Le Premier ministre a annoncé la mise en place d'une mission en ce sens devant le groupe Renaissance à l'Assemblée nationale, selon des propos rapportés par Matignon, alors que l'opportunité d'augmenter les impôts pour redresser les finances publiques divise le camp présidentiel.
"On va trancher ce débat ensemble, car on ne doit pas subir, mais on doit être à l'offensive" pour "avancer de manière coordonnée, cohérente", a expliqué le chef du gouvernement, en souhaitant que "toute la majorité soit associée" à ce travail et que chaque composante fasse "remonter (ses) propositions" à Jean-René Cazeneuve, rapporteur du Budget, qui conduira la mission.
Gabriel Attal avait déjà entrouvert la porte la semaine dernière à cette idée de taxation. Il avait affirmé sur TF1 ne "jamais (avoir) eu de dogme sur le sujet" des superprofits, rappelant que les énergéticiens et les laboratoires de biologie avaient déjà été soumis à une taxe spécifique. Le chef du gouvernement avait refusé de toucher à deux "lignes rouges": les classes moyennes et les entreprises.
Le président du groupe MoDem Jean-Paul Mattei avait déjà proposé, en vain, de relever le taux du prélèvement forfaitaire ("flat tax") sur les revenus du patrimoine, une mesure qui ciblerait les contribuables les plus aisés.
"Assumer"
Il s'agit pour Gabriel Attal de répondre surtout aux inquiétudes de la majorité, dont l'aile gauche est très remontée contre la nouvelle réforme de l'assurance chômage qui pourrait réduire la durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi.
Le Premier ministre a redit "assumer" une telle réforme "pour construire un pays plus fort", alors que le matin même, la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet exprimait des réserves, recommandant d'abord d'"évaluer" les effets produits par les précédentes réformes de 2019, 2022 et 2023.
Réduire la durée d'indemnisation n'est "pas la bonne voie", "alors même qu'on constate que le chômage ne baisse plus", a aussi jugé dimanche le président de la commission des Lois de l'Assemblée Sacha Houlié. Il a rappelé que le gouvernement a déjà mis en place une mesure de "contracyclicité", c'est-à-dire que les conditions d'indemnisation se durcissent quand le chômage baisse, et s'assouplissent quand il augmente.
"Quand je t'entends dire qu'il ne faut pas réformer parce que le chômage stagne, je ne suis pas d'accord", lui a répondu mardi Gabriel Attal. "Cette réforme n'est pas une réforme d'économie, mais une réforme de productivité et de prospérité", a-t-il fait valoir. "On veut financer les services publics et les Ehpad. Ce qu'on ne veut pas, c'est devoir augmenter encore la franchise médicale".
Le député Mathieu Lefèvre, tenant de l'aile droite de la majorité, a défendu lui aussi la "nécessité" d'une réforme "quand 340.000 emplois sont non pourvus".
"Frottement"
Jean-Marc Zulesi, député Renaissance tendance aile gauche, a suggéré pour sa part d'attendre "de voir ce qui sort de (la) discussion" des partenaires sociaux qui gèrent l'Unédic, mais jugé nécessaire d'avoir un "signal de l'autre côté, sur la taxation des superdividendes et la lutte contre les rentes".
"Ce n'est pas la première fois que des réformes d'inspiration libérale créent du frottement dans la majorité", a balayé un proche d'Emmanuel Macron. "Au Premier ministre de faire en sorte que ce soit compris et accepté".
Mais, a-t-il insisté, "ce n'est pas une approche comptable, c'est un dessein plus large : augmenter l'activité ça permet d'augmenter les recettes et donc réduire le déficit".
Cette réforme intervient au moment où l'exécutif cherche partout à faire des économies après le dérapage inédit du déficit à 5,5% en 2023, qui pourrait conduire à une éventuelle dégradation de la note du pays.
Gabriel Attal a redit mardi toujours vouloir le ramener à 3% en 2027 et rappelé que le gouvernement donnerait la semaine prochaine "la trajectoire" pour atteindre cet objectif.
Le patron des Républicains Eric Ciotti, qui menace de censurer le gouvernement pour sa gestion "catastrophique" des finances publiques, a écrit à Gabriel Attal pour réclamer un budget rectificatif. Et les députés LR vont lancer une commission d'enquête sur la "forte croissance de la dette" sous la présidence d'Emmanuel Macron.