Emmanuel Macron - qui avait lui même rouvert ce chantier avant l'été à la surprise générale - a de nouveau expliqué lors de ses voeux qu'il fallait "changer en profondeur les règles d'indemnisation du chômage, afin d'inciter davantage à reprendre le travail".
Dans le cadre de la négociation de cette nouvelle convention, le gouvernement a réclamé au total entre 3 et 3,9 milliards d'euros d'économies en trois ans, une obligation unanimement dénoncée comme strictement "budgétaire" par les syndicats.
Initialement, les partenaires sociaux avaient jusqu'au 25 janvier pour négocier mais en pleine crise des gilets jaunes ceux-ci ont demandé un délai supplémentaire, que le gouvernement a accepté.
Mercredi la séance risque d'être animée.
Au programme: la régulation des contrats courts - les CDD de moins d'un mois qui ont été multipliés par 2,5 depuis 20 ans - par un système de "bonus malus" sur les cotisations patronales et à propos duquel les partenaires sociaux ont l'habitude de s'écharper.
Alors que le patronat le rejette catégoriquement, les syndicats les plus modérés en font une condition sine qua non pour un accord global sur la réforme.
Le gouvernement a longtemps soufflé le chaud et le froid sur le sujet, promesse de campagne du candidat Macron.
Un tiers de CDD d'une journée
"On a réinventé les journaliers!", ne cesse de dire la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, devant l'inflation des contrats de plus en plus courts, un tiers des CDD ne durant qu'une journée, une situation qui pèse également sur les finances de l'Unedic.
Le ministre de l'Economie Bruno le Maire s'est dit mercredi "favorable à l'idée de bonus/malus. Quand les entreprises abusent des contrats courts, elles doivent être pénalisées".
Le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, ne nie pas "qu'il y a un problème avec les CDD courts de moins d'un mois qui ont fortement augmenté depuis dix ans car la visibilité des entreprises sur leur cas se réduit".
"Mais si on taxe plus les contrats courts, ça a déjà été essayé, il y aura juste moins d'emploi", a-t-il ajouté mercredi sur RTL.
Le patronat veut donner la priorité aux négociations anti-précarité branche par branche, décidées lors de la dernière négociation en 2018 mais qui n'avancent que lentement. Seules la propreté, la métallurgie, ou encore la distribution ont ainsi signé des accords sur le sujet.
Selon les Echos, le Medef pourrait proposer de renvoyer cette question à une autre négociation plus large, sur l'accès au marché du travail, qui se déroulerait en parallèle de celle sur l'assurance chômage.
M. Roux de Bézieux propose ainsi de donner "la priorité d'embauche en CDI aux gens qui ont enchaîné des CDD dans la même entreprise" précisant que la mesure pourrait s'appliquer dès l'enchaînement de "deux CDD".
La CPME, qui avait eu un texte de projet de bonus malus entre les mains, est elle aussi vent debout contre cette idée de faire varier les cotisations patronales selon le taux de rupture de contrats de travail.
De toute façon, au final, s'il n'est pas satisfait des négociations, l'État reprendra la plume.
"On a le sentiment qu'il y a un peu de théâtre là-dessus et que le gouvernement n'attend qu'une chose, c'est de reprendre la main", a d'ailleurs affirmé le secrétaire général de FO, Yves Veyrier.
Sur le dossier assurance chômage s'est ajoutée la semaine dernière la publication d'un décret sur le contrôle des chômeurs qui a ému les syndicats, car il prévoit dans certains cas des sanctions plus dures que ce qu'avait annoncé le gouvernement initialement.
"Il faut arrêter avec l'histoire des chômeurs qui en profiteraient!", s'est exclamé Laurent Berger, leader de la CFDT. "J'ai été conseiller en insertion professionnelle et j'en ai vu trop, des demandeurs d'emplois qui voulaient juste trouver du boulot et du boulot stable", a-t-il ajouté.
Limiter les CDD courts : peu d'accords de branche conclus
Peu de branches professionnelles ont annoncé pour l'instant avoir conclu un accord pour réduire le recours aux contrats courts (CDD de moins d'un mois), même si le Medef assure que plusieurs négociations sont en cours.
A l'exception du secteur de la propreté, ce ne sont pas les plus concernés (hôtellerie-restauration, hébergement médico-social, action sociale, enquêtes d'opinion, audiovisuel...) qui ont abouti.
Propreté : avec 647.245 CDD de moins d'un mois en 2016, ce secteur (50.000 entreprises pour 500.000 salariés) est l'un des plus gros consommateurs de contrats courts. Mais la fédération explique que les trois-quart sont des contrats de remplacement (congés payés, maladie...) pour assurer des prestations.
Pour tenter d'en réduire le nombre, patronat et syndicats (CGT, FO, CFDT) ont signé un accord le 19 septembre qui fixe l'objectif d'augmenter de 5% les "compléments d'heures". Ce dispositif permet d'augmenter le temps de travail d'un salarié avec un taux majoré de 10%, puis de 25% pour les heures au-delà de la durée inscrite dans l'avenant au contrat de travail.
L'accord supprime également le délai de carence entre deux CDD sur le même poste de travail. Autre point, une lettre envoyée au ministère du Travail demande à l'Etat de faire pression sur les donneurs d'ordre publics pour développer le travail continu (au lieu des horaires décalés tôt le matin et en fin de journée), ce qui permet d'augmenter le temps de travail et de réduire le turn-over.
Commerce et distribution : deux accords ont été conclus fin décembre avec trois syndicats représentant plus de 50% des 630.000 salariés. Le premier porte sur la mise en place d'un "contrat d'opération" pour des missions particulières, équivalent du contrat de chantier dans le BTP. Dans certains cas également, il prévoit la suppression du délai de carence entre deux CDD, "qui compliquait l'exploitation des magasins et multipliait les inscriptions à Pôle Emploi", selon Renaud Giroudet de la Fédération du commerce et de la distribution.
Le second porte sur l'utilisation "raisonnée" des contrats courts et recommande de privilégier les CDI intérimaires.
Métallurgie : le patronat a signé fin juin deux accords avec la CFDT, la CFE-CGC et FO. Dans la première branche professionnelle française (1,4 million de salariés), ces accords prévoient de réduire les périodes de carence entre deux CDD ou deux missions d'intérim à un quart de la durée du contrat, avec un maximum de 21 jours de carence. Est également créé un contrat de chantier ou d'opération, qui lie l'employeur et le salarié pendant au moins six mois, pour la réalisation d'un projet bien précis.