"Le phénomène augmente, on constate que ce type de mobiliers se répand de manière insidieuse, ça peut être le fait de régies de transports, de commerces ou de collectivités", déclare à l'AFP Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre (FAP).
"Cela en dit long sur la manière dont les personnes qui n'ont rien sont perçues et traitées: vous êtes déjà dans une très grande fragilité et précarité et en plus on veut vous empêcher de vous reposer et de vous abriter", dénonce-t-il.
Face à ce constat, l'association emblématique de lutte contre la précarité et l'exclusion a décidé jeudi de relancer ses "pics d'or", une cérémonie satirique de remise de prix aux pires mobiliers urbains anti sans-abris.
Après deux premières éditions en 2019 et 2020, cette cérémonie avait été interrompue en raison de l'épidémie de Covid-19. La prochaine édition se tiendra le 18 novembre au théâtre de l'Atelier, à Paris.
D'ici là, la Fondation Abbé Pierre appelle les citoyens à signaler sur un site internet dédié - lespicsdor.fr - les mobiliers hostiles aux personnes sans abri : pics, barreaux, grilles, rochers, jardinières, bancs à place unique...
Également très engagée sur le sujet, l'association La Cloche a lancé une campagne de sensibilisation intitulée #StopMobilierExcluant à l'approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris de cet été.
"A l'inverse des athlètes, Amrit et Jacques aimeraient rester sur un banc", "pour trouver du mobilier urbain accueillant, Christelle et Ana peuvent toujours courir"...diffusés sur son site et sur les réseaux sociaux, les visuels misent sur l'humour et l'ironie pour tenter de provoquer un "sursaut".
"Inhumain"
"Au-delà des dispositifs anti-SDF, on constate qu'il y a de moins en moins d'endroit pour s'asseoir ou se poser dans certaines villes", souligne Goli Moussavi, directrice d'une antenne locale de l'association.
Si ces dernières années, des villes (Paris, Lille ou Lyon) ont pris des engagements forts en faveur des droits des personnes à la rue - en signant notamment la Déclaration des droits des personnes sans abri portée par la FAP, "ce n'est pas le cas des bailleurs privés", ajoute-t-elle.
Cette politique "inhumaine" est "devenue à la mode" et est parfois "intégrée par les urbanistes eux-mêmes", acquiesce Christophe Robert. Le délégué général de la Fondation Abbé Pierre se souvient encore "d'une douche installée dans une entrée de parking, qui se déclenchait dès qu'une personne s'installait en dessous."
"Et tout ça ne règle rien, ça ne fait que repousser hors du centre-ville les personnes sans-abri, ça les invisibilise", poursuit Christophe Robert, qui dénonce également les arrêtés anti-mendicité pris ces dernières années par plusieurs villes, à l'image de Melun ou d'Amiens.
Avec les "pics d'or", l'association veut croire que la cérémonie contribuera à une prise de conscience, à l'image d'une banque qui, devant l'émoi suscité il y a quelques années, avait in fine fait marche arrière en retirant les pics placés devant une de ses agences parisiennes.
Selon les derniers chiffres de la Fondation Abbé Pierre, 330.000 personnes sont sans domicile en France, un chiffre qui a plus que doublé en dix ans.