Pour Benoit Bazin, Directeur général de Saint-Gobain : « Le Baromètre de la Construction durable se veut un outil d'aide à la prise de décision pour toutes les parties prenantes du secteur, afin que nous puissions appréhender plus finement les enjeux locaux de la construction durable et passer de la réflexion à l'action concrète, afin de bâtir un avenir durable pour les générations à venir. »
Une étude élargie, au service de l’accélération de la construction durable
Initié en 2023 sur 10 pays, le Baromètre de la construction durable repose cette année sur une étude quantitative menée dans 22 pays auprès de professionnels, étudiants, élus et membres d’associations. Le Baromètre prend le pouls de ce sujet prioritaire, en mesure les avancées et identifie les champs d’actions sur lesquels porter les efforts pour le faire progresser et le positionner comme une réponse stratégique et essentielles aux grands enjeux contemporains : climat, ressources et urbanisation rapide accélérée par la pression démographique. Cette étude élargie permet de saisir avec encore davantage de finesse les enjeux locaux et in fine globaux.
Quatre enseignements clés ressortent de ce Baromètre
- Des perceptions stables sur la construction durable avec toujours le même et seul prisme environnemental. Une dimension bien-être et santé des occupants du bâtiment encore mal reconnue et valorisée ;
- Une urgence d’agir partagée mais qui nécessite plus de sensibilisation et de coopération;
- Des acteurs plus informés, formés et engagés ;
- Un déploiement de la construction durable qui ne sera efficace que s’il est bien adapté aux réalités locales.
95% des répondants s’accordent à dire que la mise en place de constructions plus durables est en enjeu important ou prioritaire.
Ce degré d’urgence est nettement partagé par l’ensemble des acteurs, quelle que soit la zone géographique. Dans le même temps, la compréhension de la construction durable semble partielle, souvent limitée aux enjeux environnementaux. Sa définition est encore largement associée à la « construction verte », avec une définition directement liée à l’efficacité énergétique des bâtiments (42%) et à l’atteinte de la neutralité carbone des constructions (33%). Les notions de résilience et de confort des occupants sont considérées comme plus secondaires. Seule exception, la Turquie, où la construction durable est davantage perçue à travers le bien-être des habitants, à hauteur de 25% contre 14% pour la moyenne mondiale.
Une notoriété forte mais variable selon les catégories de répondants : 87% des personnes interrogées déclarent connaître la construction durable mais 20% des élus interrogés déclarent ne jamais en avoir entendu parler.
Au global, le sentiment d’information au sujet de la construction durable est élevé : 87% des personnes interrogées déclarent connaître la construction durable. Un chiffre en hausse de +5 points[2]. 68% des répondants se déclarent suffisamment informés. Des efforts de pédagogie restent toutefois à mener, notamment auprès des élus, 20% déclarant ne jamais en avoir entendu parler. Pour autant, l’envie et l’engagement sont là : la grande majorité des acteurs de tous les pays (87%) s’entend sur le fait qu’il faut aller plus loin en matière de construction durable, même si l’aspiration au statu quo progresse (9%, +4 points [2]).
Parmi les actions prioritaires à mener pour accélérer le développement de la construction durable, la sensibilisation du grand public est considérée comme cruciale, tout comme la question du coût perçu, et la coopération de l’ensemble des parties prenantes. En revanche, le rôle des initiatives publiques (normes, réglementations, aides), pourtant fondamental, reste sous-estimé. Enfin, la rénovation énergétique apparaît comme une priorité dans les pays au parc immobilier très établi, comme la France, comparativement aux pays qui privilégient les programmes de construction neuve afin de loger une population grandissante, comme au Canada, en Amérique latine et en Asie.
92% des professionnels de la construction pensent que la construction durable constituera tout ou partie de leur activité d’ici 5 ans.
Les architectes et bureaux d’ingénierie arrivent en tête des acteurs les plus cités pour faire avancer la construction durable. Si les professionnels en conception du bâtiment sont crédités de 29% de réponses en première intention, les élus et institutions publiques suivent de près, avec 21% et 20%. Signal positif, les professionnels se sentent largement engagés dans la construction durable : 85% déclarent y réaliser tout ou partie de leur activité, et 92% pensent le faire dans les cinq ans.
L’absence d’engagement dans la construction durable est perçue comme un facteur discriminant. Les professionnels sont nombreux (62%, +3 points[2]) à considérer l’engagement de leurs fournisseurs en faveur de la construction durable comme un critère de sélection. Du côté des élus, la dimension durable constitue un critère décisif d’attribution des marchés publics : près de 9 élus sur 10 considèrent ce critère comme important.
Enfin, parmi les étudiants qui perçoivent la mise en place de constructions plus durables comme prioritaire, 45% d’entre eux déclarent qu’ils n’accepteraient pas une offre d’emploi dans une entreprise qui n’est pas investie en faveur de la construction durable.
Focus : résultats du Baromètre de la Construction durable pour la France
La rénovation énergétique en retard mais au fort potentiel
Afin d’approfondir l’enjeu de rénovation énergétique en France, l’Observatoire de la Construction Durable de Saint-Gobain présente une étude qualitative dédiée, également réalisée par l’institut d’études CSA. Celle-ci s’appuie sur 20 entretiens d’acteurs français : artisans, architectes, universitaires, représentants d’organisations professionnelles, ONG et associations et élus.
