Inscrit en licence de sciences politiques, l'étudiant se rend comme chaque jour sur le campus: moto-taxi, métro, deux changements dans des stations déjà bondées...entre 2h et 2h30 de trajet, 20 km au total.
"Il m'arrive parfois d'être en retard", concède-t-il. En plus de ces trajets, Saul travaille 30 heures par semaine dans une pharmacie, pour un salaire mensuel d'environ 350 euros.
Fatigué, il a essayé de trouver un logement plus près du campus de l'Université nationale autonome du Mexique (UNAM, publique) où il est inscrit. "Mais le coût d'un loyer représenterait la totalité de mon salaire".
Parmi ses amis, il est loin d'être le seul à chercher un logement plus adapté.
La nouvelle maire de Mexico, Clara Brugada, a fait de la crise du logement l'une de ses priorités, après avoir pris la succession de sa collègue de parti Claudia Sheinbaum, nouvelle présidente du pays.
Issue de l'aile gauche du Mouvement pour la régénération nationale (Morena, gauche), Mme Brugada promet "des logements locatifs pour les jeunes, avec option d'achat".
"Il manque 800.000 logements à Mexico", alerte Leopoldo Hirschhorn, président de la Chambre nationale de l'industrie du logement dans la capitale.
"La ville +expulse+ 100.000 personnes chaque année à cause des coûts élevés du logement", estime Federico Taboada, directeur de l'Institut de planification de Mexico, en charge de l'aménagement du territoire.
Logements sociaux
Ces dernières décennies, l'Etat a considéré le logement "seulement comme un bien économique", entraînant une "hausse excessive des loyers", explique l'avocate spécialiste du droit au logement Daniela Sanchez Carro.
"Ces dernières années, la pandémie et des phénomènes tels que l'embourgeoisement et le tourisme" ont contribué à "l'augmentation excessive des loyers", ajoute l'avocate, coordonnatrice d'une "clinique juridique pour le droit au logement".
Le loyer moyen d'un appartement dans les quartiers à la mode de la Roma et de la Condesa dépasse les 1.000 euros par mois, selon le site propiedades.com. Quatre fois plus que le salaire moyen dans la capitale, d'environ 280 euros par mois.
Ces dernières semaines, la ville de Mexico a plafonné l'augmentation des loyers au niveau de l'inflation. Elle a aussi limité à 182 jours par la mise en location d'un logement de type Airbnb.
"Il faut un marché du logement subventionné pour les moins favorisés en plus du marché classique", affirme Marcela Heredia, présidente de la Chambre mexicaine de l'industrie de la construction dans la capitale.
Pour Leopoldo Hischhorn, le problème vient aussi de l'étalement de la ville, trois fois moins dense et quinze fois plus étendue que Paris.
"40% de Mexico est construit sur un ou deux étages. Il faut construire des bâtiments plus hauts pour augmenter l'offre de logements", martèle-t-il.
Face à un chantier aussi vaste, le gouvernement de Mexico veut s'inspirer de villes comme Paris ou New York, en construisant un parc locatif pour les populations "que le marché ne va jamais prendre en charge", explique Federico Taboada.
La mairie a lancée cette année la construction de 270 premiers logements sociaux à destination des étudiants, dans deux quartiers centraux de la capitale peu accessibles aux faibles revenus.
"Dans ce cas, les loyers ne dépasseront par 30% des revenus des étudiants (...), mais il y aura d'autres logements totalement subventionnés", prévoit Federico Taboada.
Coopératives
Les ambitions de la nouvelle administration sont "une lueur d'espoir", dit Ale Razo, 28 ans, qui a fini ses études en 2023 et travaille dans le design graphique, à une heure de transport de son lieu de résidence.
Personne non-binaire, Ale gagne 370 euros par mois et vit toujours avec ses parents, avec qui l'artiste partage le loyer.
"Rien qu'une petite chambre, ils veulent te la louer 450 euros", hallucine Ale. "Je commence à comprendre pourquoi tant de jeunes ont recours aux colocations".
Mais c'est un autre rêve qui habite l'artiste drag : obtenir enfin un terrain de la mairie pour y installer la coopérative Xochiquetzalli.
Cette communauté a été créée en 2021 avec une dizaine de familles LGBT+ pour réduire les coûts du logement et éviter les discriminations, fréquentes lors de la recherche d'un toit.
"C'est une nouvelle vision du droit au logement, parce que c'est justement un droit, pas une marchandise", revendique Ale Gaitan.
Les coopératives de logement ont la côte chez une partie de la jeunesse mexicaine.
Une option que n'exclut pas Federico Taboada, le directeur de l'Institut de planification. "Nous devons rendre la politique de logement aussi diverse que l'est la société", affirme-t-il.