Le Sénat a approuvé par 201 voix (LR, LREM, RDSE à majorité radicale, Indépendants) contre 127 (PS, la majorité des centristes, CRCE à majorité communiste) le texte de compromis trouvé fin septembre par les députés et les sénateurs, mettant un point final à un parcours parlementaire démarré avant l'été.
L'Assemblée nationale avait donné son ultime feu vert la semaine dernière au texte de la commission mixte paritaire, avec les seules voix de la majorité présidentielle.
Pour la rapporteure LR Dominique Estrosi Sassone, le vote de ce texte ne signifie "en aucun cas un blanc seing" de la majorité sénatoriale à la politique de logement du gouvernement. Elle a néanmoins relevé "un certain nombre d'avancées, notamment au profit des maires".
Julien Denormandie, tout juste promu ministre du Logement, a salué "le fruit d'un long travail d'écoute et de dialogue", rendant hommage au travail des sénateurs, qui a "enrichi" le texte.
M. Denormandie, qui avait défendu le projet de loi en première lecture au côté de Jacques Mézard, a aussi rendu un hommage appuyé à l'ex-ministre de la Cohésion des territoires, exprimant son "immense respect", sa "profonde amitié" et "sa profonde gratitude".
Le ministre a également rappelé son attachement au "modèle français" de logement social.
Initialement présenté comme un "choc d'offre" sur le logement, premier poste de dépenses des ménages, le texte sur "l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique", a en effet concentré l'attention sur la réorganisation d'ampleur du logement social.
La loi facilite la vente de logements HLM, afin de financer les économies que le gouvernement impose en parallèle aux bailleurs sociaux. Elle autorise notamment la vente en bloc, c'est-à-dire par lot de plusieurs logements, à des acteurs privés, mais les sénateurs ont obtenu un droit de veto pour les maires des communes déficitaires en logements sociaux.
Le texte impose également aux organismes de se regrouper dans le but de les rendre plus performants.
"Accord équilibré"
Pour répondre à l'objectif du gouvernement de "construire plus, mieux et moins cher", le texte comporte plusieurs mesures de simplification, dont certaines ont été sévèrement critiquées. Les associations de handicapés se sont ainsi indignées de la réduction drastique de la part des logements neufs qui doivent être accessibles. Le gouvernement prévoyait d'abaisser la part à 10%. Sous la pression des sénateurs, un compromis a été trouvé à 20%, les autres logements devant pouvoir être facilement rendus accessibles.
Quant à la polémique suscitée par les dérogations à la loi littoral, la loi prévoit bien la possibilité de combler les "dents creuses", ces parcelles vides situées entre deux bâtiments, mais a prévu des "garde-fous".
Sophie Primas (LR) a salué "un accord équilibré qui ne +hashtag+ pas ton maire par dessus bord", allusion au mouvement #balancetonmaire, lancé par des militants d'En Marche pour dénoncer les communes ayant augmenté leur taxe d'habitation.
"Le compte n'y est pas", a en revanche regretté Valérie Létard (centriste), sa collègue Sonia de la Provôté soulignant qu'il "ne répond pas dans son ensemble aux attentes fortes en matière de logement". "Il semblerait que +plus+ et +vite+ sont passés avant +mieux+", a-t-elle lancé.
Xavier Iacovelli (PS) a dénoncé "une logique de privatisation" et "plusieurs atteintes à la mixité sociale", tandis que Annie Guillemot (PS) pointait "une crise du logement sous-évaluée dans sa dimension sociale".
"Ce texte apporte une nouvelle pierre à l'entreprise de démolition" du logement social, a accusé Cécile Cukierman (CRCE à majorité communiste).
Le gouvernement table sur une promulgation de la loi fin novembre, début décembre. Députés communistes et socialistes ont déjà fait savoir qu'ils entendaient déposer un recours devant le Conseil constitutionnel contre le volet concernant les logements "accessibles" aux handicapés.
