moyen d'un chantier de panneaux photovoltaïques, c'est autour de 18 mois. Puisque presque personne n'a commencé, nous n'arriverons pas à tenir les délais de 2026, et probablement pas plus ceux de 2028", a-t-il estimé.
Les propriétaires de grands parkings pourraient en outre devoir se fournir en Chine, car "ces délais ne laissent pas le temps à l'industrie française de démarrer ses usines", a ajouté M. Charton.
Les délais demandés sont "techniquement impossibles" et "nous contraignent à nous fournir en panneaux chinois alors que l'ambition du ministère de l'Economie était de créer une filière industrielle française de pointe sur ces panneaux", avance de son côté la fédération patronale des supermarchés, la FCD.
"La filière n'est pas en place, c'est un énorme gâchis", a réagi Laylou Rahhou, déléguée générale de la FCD (Fédération du Commerce et de la Distribution), appelant les pouvoirs publics à "changer de vision" pour "un déploiement conforme aux réalités économiques".
Autre problème soulevé par les professionnels: la méthode de calcul de la superficie des parkings qui doit être recouverte d'ombrières.
"L'esprit de la loi" votée en 2023, "tel que nous l'avions compris, était que 50% des places de stationnement seulement devaient être couvertes. Or, le décret a inclus les allées de circulation dans le calcul, allées qui représentent déjà la moitié de la superficie des parkings", a souligné M. Charton.
Mais il est peu aisé de couvrir ces allées d'ombrières, selon les onze fédérations, notamment car elles empêcheraient les gros véhicules d'y circuler.
"Cela va donc obliger à couvrir 100% des places de stationnement pour compenser", a expliqué M. Charton.
Et ceci "figerait leur surface foncière pour plus de 20 ans, interdisant notamment (...) l'implantation de logements", ont avancé les onze fédérations dans un communiqué.
Des ombrières sur toutes les places de stationnement empêcheraient également d'y planter des arbres, alors que des obligations existent en ce sens, notent ces fédérations.
Les acteurs du commerce et de la distribution, de la mobilité et du stationnement attaquent le décret article 40 de la loi APER sur la solarisation des parkings existants
Bien que pleinement impliqués dans le déploiement des énergies renouvelables et engagés à y contribuer activement, les acteurs du commerce et de la distribution, de la mobilité et du stationnement sont cependant inquiets d’un cadre réglementaire qu’ils jugent irréaliste. L’Alliance du Commerce, le CdCF, la FACT, la FCA, la FCD, la FFF, la FMB, la FNMS, Mobilians, Perifem et Procos se mobilisent à nouveau et remettent en cause le décret article 40 pris par le gouvernement dans le cadre de la loi APER pour l’installation d’ombrières photovoltaïques sur les parkings existants. Ce nouveau recours contentieux devant le Conseil d’État vise à dénoncer une définition non conforme à l’esprit de la loi et une mise en application déconnectée de la faisabilité locale.
Pour rappel, la loi Climat impose l'installation de panneaux photovoltaïques sur les parkings et les toitures de plus de 500 m2 pour les nouveaux bâtiments ou ceux faisant l'objet d'une rénovation lourde. La loi APER étend cette obligation aux sites existants avec une couverture de 50% des parkings de plus de 1.500 m2 et des toitures. Les deux décrets d’application contenant des dispositions similaires posent quatre problèmes principaux.
Une définition extensive de la surface à couvrir sur les parkings
Le décret propose en effet une définition qui englobe l’ensemble des surfaces des places de stationnement et des allées de circulation. Dans les faits, un parc de stationnement est pour moitié composé d’allées de circulation. Utilisées par les véhicules de secours, la logistique, voire pour l’accès à des équipements techniques, ces voies ne peuvent pas être couvertes. Ainsi, pour se conformer à l’objectif fixé par les lois Climat et APER, il faudra la plupart du temps couvrir l’intégralité des places de stationnement du parking. Les conséquences de cette définition extensive sont énormes. La couverture totale des places de parkings figera leur surface foncière pour plus de 20 ans interdisant notamment le renouvellement urbain, comme l’implantation de logements par exemple. De plus, cette couverture extensive conduira à produire plus d’électricité que nécessaire pour le site, sans tarif de rachat en dépassant le seuil du guichet unique.
Un décret ne permettant pas de faire coexister d’autres sources d’énergies renouvelables
Si ce décret autorise une production équivalente d'énergies renouvelables, il ne permet pas de faire coexister plusieurs sources d’énergies renouvelables, comme la géothermie. Or, la géothermie est une solution particulièrement pertinente, en l’occurrence une des rares solutions qui permette de stocker l’énergie produite.
Des délais d’application intenables
La loi APER prévoit un délai très court. Les enseignes et les propriétaires ne disposent que d’un délai irréaliste de 2 ou 4 ans, en fonction de la taille du parking pour couvrir 70 millions de mètres carrés de parc de stationnement. Les sites dont les parkings sont supérieurs à plus de 10.000 mètres carrés (soit les deux tiers de la surface totale des panneaux photovoltaïques à mettre en oeuvre) devraient se mettre en conformité d’ici 2026. Le décret tant attendu par la filière depuis plus de 18 mois n’a pas pris en compte ce report de publication pour proroger la mise en œuvre de l’obligation. Or, imposer des délais courts tend le marché au bénéfice des produits asiatiques dans un contexte d’inflation des prix. L’administration définissant une obligation qu’une majorité d’entreprises ne pourra pas respecter et la mettant ainsi hors la loi malgré sa bonne volonté. Une attitude décalée de la politique de simplification brandie par les différents gouvernements.
Un impact négatif sur la biodiversité
L’obligation de couvrir les parkings entre en conflit avec les mesures de restauration de la biodiversité et de végétalisation, notamment celles prévoyant la présence d’arbres pour ombrager les places et le déploiement des solutions d’adaptation fondées sur la nature plébiscitées dans le cadre du PNACC-3. En effet, le décret ne permet pas la mixité des solutions ombrières photovoltaïques et ombrage végétalisé. Dans de nombreux cas, les parkings devront sacrifier leur végétalisation pour permettre l’installation des panneaux. Ces mesures créent également des îlots de chaleur et aggravent les problèmes d’infiltration de l’eau dans les sols, avec des effets négatifs sur la biodiversité.
Un nouveau décret qui réitère les erreurs du premier malgré les alertes des acteurs
Alors que particulièrement volontaristes, réaffirmant leur engagement, leur adhésion et leur contribution à l’objectif de production d’énergies renouvelables, les acteurs du commerce et de la distribution, de la mobilité et du stationnement sont déroutés par les décrets d’application des lois Climat (parkings neufs) et APER (parkings existants). Le second décret publié mi-novembre par le gouvernent réitère les erreurs du premier décret, déjà remis en cause par un recours gracieux puis contentieux en juillet dernier. Les requérants déplorent l’absence totale de concertation afin de défendre le principe d’une couverture photovoltaïque raisonnée et pragmatique tout en permettant de maintenir les engagements en faveur de la biodiversité visant à lutter contre les îlots de chaleur.
Face à ces mesures inapplicables et devant l’absence de concertation, les fédérations signataires se trouvent ainsi dans l’obligation d’intenter un recours contentieux devant le Conseil d’Etat. Elles sollicitent une fois de plus le gouvernement pour une reprise urgente des discussions afin de prendre en compte les contraintes opérationnelles, une mise en oeuvre réaliste et les injonctions contradictoires relevant également des dernières politiques publiques de transformation des zones commerciales.
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