N'en déplaise à l'exécutif, qui a tenté de réduire la mobilisation du 5 décembre aux régimes spéciaux, le sujet s'est retrouvé en bonne place dans les débats, à la faveur d'une étude controversée publiée par un think tank (l'Institut de la protection sociale) prédisant une baisse des pensions pour de nombreuses femmes.
Hasard du calendrier, la retraite des femmes était au coeur du colloque annuel du Conseil d'orientation des retraites organisé lundi à Paris, ce dont s'est "réjoui" le haut-commissaire aux retraites Jean-Paul Delevoye, venu l'inaugurer.
Carrières hachées, temps partiel, bas salaires... Les inégalités professionnelles se répercutent sur le niveau des pensions, celles des femmes (hors réversion) étant inférieures de 42% en moyenne à celles des hommes.
Il y a même "une amplification", a souligné mardi M. Delevoye, l'écart de salaires étant lui de "23%".
En réponse, son rapport publié en juillet et censé servir de base à la réforme prévoit des mesures "très clairement ciblées vers la réduction des inégalités" comme la revalorisation à 1.000 euros du minimum de retraite (pour une carrière complète), dont 70% des bénéficiaires sont des femmes. Ou la possible réduction à 64 ans (au lieu de 67 aujourd'hui) de l'âge d'annulation de la décote en cas de durée de cotisation insuffisante qui bénéficierait à 20% de femmes.
Le Premier ministre Édouard Philippe le promet aussi: le futur système "protègera beaucoup mieux les femmes".
"Mensonge", répond le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, pour qui il faudrait d'abord les "payer comme les hommes".
Pour la CGT et FO, le futur régime à points, en calculant les pensions sur toute la carrière (et plus les 25 meilleures années dans le privé, les six derniers mois dans le public), pénalisera les plus précaires, donc les femmes.
Une crainte partagée par la FSU (fonctionnaires), signataire avec des féministes et des économistes d'une tribune jeudi, très critique à l'égard des mesures concernant les femmes.
"Des efforts"
L'augmentation du minimum de pension ? L'objectif figurait déjà "dans la loi de 2003" et "devrait être une réalité depuis 2008", taclent ses auteurs.
L'harmonisation des pensions de réversion, qui garantira aux veuves 70% du total des retraites perçues par leur couple à partir de 62 ans (contre 55 ans dans certains régimes aujourd'hui) et sans conditions de ressources ? "Une forte régression" synonyme de réversions "bien plus faibles" et dont seront privées les divorcées.
Les signataires "peinent" en outre "à croire" que la majoration de pension de 5% prévue dès le premier enfant soit "plus avantageuses pour les femmes".
Attribuée par défaut à la mère, elle doit remplacer les 10% actuels pour chaque parent (père et mère) à partir de trois enfants, très favorable aux hommes, selon M. Delevoye.
Mais les couples pourraient préférer l'octroyer "aux pères du fait de leur pension plus forte", au risque de pénaliser les mères en cas de séparation, relèvent les contestataires.
Cette bonification se substituera aussi aux trimestres gratuits attribués aux mères (8 par enfant dans le privé, 2 ou 4 dans le public), qui permettent d'augmenter les pensions ou de partir plus tôt, s'est de son côté inquiétée l'Union nationale des associations familiales (Unaf).
Et des interrogations subsistent sur la prise en compte des trimestres déjà acquis par les mères dans le futur système.
Pour la négociatrice de la CFTC, Pascale Coton, ces craintes sont exagérées. "Les femmes ont payé toutes les réformes précédentes, pour une fois, il y a quand même des efforts", estime-t-elle, tout en mettant en garde contre tout allongement de la durée de travail, qui lèserait automatiquement les femmes.
En réaction à l'étude de l'IPS, reprise notamment par la droite, Jean-Paul Delevoye a dénoncé des "simulations absolument fausses", les critères du nouveau système n'étant pas arrêtés.
Tout en assurant, à partir de ses propres "simulations", que la pension moyenne des femmes augmentera "de 5 à 10% pour les générations 1980-2000".