La polémique est née d'une déclaration du ministre délégué au Logement, Guillaume Kasbarian, dans une interview parue jeudi dans le journal Les Echos : "Il faut réinterroger la pertinence à continuer à occuper un logement social de ceux qui ont largement dépassé les plafonds de revenus", a-t-il suggéré.
Le ministre a notamment fait référence à ceux qui, entre temps, ont reçu un héritage, aux propriétaires d'une "résidence secondaire", ou à ceux dont le "patrimoine" a "évolué".
"Quand on a 5,2 millions de logements sociaux en France et 1,8 million de ménages qui candidatent légitimement pour y entrer, est-il normal qu'ils soient empêchés de le faire alors qu'il y a des gens au sein du parc social dont la situation a largement changé depuis qu'ils se sont vu attribuer leur logement ?", a-t-il encore interrogé.
Selon Les Echos, Guillaume Kasbarian a affirmé que plus de 8% des locataires de HLM ne seraient plus éligibles à un logement social s'ils en demandaient un aujourd'hui.
Effet "ghetto"
Cette "notion de +logement à vie+ (...) n'a pas de réalité juridique", a taclé dans un communiqué l'Union sociale pour l'habitat, l'organisation représentative du secteur HLM, appelant à "ne pas céder à la démagogie".
"Le ministre a raison de reconnaître la réalité de la file d'attente des demandes de logements sociaux. Mais il a tort de considérer que c'est en +insécurisant+ les locataires du parc social qu'on palliera les insuffisances de la politique du logement que nous constatons depuis 2017", a déploré l'ancienne ministre écologiste Emmanuelle Cosse, qui dirige désormais cet organisme.
"Faciliter l'expulsion des classes moyennes du logement social accusées d'être +trop riches+, c'est organiser la ghettoïsation de nos HLM", a jugé pour sa part le sénateur communiste de Paris Ian Brossat.
A ses yeux, cela reviendrait à "passer d'un modèle +généraliste+ à un modèle +résiduel+ dans lequel le logement social n'est réservé qu'aux plus fragiles et en exclure totalement les salariés".
La proposition, a-t-il ajouté dans un communiqué, "est d'une hypocrisie sans nom puisqu'elle laisse entendre que les locataires HLM seraient aujourd'hui inexpulsables".
En l'état actuel de la réglementation, les locataires doivent répondre annuellement à une "enquête ressources" pour attester de leur situation économique.
S'ils dépassent un certain plafond de ressources, leur bailleur peut majorer leur loyer et s'ils font état de revenus encore plus élevés, il peut dans certains cas refuser de renouveler leur bail.
Projet de loi imminent
Les seules catégories protégées sont les personnes âgées de plus de 65 ans et celles en situation de handicap.
Avec ces annonces, "en réalité, le gouvernement fait payer aux locataires du parc social son incapacité à produire du logement social", a encore dénoncé Ian Brossat.
Même son de cloche chez la Confédération nationale du logement, qui a regretté sur le réseau social X le "cynisme" de la proposition.
"Plutôt que produire du logement social, (Guillaume) Kasbarian préfère réduire le parc HLM et (...) opposer les classes populaires entre elles", a-t-elle dénoncé.
Le gouvernement s'apprête à présenter un projet de loi visant à favoriser le logement des classes moyennes, qui doit être dévoilé en Conseil des ministres en mai, avant un examen au Sénat prévu en juin.
Le texte doit également donner plus de pouvoir aux maires dans l'attribution des logements sociaux ou dans la décision d'en vendre, a détaillé Guillaume Kasbarian jeudi.
Le renforcement de l'étude sur l'occupation sociale des logements est aussi prévue dans ce projet de loi. "Souhaitable", reconnaît l'Union sociale pour l'habitat. "Mais il est regrettable de ne rien prévoir pour faciliter la production de logements sociaux qui logent la classe sociale inférieure."