La Première ministre a confirmé lors d'une conférence de presse l'arbitrage qui avait largement fuité ces derniers jours, après une séquence de plusieurs mois mêlant consultations, atermoiements et report-surprise de l'annonce.
"J'ai bien conscience que faire évoluer notre système de retraite suscite des interrogations et des craintes chez les Français. Nous voulons y répondre, et convaincre" et surtout "garantir l'équilibre du système en 2030", a déclaré la cheffe du gouvernement.
Les partis de gauche, le Rassemblement national et l'ensemble des syndicats de salariés sont vent debout contre un recul de l'âge de départ.
Réunis en fin d'après-midi à la Bourse du Travail à Paris, les dirigeants des huit grands syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires, FSU) ont appelé à une première journée de manifestations et de grèves le 19 janvier.
"Cette réforme va frapper de plein fouet l'ensemble des travailleurs et travailleuses et plus particulièrement celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt, les plus précaires dont l'espérance de vie est inférieure au reste de la population", a déclaré, au nom de l'intersyndicale, le patron de la CFDT Laurent Berger, dont l'exécutif avait un temps espéré le soutien.
"Nous sommes déterminés à ce que cette réforme ne passe pas" et "on souhaite qu'il y ait le maximum de salariés en grève" le 19 janvier, a abondé son homologue de la CGT, Philippe Martinez.
Le patron de Force ouvrière Frédéric Souillot a dénoncé "la réforme la plus injuste pour les salariés de la deuxième ligne et les plus précaires".
A compter du 1er septembre, l'âge de départ sera "relevé progressivement de trois mois par an pour atteindre 64 ans en 2030. Nous serons donc à 63 ans et 3 mois à la fin du quinquennat" en 2027, a détaillé la Première ministre. En lieu et place des 65 ans sur lesquels Emmanuel Macron avait fait campagne.
"Nous n'irons pas plus loin que les 43 ans de cotisation prévus par la réforme Touraine pour partir avec une retraite à taux plein. Mais nous atteindrons cette cible plus vite, en passant à un rythme d'un trimestre par an", a-t-elle développé. Il faudra donc avoir cotisé 43 ans dès 2027 au lieu de 2035 pour une retraite à taux plein.
Pension minimum
Autre mesure-phare sur laquelle le gouvernement compte pour faire accepter la réforme: le relèvement à 85% du Smic net, soit près de 1.200 euros actuellement, de la pension minimum pour les carrières complètes. Une mesure étendue aux retraités actuels. "Près de deux millions de petites retraites vont être augmentées", a fait valoir Élisabeth Borne.
La réforme comprend également un dispositif "adapté" pour les carrières longues, "pour qu'aucune personne ayant commencé" à travailler tôt ne soit obligée de travailler plus de 44 ans", selon le gouvernement.
Elle "actera l'extinction des principaux régimes spéciaux" subsistants: "les nouveaux embauchés à la RATP, dans la branche des industries électriques et gazières et à la Banque de France" seront notamment affiliés au régime général, a précisé Mme Borne.
Sur le volet pénibilité, "un fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle" sera instauré, doté d'un milliard d'euros sur le quinquennat.
Le gouvernement veut en outre créer un "index" mesurant l'emploi des seniors pour les entreprises de plus de 1.000 salariés "dès cette année", et pour celles de plus de 300 salariés en 2024, que les entreprises devront renseigner sous peine de sanctions. Une mesure qui suscite l'hostilité du patronat.
Élisabeth Borne assurera le service après-vente mardi soir sur France 2. Et le gouvernement devrait inscrire sa réforme dans un projet de budget rectificatif de la Sécurité sociale présenté en Conseil des ministres le 23 janvier, avant examen en février à l'Assemblée.
"Nous sommes prêts à faire encore évoluer notre projet, et cela sera possible grâce à un débat parlementaire loyal et constructif", a souligné la Première ministre.
"Régression sociale"
Les réactions politiques ne se sont pas faites attendre: Jean-Luc Mélenchon a dénoncé une "grave régression sociale". Marine Le Pen a assuré de sa "détermination" à "faire barrage" à une "réforme injuste".
Le président des députés LR Olivier Marleix s'est en revanche montré "satisfait d'avoir été entendu", sur le rythme de la réforme et les petites retraites.
Le Medef, de son côté, a salué "les décisions responsables et pragmatiques" du gouvernement.
Selon les derniers sondages, une large majorité de Français sont opposés au relèvement de l'âge légal.
S'il prédit "un mouvement d'ampleur" des syndicats, le député Renaissance Marc Ferracci, proche d'Emmanuel Macron, affiche en revanche la détermination du pouvoir: "Il faut qu'on montre qu'on ira jusqu'au bout".