"La Plastiquerie" à Bordeaux, "Resak" au Pays Basque, "Rehab" à Concarneau : sur la façade atlantique française, une myriade d'associations s'activent pour récupérer et transformer des déchets plastiques.
Une activité d'autant plus urgente que la France est en retard : elle ne recycle que 26% de ses plastiques, dont 24,5% des emballages plastiques. Or l'objectif fixé par le Pacte vert européen est de parvenir à 55% de recyclage des emballages plastiques en 2030.
A Concarneau, "on récupère de vieilles sacoches de pompiers", explique Nicolas Voisard, qui a fondé Rehab en 2019. Cet ancien étudiant en sciences des matériaux a travaillé deux ans dans le design à Paris, puis le jeune surfeur, amoureux de l'océan, a voulu "faire quelque chose de plus près de ses valeurs".
Pour les outils - broyeurs, extrudeurs -, il s'est inspiré des modèles et des plans publiés en accès libre par la communauté "Precious Plastic", lancée en 2013 par un designer néerlandais.
A partir des déchets, Rehab produit des panneaux design "inspirés des céramiques tachées avec effet terrazzo". Les architectes d'intérieur les utilisent pour des crédences de cuisine.
"Nos produits sont 100% recyclables", précise le jeune homme, soutenu par la Fondation de la mer.
"Convaincre"
Toutes ces associations veulent "montrer qu'il est possible de transformer des déchets en objets beaux et design", souligne l'entrepreneur breton Didier Tabary, fondateur du groupe Kresk (laboratoires cosmétiques SVR, Lazartigue..), qui a pris en charge la commercialisation en ligne des objets ainsi produits.
En 2023, les 33 associations soutenues par la Fondation de la mer en France et en Afrique ont "valorisé au total 630 tonnes de plastique dont 600 tonnes venant d'Afrique", précise Muriel Barrou, responsable du pôle "protection de l'océan" à la Fondation.
Soit une minuscule goutte dans le gigantesque océan de plastique mondial : la production de plastiques sur la planète a été multipliée par 230 par rapport aux années 1950, alors que la population mondiale a triplé dans le même temps, admet-elle, convaincue néanmoins que son travail de fourmi doit se poursuivre.
"Nous nous concentrons sur les plastiques pour lesquels il n'existe pas de solution industrielle de recyclage", abonde Lila Costes, fondatrice de l'association Resak à Anglet au Pays Basque, les déchets qui n'arrivent jamais dans les poubelles jaunes, souvent voués à l'enfouissement, et les chutes de production d'industriels locaux.
Elle a des accords avec une filiale du groupe Vinci spécialisée dans la signalétique pour recycler des cales en polyéthylène blanc utilisées sur les rouleaux de câble.
Avec deux salariés et quatre bénévoles, l'association a recyclé 3 tonnes de déchets en 2023 et prévoit d'arriver à 10 tonnes "d'ici trois ou quatre ans".
Elle a surtout sensibilisé plus d'un millier de personnes. "Au final, notre but c'est de convaincre les gens d'arrêter d'utiliser le plastique", explique Lila Costes.
"Refuser d'acheter"
Les industriels en partenariat avec Resak doivent d'ailleurs s'engager à réduire leur propre consommation.
L'association a arrêté sa collaboration avec une filiale de Suez chargée de l'analyse de la qualité des eaux, qui utilise un flacon en plastique par plage et par jour, car cette dernière ne cherchait pas à réduire le nombre de flacons. Et l'eau de mer abimait leurs machines.
La jeune ingénieure sait de quoi elle parle après sept ans comme salariée à la conception des emballages d'un géant international de l'agroalimentaire dont elle a démissionné en 2022.
"Cela m'a rendue folle d'entendre le discours sur la diminution de l'épaisseur des pots de yaourt venant des fabricants alors qu'en réalité, on en vend toujours plus".
Pour son association, elle a opté pour une "approche locale ciblée" qui ne fait pas voyager les déchets: à Anglet, elle travaille avec un fabricant de planches de surf en polystyrène alvéolé.
Avec les chutes, elle fabrique des tables basses, tabourets ou pieds de lampe recyclables, aux noms marins comme "Ecume" ou "Lagon".