Lors d'un entretien de 35 minutes, le président a tenté de tracer des perspectives à court terme, mais il a avant tout dû une nouvelle fois plaider pour une réforme "nécessaire" qu'il ne conduit pas "par plaisir".
"Je n'ai pas de regrets", si ce n'est de ne "pas avoir réussi à convaincre sur la nécessité" de la réforme, a-t-il dit. Mais "il n'y a pas 36 solutions" que de travailler davantage face à "toutes les oppositions". Le chef de l'État épingle ces dernières en disant que pour elles, "le projet", "c'est le déficit".
Un entretien présidentiel qui a immédiatement fait bondir les organisations syndicales, qui préparent une 9e journée de grèves et de mobilisations jeudi.
"Du foutage de gueule et du mépris pour les millions de personnes qui manifestent", a cinglé le patron de la CGT, Philippe Martinez.
"Déni et mensonge", a fulminé Laurent Berger, alors que M. Macron venait d'affirmer que le patron de la CFDT avait proposé "d'augmenter les durées" de travail lors du dernier congrès de la centrale de Belleville.
M. Macron, qui avait écarté mardi toute perspective immédiate de remaniement, de dissolution ou de référendum, a égrené les arguments déployés par son camp depuis l'activation du 49.3 sur cette réforme controversée et la motion de censure contre son gouvernement qui a échoué à neuf voix près.
Cette réforme a été "enrichie par les parlementaires", "votée par le Sénat" et "adoptée par l'Assemblée suite à l'utilisation de l'article dit 49.3, et donc par un vote d'une motion de censure contre le gouvernement qui a échoué", a plaidé M. Macron, dans l'attente de la décision du Conseil constitutionnel.
"S'il faut endosser l'impopularité aujourd'hui, je l'endosserai", a assumé le chef de l'État qui est revenu sur ses déclarations de la veille à l'Élysée devant des parlementaires de sa majorité, sur "la foule" qui n'a "pas de légitimité face au peuple qui s'exprime, souverain, à travers ses élus".
Capitole et Brasilia
Des propos qui visaient les élus ciblés par les violences, a-t-il assuré mercredi, citant l'invasion du Capitole par les partisans de Donald Trump et des lieux de pouvoirs à Brasilia par ceux de Jaïr Bolsonaro. "On ne peut accepter ni les factieux, ni les factions", a-t-il martelé mercredi.
Cette sortie avait suscité une certaine gêne jusqu'au sein de son camp. "Je n'aurais pas dit les choses comme ça", avait réagi dans la matinée mercredi François Bayrou.
Le président "vit en dehors de toute réalité" et prodigue ses "traditionnelles marques de mépris", s'est insurgé après l'interview Jean-Luc Mélenchon.
"Je crains qu'il n'ait mis plus d'explosif sur un brasier déjà bien allumé", a métaphorisé le patron du PS Olivier Faure, pour qui le chef de l'Etat "ressert cent fois les mêmes recettes" et "cherche le pourrissement".
Après plus de deux mois de contestation, les manifestations se sont multipliées depuis le 49.3. Mercredi, plusieurs actions de blocage contre la réforme des retraites, touchant dépôts pétroliers, ports, routes, le secteur électrique et une université se sont déroulées à travers le pays.
Pour Jonathan Moy, 25 ans, étudiant en master de biologie à Jussieu, le mot qui résume l'intervention du président, c'est "la déconnexion, toujours et encore plus visible". "Il ne nous écoute plus, il est dans son monde, dans son bunker", peste-t-il.
Aux stations-service, la situation se dégrade légèrement, avec 14,30% des stations en pénurie d'au moins un type de carburant contre 12% mardi, et 7,13% sont à sec, contre 6% mardi.
"Co-construction" à l'Assemblée
Mercredi matin, l'A55 dans le sens Fos-sur-Mer-Marseille a été fermée en raison de feux de palettes. Le port de Marseille-Fos était en outre totalement bloqué dans le cadre d'une journée "ports morts" à l'appel de la CGT tandis que des actions coup de poing sont également menées aux abords de la zone portuaire de Capécure, à Boulogne-sur-Mer.
