Quatre mois après la dissolution de l'Assemblée nationale, aujourd'hui divisée en trois grands blocs sans majorité claire, l'incertitude politique continue de peser sur l'économie française.
D'après l'OFCE, le centre de recherche économique de Sciences Po Paris, qui a publié mercredi ses nouvelles perspectives économiques, cette incertitude pourrait amputer la croissance française de 0,1 point de produit intérieur brut (PIB) en 2024 et de 0,2 point en 2025.
Pour l'économiste de l'OFCE Mathieu Plane, "ça reste relativement limité mais ce n'est pas négligeable", à l'heure où l'institut anticipe une croissance modeste du PIB en 2024 (1,1%) comme en 2025 (+0,8%).
Selon l'OFCE, "la croissance serait pénalisée en particulier par l'affaiblissement de l'investissement" des entreprises, que l'incertitude politique incite à la prudence.
A l'heure où les députés commencent à examiner le projet de budget 2025, les économistes notent également l'impact négatif sur l'activité des mesures de réduction de redressement des finances publiques.
L'effort budgétaire envisagé par le gouvernement, qui espère ramener le déficit public de 6,1% du PIB en 2024 à 5% en 2025, "conduirait à réduire la croissance de 0,8 point de PIB en 2025", calcule l'OFCE.
L'institut conteste au passage les chiffrages de l'exécutif, selon lequel un effort d'assainissement de 60 milliards d'euros est nécessaire en 2025, assis pour un tiers sur des hausses d'impôts et pour deux tiers sur des coupes dans les dépenses publiques.
Selon ses calculs, l'assainissement des comptes publics "serait de l'ordre de 44 milliards d'euros" en 2025. "Environ" 60% de l'effort proviendrait de la "hausse des recettes" et 40% de la "réduction de la dépense publique", détaille l'OFCE.
"Malgré le programme d'ajustement budgétaire prévu", le centre de recherche anticipe un déficit de 5,3% du PIB fin 2025, un chiffre légèrement supérieur à l'engagement du gouvernement (5%).
"Bascule"
Le redressement des comptes publics, qui passera notamment par un moindre financement des politiques de l'emploi, pourrait aussi avoir des conséquences sur le taux de chômage.
Mesuré à 7,3% au deuxième trimestre, il pourrait grimper à 7,5% fin 2024 et même 8% un an plus tard, selon les perspectives économiques publiées mercredi.
"On a une croissance ralentie, une politique de l'emploi moins en soutien", explique Mathieu Plane, "et on attend 143.000 pertes d'emploi en 2025, c'est une bascule assez significative" après les près de 500.000 emplois créés en 2022 et les 210.000 créations encore recensées en 2023.
Le pouvoir d'achat individuel des Français reculerait lui de 0,2% en 2025, après une hausse de 1,1% l'année précédente.
En cause dans ce léger repli: "la contraction de l'emploi, la faible croissance des prestations sociales, avec notamment le report de l'indexation des retraites à juillet, et les revenus du patrimoine moins dynamiques, avec la baisse attendue des taux et de moindres dividendes versés", détaille l'OFCE.
Sur une note plus positive, l'inflation devrait continuer à ralentir pour s'établir à 2% en moyenne annuelle en 2024, soit exactement l'objectif d'inflation poursuivi par la Banque centrale européenne, et 1,5% en 2025.
Une hausse des prix moins dynamique qui pousserait logiquement les ménages à dépenser davantage. En 2025, la consommation des ménages devrait être "la principale source de croissance" et croître de 1,1%.
Parallèlement, le pourcentage de revenus que les Français mettent en réserve plutôt que de les dépenser (taux d'épargne) refluerait de 0,7 point pour tomber à 17,1% fin 2025, un niveau qui reste toutefois largement supérieur à celui constaté avant la pandémie.
La diminution attendue du bas de laine des ménages en 2025 s'explique à la fois par le ralentissement de l'inflation et une rémunération moins attractive des produits d'épargne.
Attention cependant: si le taux d'épargne était "poussé à l'extrême par les incertitudes politiques, économiques et budgétaires" et se maintenait en 2025 à son niveau de fin 2024 (17,8% des revenus), l'OFCE devrait abaisser sa prévision de croissance à 0,5% du fait d'une consommation des ménages inférieure aux attentes, avertissent les économistes.