Les principales mesures du projet de loi Logement
Voici les principales mesures du projet de loi "Elan" (évolution du logement, de l'aménagement et du numérique), adopté définitivement mardi par le Parlement:
Urbanisme
Le texte vise à limiter les recours abusifs contre les permis de construire et à accélérer les démarches en matière d'urbanisme.
Il crée aussi des incitations à la transformation de bureaux en logements. Est prévu un "bonus de constructibilité", c'est-à-dire une surface constructible supplémentaire.
Possibilité aussi de déroger aux obligations de mixité sociale prévues par les plans locaux d'urbanisme (PLU), sauf dans les communes "carencées" en logements sociaux.
Loi littoral
Elargissement des possibilités de construction en zone littorale, notamment au bénéfice des "cultures marines" ou de la production d'énergies renouvelables sur les petites îles. Possibilité de comblement -encadré- des "dents creuses", ces parcelles vides situées entre deux bâtiments construits dans un même hameau.
Accessibilité aux handicapés
Passage de 100% à 20% de logements accessibles aux personnes handicapées dans la construction neuve, tous les autres devant être "évolutifs", c'est-à-dire rendus accessibles à l'issue de travaux simples.
Logement social
Les organismes HLM gérant moins de 12.000 logements devront faire partie d'un groupe d'organismes à compter de 2021.
Le recours à un concours d'architecture est rendu optionnel pour les projets de construction de logements neufs.
Mesures pour faciliter la vente des HLM, avec l'objectif d'atteindre 40.000 ventes annuelles contre 8.000 actuellement. Les occupants des logements seront prioritaires à l'achat mais la vente en bloc, c'est-à-dire par lot de plusieurs logements, sera autorisée à des acteurs privés, sous réserve d'un avis conforme du maire pour les communes qui n'ont pas atteint leur taux de logements sociaux en application de la loi SRU.
Ces logements resteront comptabilisés pendant dix ans (et non plus 5) dans les quotas de logements sociaux imposés par la loi SRU.
Expérimentation de mutualisations entre communes: l'objectif d'un quart de logements sociaux fixé par la loi dite SRU serait au niveau de l'intercommunalité.
Création d'"un dispositif d'occupation temporaire des bâtiments vacants", à titre expérimental pour quatre ans, notamment pour héberger les sans-abris et les plus démunis.
Encadrement des loyers
L'encadrement des loyers est rendu optionnel et expérimental pour 5 ans. Il peut s'appliquer sur une partie seulement du territoire de l'intercommunalité volontaire.
Le préfet peut prononcer une amende administrative contre un bailleur si le loyer de base dépasse le loyer de référence majorée (jusqu'à 15.000 euros pour une personne morale).
Bail mobilité
Ce nouveau type de bail est conclu pour une durée minimale d'un mois et une durée maximale de dix mois, non renouvelable et non reconductible. Il est destiné aux personnes en formation, études supérieures, stage, apprentissage, engagement volontaire dans le cadre d'un service civique ou mission temporaire professionnelle.
Aucun dépôt de garantie ne pourra être exigé par le propriétaire, et le locataire pourra bénéficier de la garantie Visale (Visa pour le logement et l'emploi).
Locations touristiques
Système de contrôle et de sanctions renforcé.
Les propriétaires ne procédant pas à l'enregistrement de leur logement ou refusant de transmettre le décompte du nombre de jours au cours desquels un meublé a été loué pourront se voir infliger des amendes allant de 5 à 10.000 euros. Les plateformes ne transmettant pas le décompte des nuitées ou continuant de proposer des résidences principales ayant déjà été réservées plus de 120 jours dans l'année risquent de devoir payer 50.000 euros.
Marchands de sommeil
Obligation pour les agents immobiliers de déclarer au procureur de la République les agissements des marchands de sommeil.
Création d'une présomption de revenus imposable pour certains délits en matière d'habitat indigne (similaire à celle appliquée au trafic de drogue ou aux crimes en matière de fausse monnaie).
Automaticité de peines complémentaires comme la confiscation des biens des marchands de sommeil.