"La situation, c'est payer le loyer ou manger", résume Sonia Perez, institutrice à la retraite, au sujet de son fils Xavier.
Ce trentenaire est pourtant salarié, conducteur de chariot élévateur, "mais la dernière fois que j'ai ouvert son frigo, il n'y avait que de l'eau", se souvient sa mère.
L'inflation et l'explosion des loyers et des prix de l'immobilier ont rendu l'équation difficile pour nombre de résidents du comté de Dauphin, où se trouve Harrisburg, la capitale de Pennsylvanie, l'un des Etats clefs les plus scrutés durant la campagne présidentielle américaine.
Selon les derniers chiffres de l'association Housing Alliance of Pennsylvania, quelque 16% des locataires du comté sont sous le coup d'une procédure d'expulsion, l'un des taux les plus élevés de l'Etat.
Sonia Perez a dû faire face à l'incendie de sa maison, après un court-circuit, il y a trois ans, avant que l'association Christian Churches United ne lui assure un hébergement d'urgence.
Elle était propriétaire, mais pas assurée. Faute de pouvoir faire réparer, elle a donc vendu sa maison pour seulement 30.000 dollars.
De cette somme, il ne "reste plus rien", dit-elle. Plus question de racheter une maison ou même un appartement. "J'arrive à peine à payer le loyer" de 275 dollars par mois pour un deux pièces à Harrisburg, malgré une aide d'Etat.
Xzavia, elle, a récemment reçu un avis d'expulsion après des retards de loyer.
Responsable dans un établissement psychiatrique, elle avait choisi de passer à temps partiel après que le plus jeune de ses trois fils a été diagnostiqué autiste.
"Je ne mettrai jamais mon métier avant mes enfants", explique cette femme de 33 ans.
Grâce aux 500 dollars que lui a donnés l'association Beahive Affordable Housing Outreach, elle a pu rester dans son appartement.
"Je suis mère célibataire", dit-elle. "Je n'ai que ce que je gagne. Donc quand arrive le moment de payer le loyer et les factures, il ne reste plus grand-chose."
"Notre programme est basé sur les besoins, pas sur les revenus", décrit Samara Scott, fondatrice de Beahive, ce qui a permis à l'association de soutenir Xzavia, "qui gagne trop pour être éligible à un certain nombre d'aides".
Un secret "éventé"
Elle a cherché à rompre son bail, mais sa propriétaire a menacé de l'assigner en justice pour obtenir la totalité des loyers dus jusqu'au terme, en avril.
"Donc je vais devoir me débrouiller jusque-là", dit-elle.
Une fois libérée de son engagement, une autre épreuve attendra Xzavia, celle de la quête d'un nouveau toit.
En son temps, Sonia Perez a dû déposer une cinquantaine de dossiers de candidature avant de dénicher un appartement.
"Il n'y a tout simplement pas assez de logements", pointe Samara Scott. "Tous les jours, des gens m'appellent pour me demander si je ne connais pas un endroit où habiter."
"Le comté de Dauphin était une sorte de région cachée où les prix étaient encore abordables", selon Ryan Colquhoun, associé au sein du bailleur Harrisburg Property Management Group, qui possède environ 2.000 biens immobiliers.
"Mais quand la pandémie (de coronavirus) a démarré, le secret a été éventé", dit-il, et des milliers de personnes, venues de Philadelphie mais aussi de New York ou Baltimore, ont mis le cap sur le centre de la Pennsylvanie.
En trois ans, les loyers ont augmenté "de 30 à 50%" selon les villes ou les quartiers, situe Ryan Colquhoun.
"La demande est telle que certains propriétaires qui pouvaient se montrer plus conciliants auparavant sont devenus inflexibles et cherchent à obtenir l'expulsion" pour pouvoir louer plus cher ensuite, affirme Michelle Miduri, directrice opérationnelle de l'association Love INC à Hershey, également situé dans le comté de Dauphin.
Outre une aide financière d'urgence en cas de coup dur, Love INC propose également, en cas d'impasse, deux logements dont elle est propriétaire, le temps d'une transition d'un an.
Samara Scott et Beahive rénovent eux actuellement une maison qu'ils loueront à une famille sous condition de ressources.
Mais elle rêve déjà à ce qu'elle appelle sa ruche (hive), un ensemble de conteneurs convertis en habitations sur un terrain qu'elle cherche actuellement, dont les habitants pourront passer du statut de locataire à celui de propriétaire.
Parmi les raisons qui la poussent à voter Kamala Harris lors du scrutin présidentiel, il y a le logement social. "C'est quelque chose qu'elle soutient."
Donald Trump, lui, entend améliorer l'offre immobilière par la dérégulation et le contrôle des flux migratoires.
"Mon mari me dit: je ne vais pas voter. Je n'aime aucun des deux" candidats, se désole Samara Scott. "Je lui ai expliqué que ce n'était pas vraiment une option."