Le dépôt pétrolier de Puget-sur-Agens (Var) est bloqué par des manifestants, de même que deux ronds-points desservant deux dépôts pétroliers au nord de Bordeaux.
La veille, de nouvelles manifestations à Paris ou à Nantes ont été émaillées d'incidents. Au total, de source policière, 128 interpellations ont eu lieu en France, dont 81 à Paris. 61 policiers et gendarmes ont été blessés.
Dans les écoles, le Snuipp-FSU, premier syndicat dans les écoles maternelles et élémentaires, prévoit entre 40 et 50% des professeurs du primaire en grève jeudi.
Désireux de sortir de cette séquence retraites, le président a tenté mercredi de donner des perspectives. Charge à Élisabeth Borne, à qui il a renouvelé sa confiance, de "bâtir un programme de gouvernement" susceptible "d'élargir" la majorité relative à l'Assemblée, dans une démarche de "co-construction d'un agenda parlementaire avec l'ensemble des forces des deux chambres".
Premier changement d'agenda: le projet de loi immigration, présenté comme la prochaine victime des oppositions à l'Assemblée, sera scindé en "plusieurs textes" dans "les prochaines semaines".
Le président veut également "réengager" un dialogue avec les partenaires sociaux sur les conditions de travail. Mais "il faut attendre quelques jours, quelques semaines", a-t-il observé, alors que les syndicats, jeudi, battront à nouveau le pavé.
Retraites, immigration, superprofits: les principales déclarations de Macron
Réforme des retraites "nécessaire", impopularité assumée, confiance renouvelée à Elisabeth Borne: voici les principales déclarations d'Emmanuel Macron lors de son entretien télévisé sur TF1 et France 2, mercredi, en pleine contestation sociale.
Une réforme "nécessaire"
Malgré la contestation, le président Emmanuel Macron a estimé que cette réforme était "nécessaire". "Il n'y a pas 36 solutions" à part reculer l'âge légal de départ à 64 ans. Le chef de l'Etat a souhaité que le projet phare de son second quinquennat entre "en vigueur d'ici la fin de l'année" pour notamment qu'1,8 million de retraités "commencent à être augmentés d'environ 600 euros par an en moyenne".
Impopularité
"Moi, je ne cherche pas être réélu (...) mais, entre les sondages de court terme et l'intérêt général du pays, je choisis l'intérêt général du pays", a affirmé le chef de l'État". "S'il faut derrière endosser l'impopularité aujourd'hui, je l'endosserai".
Violences
"Quand les États-Unis d'Amérique ont vécu ce qu'ils ont vécu au Capitole, quand le Brésil a vécu ce qu'il a vécu (...), je vous le dis très nettement", "on ne peut accepter ni les factieux ni les factions", a assuré le président.
Légitimité des syndicats
Emmanuel Macron a affirmé "respecter" les syndicats qui "ont une légitimité quand ils défilent, quand ils manifestent" mais a regretté que ces derniers n'aient pas présenté de "proposition de compromis" sur le texte de la réforme. Il se dit prêt à "réengager" un dialogue avec eux sur les conditions de travail pour entendre "ce besoin de justice" exprimé dans la rue.
Majorité relative
La Première ministre Élisabeth Borne "a ma confiance pour conduire cette équipe gouvernementale", a déclaré le chef de l'Etat. Il a ajouté lui avoir demandé "de bâtir un programme législatif, un programme de gouvernement (…) pour avoir à la fois moins de textes de loi, des textes plus courts, plus clairs, pour aussi changer les choses pour nos compatriotes de manière plus tangible". Il lui a également demandé d'"élargir la majorité", sans plus de précisions.
"Le projet de toutes les oppositions, c'est le déficit", "il n'y a pas de majorité alternative", a-t-il martelé.
Superprofits
"Il y a quand même un peu un cynisme à l'oeuvre, quand on a des grandes entreprises qui font des revenus tellement exceptionnels qu'ils en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions", a déclaré le chef de l'État. Il compte "demander au gouvernement de travailler sur une contribution exceptionnelle".
Loi immigration
Le projet de loi immigration sera "découpé" en "textes plus courts" qui seront examinés "dans les prochaines semaines" par le Parlement.