Avec l'explosion de la pratique, 226 cyclistes sont morts sur les routes de France en 2023, principalement en milieu rural ou péri-urbain.
L'ombre de Paul planait sur les 28e rencontres Vélos et territoires, qui réunissaient de mercredi à vendredi à Vannes (Morbihan) des communes, départements et régions pionniers.
Si les pistes se sont multipliées pendant la pandémie de Covid, seulement 3,9% du gigantesque réseau routier français est adapté aux bicyclettes, selon la Fédération européenne des cyclistes, contre 26,9% au paradis des vélos, les Pays-Bas, 20% en Belgique, ou 6,3% en Hongrie.
En ville, ces aménagements visent généralement à installer des pistes cyclables et supprimer le trafic de transit (en laissant passer les riverains).
Pas assez sécurisant
En dehors des villes, l'idéal serait d'avoir des pistes cyclables à l'écart de la route mais "ça coûte très cher et c'est long à mettre en place", a décrit lors d'un atelier à Vannes Fanny Bellanger, de la Fédération des usagers de la bicyclette.
"Les aménagements sur route ne sont pas satisfaisants non plus", car pas assez sécurisants, avec des voitures qui frôlent les cyclistes, souligne-t-elle: il s'agit donc de bien les penser en amont. "Le bon critère pour juger de l'utilité d'un aménagement c'est: est-ce que je laisserais un enfant de dix ans faire ce trajet seul ?", précise Fanny Bellanger.
Le département de la Manche teste actuellement la transformation de deux bouts de départementales peu fréquentés en routes réservées aux mobilités douces. Une solution plutôt efficace et économique (avec des panneaux et de la peinture, pour 1500 euros/km), selon les premiers retours.
"Il y avait une certaine réticence au niveau des maires", a raconté Ludovic Leduc, chef de la maîtrise d'ouvrage dans la Manche. "Je ne vais pas pouvoir passer par là, je vais perdre deux minutes pour emmener les enfants à l'école. Est-ce que les poubelles, les secours vont venir ? (...) Il faut le prendre en compte et (...) tordre le cou aux fausses nouvelles".
Il s'agit toujours de chercher le "compromis", a souligné Thomas Jouannot du Cerema, organisme public qui donne les codes de ces aménagements aux collectivités.
Vélo mal connu
Entre Cugand et La Bernardière (Vendée), la communauté de communes a plutôt choisi de couper en deux une départementale dangereuse, avec des pointes de vitesse à 120 km/h le weekend. Un rebord réserve désormais une voie aux cyclistes et une autre aux voitures, régulées par un nouveau feu tricolore.
"C'était compliqué au départ mais aujourd'hui c'est accepté" et la piste est utilisée pour des trajets domicile-travail la semaine, et les loisirs le weekend, témoigne Jocelyn Guibert, le directeur de l'ingénierie du secteur.
À Sarrebourg (Moselle) par contre, tout est encore à faire et les cyclistes restent rares: le premier tronçon de la traversée de la ville pourrait être réalisé en 2025, après quatre ans d'études et des blocages de la mairie, explique Hyacinthe Hopfner, de la communauté de communes. "On a une génération d'élus qui ne connaît pas le vélo", regrette-t-il.
Les Français interrogés sont globalement favorables (à 68%) à ce que l'on renforce les investissements publics en faveur du vélo, selon un sondage réalisé en septembre en ligne auprès de 2.826 personnes par l'institut Cluster 17 et pour le loueur de vélos Pony.
Mais les opinions divergent entre les plus jeunes et les plus éduqués (favorables) et les artisans, commerçants et ouvriers (plutôt défavorables).
Le gouvernement a tranché du côté des sceptiques en coupant dans son budget 2024 les fonds du "plan vélo", qui participe à financer ces aménagements.
Très remontées à Vannes, près de 90 collectivités avaient signé vendredi une lettre ouverte au Premier ministre pour condamner cette suppression "inacceptable" d'une "politique publique prometteuse, efficace et nécessaire", selon elles.