La France apparaît en retard sur ses objectifs en matière de rénovation énergétique alors même que le pays dispose d’un stock de bâtiments à rénover plus important que d’autres pays européens ayant conçu différemment leur habitat, notamment les pays scandinaves. Les acteurs interrogés partagent le constat d’une filière rénovation longtemps délaissée au profit de la construction neuve, et n’ayant pas été perçue comme un véritable marché. Partant de ce principe, les professionnels (artisans, architectes) se sont longtemps spécialisés, privilégiant le marché du neuf.
Ceci se traduit par :
- Le constat d’une nécessaire accélération de la rénovation énergétique, mais un manque de vision globale et partagée pour sa mise en œuvre ;
- Un consensus sur les priorités de la rénovation énergétique, en particulier sur la pertinence des rénovations globales, sur le rôle majeur de l’enveloppe du bâtiment et en particulier son isolation, alors que les avis divergent sur la question des coûts et bénéfices induits ;
- Une prise de conscience généralisée et des politiques publiques volontaristes, avec pour autant des freins persistants tels que le coût perçu ainsi que la disponibilité et la compétence des professionnels notamment.
Toutefois, une transformation de fond semble à l’œuvre. Pour la plupart des personnes interrogées, il est clair que la rénovation énergétique en est à ses débuts. Pour accélérer le pas, les principaux leviers identifiés par les répondants sont les process et bonnes pratiques à systématiser, une organisation et une industrialisation de la filière et l’accompagnement des propriétaires. Les politiques publiques se sont saisies de ces sujets avec par exemple le dispositif MaPrimeRénov’ ou encore le programme EduRénov’.
Au-delà du Baromètre, les travaux de l’Observatoire de la Construction durable
Au-delà du Baromètre de la Construction durable, l’Observatoire de la Construction durable, lancé en 2023, est également structuré autour de rencontres internationales, les Sustainable Construction Talks, rassemblant l’ensemble des acteurs du secteur, et d’un media digital Constructing a Sustainable Future.
En 2023, trois Sustainable Construction Talks ont ainsi été organisés par l’Observatoire : le premier, à Paris, dédié au sujet de la rénovation énergétique en Europe ; le second, lors de la Climate Week à New-York, consacré aux défis de l’adaptation au changement climatique ; et un dernier à Dubaï, à l’occasion de la COP28, sur le thème de la construction durable dans le « Sud Global ».
Une réalité complexe qui dépasse la simple logique géographique
S’il existe aujourd’hui une prise de conscience réelle et partagée des enjeux de construction durable au sein de la filière de la construction, pour autant la réalité en matière de construction durable n’est pas homogène. Diversité des problématiques, des représentations de la construction durable, des exigences réglementaires et d’accès aux financements... La réalité varie selon les zones géographiques. Le clivage est évident en fonction des régions du monde, comme entre le « Sud Global » et les pays développés. On observe également des contrastes au sein de mêmes régions. Aux disparités géographiques s’ajoutent des facteurs économiques et sociaux. Il importe donc de rendre la construction durable accessible à tous.
Ces constats dessinent 5 axes de travail pour l’Observatoire
- Financement et couverture des risques : comment faciliter les investissements dans la construction durable et la rénovation énergétique, et renforcer le rôle du système d'assurance dans l'adaptation au changement climatique ?
- Adaptation et résilience : la construction durable reste largement appréhendée sous l’angle de l’atténuation du changement climatique. Mais le sujet de la transition du secteur passe aussi par l’adaptation et la résilience. Comment assurer une meilleure prise en compte de l'adaptation et de la résilience, dans un contexte où la construction durable est encore souvent considérée en termes d'atténuation du changement climatique ?
- Inclusion et accessibilité : comment lever les obstacles sociaux et économiques à la construction durable et à la rénovation énergétique ?
- Ressources humaines et compétences : comment accélérer le partage des connaissances et le développement des compétences dans le domaine de la construction durable ?
- Global et local : comment conjuguer alignement international et spécificités locales ?
Autant de sujets sur lesquels l’Observatoire de la Construction Durable poursuivra ses réflexions en 2024 avec l’ensemble des acteurs du secteur pour contribuer à faire émerger des solutions et à concrétiser leur déploiement.
[1] Enquête réalisée par l'institut de recherche CSA entre le 11 décembre 2023 et le 31 janvier 2024, auprès d'un échantillon de 1.760 répondants âgés de 18 ans et plus, issus de 22 pays – contre 10 pays l'an dernier (Afrique du Sud, Allemagne, Argentine, Brésil, Canada, Colombie, Émirats arabes unis, Égypte, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Inde, Italie, Mexique, Pologne, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Suisse, Turquie, Vietnam). Le panel des répondants comprenait des élus, des professionnels, des étudiants et des membres d'associations impliquées dans la construction, le bâtiment, la transition écologique, l'habitat, l'énergie...
[2] Évolution calculée sur la base des 9 pays communs aux deux éditions de l’enquête (2023 et 2024).
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