A Neofit-Rilski, situé à 40 kilomètres de la mer Noire, Tsvetomir Tsonev accueille les visiteurs pieds nus et en toge rouge dans son jardin de roses et de plantes médicinales.
Il vante "le calme, loin du tumulte politique et économique du monde".
"Ici nous nous focalisons sur les valeurs humaines et l'histoire", confie cet ancien serveur de 47 ans, qui arbore un collier de blé enrobé d'or à 24 carats pour "garder les gènes de la plante".
Derrière cette colonisation d'une localité préexistante, née il y a une dizaine d'années, se trouve le sulfureux homme d'affaires Ivelin Mihaylov, également fondateur du parti antisystème Velichie ("Grandeur"). Il s'est retrouvé récemment sous les critiques pour des soupçons de fraude, qu'il dément fermement, fustigeant ses rivaux politiques et "la mafia".
La formation attire les regards depuis son entrée surprise au Parlement en juin, réunissant un mélange hétéroclite de candidats, dont une pop star des années 1980 et un lieutenant-colonel retraité des services de sécurité soutenant des théories conspirationnistes.
M. Mihaylov espère réitérer son succès lors des législatives de dimanche, les septièmes en moins de quatre ans dans cet Etat membre de l'UE, en proie à une crise inédite depuis la chute du communisme.
"Connaître ses racines"
L'entrepreneur de 47 ans décline pour l'AFP les grandes lignes du parti : "neutralité" face à la guerre en Ukraine, combat contre les éoliennes, refus d'adopter la monnaie commune européenne...
Son but: "faire respecter la Bulgarie", trop soumise selon lui aux "diktats" de Bruxelles.
Ici point de chaos, mais des rues propres, des pelouses impeccablement tondues, une sécurité garantie par de rassurants "protecteurs", du nom de la société de gardiennage.
Les quelque 1.300 habitants disent apprécier l'esprit communautaire et le respect de la tradition.
Comme Alexandra Bechevlieva, informaticienne de 37 ans venue de la capitale pour s'installer avec sa famille dans une maison au style architectural typique du XIXe siècle. "Il faut connaître ses racines pour savoir où on va. J'élève mes enfants en tant que Bulgares", raconte-t-elle, saluant les activités gratuites de danses folkloriques et la nourriture "saine" des producteurs locaux.
A l'école, de nombreux enfants portent des prénoms thraces.
Ivelin Mihaylov a lui aussi baptisé sa fille, Bendida, d'après une déesse de cette civilisation, dont la Bulgarie est un berceau. Et a fait construire à côté du village un parc historique pour "révéler, tant aux Bulgares qu'aux touristes étrangers, notre passé glorieux".
Financement opaque
On y trouve des cabanes en terre exposant des reproductions d'objets archéologiques vieux de 8.000 ans, des répliques de tombeaux ou de tours médiévales.
Exilée en Angleterre, Elissaveta Slavova a été "séduite" sur internet et a décidé de rentrer au pays pour devenir guide. "J'ai trouvé ma vocation: faire découvrir la richesse du patrimoine historique. Nous marchons sur de l'or", s'enthousiasme la femme de 36 ans.
Les visiteurs, peu nombreux à déambuler sur les lieux, semblent conquis, se disant "fiers" d'être bulgares et balayant les critiques sur l'opacité du financement, entièrement privé.
Car le complexe est dans le viseur d'une commission parlementaire et de la justice, à la suite d'articles de presse faisant état de possibles malversations de type chaîne de Ponzi.
Selon un économiste auditionné par les députés, le parc "ne génère que des pertes". Des investisseurs ont aussi témoigné, disant être trompés.
Le parquet régional de Varna n'a pour l'heure pas donné suite, par manque de preuves, aux accusations de "tromperie des investisseurs", mais une nouvelle enquête a entretemps été ouverte.
D'autres investigations sont en cours sur des soupçons d'acquisition illégale de propriété et de fraude à des fins de manipulation électorale.
Sillonnant le pays et rencontrant des Bulgares à l'étranger à la veille des élections, Ivelin Mihaylov dénonce des accusations "calomnieuses", assurant qu'elles ne ruineront pas ses rêves de grandeur.