Dans les villages de cette région, comme dans d'autres zones où la nature est préservée, de fastidieux débats accompagnent encore chaque projet d'éolienne ou de fermes solaires, ce qui explique en partie le retard français. Alors que les pays du monde se sont engagés collectivement à la dernière COP à tripler leurs capacités d'énergies renouvelables d'ici 2030, la France persiste à se fixer des objectifs de renouvelables inférieurs à ce que l'Union européenne exige.
Certains projets se concrétisent. En Haute-Loire, où un parc de 26 éoliennes a été implanté en 2005 sur le plateau de la Margeride, Jean-Louis Portal, le maire d'Ally, se félicite des 40.000 euros annuels qu'il rapporte à sa commune, qui financent la gratuité des transports scolaires.
Un plan de renouvellement des installations est en cours : les nouvelles éoliennes "seront plus loin des habitations, moins nombreuses mais plus puissantes", explique l'élu.
Marc Olagnol, agriculteur du village, perçoit près de 2.500 euros par an et par éolienne. Deux sont installées sur des terrains qu'il partage dans une société familiale. Il en perdra une, mais le nouveau projet rapportera autour de 5.000 euros par éolienne.
"C'est un complément, mais ça ne fait pas vivre", nuance-t-il.
Plus les machines sont puissantes, plus le revenu augmente. Selon plusieurs sources recoupées par l'AFP, il peut atteindre 12.000 euros par an pour un agriculteur.
Ailleurs, la position de certains élus, tiraillés entre les oppositions et les revenus générés par ces installations, est intenable. Certains ont préféré démissionner.
"En train de mourir"
Francis Leblanc, ex-maire de Valigny, un village de 390 habitants dans l'Allier, en a fait les frais.
Deux éoliennes devaient apporter "un complément de revenu" à un agriculteur, tout en améliorant les finances de la commune, soit environ 20.000 euros annuels pour un potentiel d'investissement de 100.000 euros.
"Nous n'avons pas d'usine, l'école risque de fermer, on est en train de mourir, il ne nous reste plus que l'agriculture", justifie l'élu. Mais deux de ses adjoints se sont opposés publiquement au projet, alors il a "jeté l'éponge".
Non loin de l'Auvergne, à Vers-sur-Méouge, petit village de la Drôme, c'est un projet de parc photovoltaïque de 40 hectares sur des terres communales et forestières qui a suscité la controverse.
"On m'a proposé un projet" qui aurait pu rapporter entre 150.000 et 200.000 euros par an, explique le maire Alain Nicolas. "Quand on est gestionnaire d'une petite commune comme la nôtre, les ressources ne sont pas immenses, ça fait envie..."
"On habite ici un petit coin de paradis, cette centrale photovoltaïque serait derrière nos habitations et nuirait à notre cadre de vie", a fait valoir Elisa Fattier, porte-parole du collectif d'opposants UniVers, lors des débats.
"Paysages sauvages"
Camille Reynaud, responsable chez Sonnedix - le porteur de projet -, souligne qu'il est très "important" d'obtenir "un consensus local." En discutant de "comment on mène ce type de projet, comment on l'insère dans le paysage, les études qu'on réalise, ça assouplit généralement les choses".
Cette fois, cela n'a pas suffi : après une réunion publique où se sont exprimés les opposants, le maire a décidé de renoncer.
Au coeur des paysages vallonnés des Combrailles (Puy-de-Dôme), dans les villages de Montcel et Saint-Hilaire-La-Croix, un projet de parc éolien est passé après concertation de dix à trois éoliennes à cause de "multiples contraintes", notamment environnementales, détaille l'initiateur et maire de Montcel, Grégory Bonnet. "Les services de l'Etat, avec lesquels nous avons travaillé, n'étaient pas emballés par cet effet d'encerclement (...), notamment sur la partie paysage".
Depuis la loi sur les énergies renouvelables adoptée en 2023, l'Etat entend améliorer "l'acceptabilité locale", notamment par l'entremise d'un "médiateur" en cas de désaccords et par un meilleur partage des bénéfices.
Pourtant, à Montcel, la colère de certains riverains n'est pas retombée : Patrick Cohen, président de l'association "A contre-vents" pointe l'impact sur la biodiversité, la pollution lumineuse et sonore des machines ou les 1.600 tonnes de béton nécessaires à leur construction.
"Nous vivons à la campagne, avec des paysages sauvages, ce n'est pas pour y voir des éoliennes qui les défigurent", dénonce-t-il.