Le texte final soumis à la signature par les organisations patronales ne crée "aucun droit nouveau pour les salariés", a regretté le négociateur de la CFDT Yvan Ricordeau à l'issue des pourparlers, un constat partagé par les quatre autres syndicats, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC.
"Il n'y a pas de nouveau droit, il y a moins de destructions (de droits) que prévu, mais surtout des grands manques", a aussi pointé le négociateur de FO Michel Beaugas, qui a réservé la position de son organisation.
Plusieurs syndicats ont souligné le fait qu'une ouverture patronale sur un droit à la retraite progressive aurait pu changer la donne, mais le Medef comme le gouvernement ont argué que la mesure coûtait trop cher.
"Le patronat ne voulait pas de cette négociation depuis le départ, il a essayé de la retourner dans son sens" pour mieux l'évacuer, a estimé M. Ricordeau. L'adhésion de la CFDT au texte était déterminante pour parvenir à un compromis.
"On a négocié de bonne foi de part et d'autre, finalement on était très encadrés par la règle de cadrage du gouvernement qui nous interdisait toute marge de manoeuvre financière", a déclaré le président du Medef Patrick Martin sur RMC, mercredi.
"Sur le fond quand même, on rejoignait le gouvernement sur le fait qu'il ne fallait pas reprendre d'une main les gains financiers générés par la réforme des retraites, donc cette lettre de cadrage elle s'entendait d'une certaine manière", a-t-il poursuivi.
FO et la CFDT vont réunir mercredi et jeudi leurs instances dirigeantes pour décider formellement de valider ou non l'accord, mais les déclarations négatives de leurs négociateurs ne laissent guère de doute sur le fait que leur décision sera négative.
La cinquième et dernière version du texte, qui comportait très peu de modifications sur le fond par rapport aux deux dernières versions précédentes, a été remise par le patronat aux syndicats tard dans la soirée de mardi, sans leur donner satisfaction.
La main au gouvernement
Cet échec redonne la main au gouvernement sur la suite, lui qui s'était engagé en cas d'accord à transcrire dans la loi le texte, dont le but affiché était d'augmenter le taux d'emploi des seniors, plus bas en France que dans la plupart des pays européens.
Comme attendu, le Compte épargne temps universel (Cetu), promu par la CFDT, mais rejeté par le Medef et la CPME, était aussi absent de la version finale du texte.
Censé permettre à l'ensemble des actifs de convertir des jours de congé ou de repos non pris en rémunération ou de partir à la retraite de manière anticipée, il devrait toutefois faire l'objet d'une négociation séparée la semaine prochaine -possiblement mardi - à l'initiative de l'Union des entreprises de proximité (U2P), la troisième organisation patronale qui représente artisans, professions libérales et commerçants.
La réunion prévue mercredi à l'Unédic en cas d'accord, pour signer un avenant sur l'indemnisation des seniors en présence des syndicats signataires de la convention d'assurance chômage de novembre dernier (CFDT, FO et CFTC) et des trois organisations patronales, est, elle, "reportée à une date ultérieure dans l'attente de la décision finale des différentes parties", selon le représentant du Medef, Hubert Mongon.
Cette signature devait ouvrir la voie à la validation de l'accord paritaire par le gouvernement.
"Cette réunion devait reculer les bornes d'âge pour tirer les conclusions de la réforme des retraites", a souligné Michel Picon, président de l'U2P.
Or, "si on ne recule pas les bornes d'âge de la filière seniors, le gouvernement ne va pas valider la convention (d'assurance-chômage de novembre 2023, ndlr) que nous avons négociée (...). Tout ça va tomber à l'eau", a-t-il regretté sur BFM Business.
Le Premier ministre Gabriel Attal a d'ores et déjà annoncé sa volonté de durcir encore les conditions d'indemnisation des chômeurs pour, justifie-t-il, les inciter davantage à reprendre un emploi.
Aussi les partenaires sociaux devraient-ils recevoir une nouvelle lettre de cadrage pour négocier une nouvelle convention, avec des économies à la clé pour l'assurance chômage, alors que le gouvernement cherche à trouver des économies afin de réduire le déficit public.