Le Lyon-Turin, qu'est-ce que c'est ?
Cette ligne à grande vitesse de 270 km doit à terme relier Lyon et Turin, avec 70% des voies en France et 30% en Italie. Le projet comprend un long tunnel de 57,5 km traversant les Alpes entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse - soit 45 km creusés en France et 12,5 km en Italie.
Pourquoi un tel projet ?
L'objectif est surtout d'augmenter la part du fret ferroviaire traversant les Alpes entre les deux pays.
La nouvelle ligne "permettra de délester les routes alpines d'un million de poids lourds et de réduire chaque année les émissions de gaz à effet de serre d'environ un million de tonnes d'équivalent CO2", soit "l'équivalent produit par une ville de 300.000 habitants", selon les données de la société publique franco-italienne Telt, chargée de creuser le tunnel.
L'idée est aussi de favoriser le développement économique régional et de raccourcir le temps de trajet pour les passagers.
Où en est-on des travaux ?
Le tunnel transfrontalier du Mont-Cenis représente au total 164 km de galeries (au double tronçon de 57,5 km s'ajoutent des accès intermédiaires et des voies de service et de communications). A date, 37 ont été creusés, dont 13,5 pour le tunnel de base selon Telt. Mise en service prévue en 2032.
Côté italien, Rome a acté fin 2022 la programmation budgétaire de 750 millions d'euros pour relier Turin au tunnel. Les procédures d'acquisition foncière ont commencé dans la vallée de Sue pour la réalisation de la nouvelle ligne ferroviaire, selon Telt.
Côté français, tout reste à décider. Le gouvernement doit encore valider le tracé dit "grand gabarit", le plus rapide mais le plus coûteux - prévoyant de creuser cinq tunnels supplémentaires -, que privilégient les partisans du projet ferroviaire, selon une source proche du dossier.
Combien ça coûte ?
L'estimation du coût global du Lyon-Turin est passée de 12 milliards d'euros en 2002 à 26,1 milliards d'euros, selon la cour des comptes à Paris en 2012.
Le coût du seul tunnel a été réévalué de 5,2 à 9,6 milliards d'euros – soit une hausse de 85% -, selon une estimation de la cour des Comptes européenne confirmée par Telt au printemps 2023.
Les investissements pour les voies côté français représentent "environ 10 milliards d'euros (valeur 2020 hors inflation)", selon l'entourage du ministre des Transports. En juillet 2022, Jean Castex, alors président de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France), avait avancé le chiffre de 15 milliards d'euros.
Le financement des seules études pré-opérationnelles (130 millions sur une enveloppe totale estimée à 220 millions) a généré des discussions houleuses entre l'Etat français et les collectivités locales, avant un accord in extremis fin janvier.
Qui est pour ?
Bruxelles juge le projet "essentiel" et souhaite le "terminer au plus vite" avec des "lignes d'accès modernes" aux deux sorties du tunnel en préconisant de "penser cet investissement globalement".
En Italie, le Lyon-Turin est soutenu par la plupart des forces politiques, hors le Mouvement 5 étoiles (M5S, eurosceptique). Ces derniers mois, le chef de la Ligue (extrême droite) Matteo Salvini, vice-Premier ministre et ministre des Transports, a poussé Paris à passer en pleine vapeur.
En France, le projet, soutenu par le gouvernement et la région Auvergne-Rhône-Alpes, attend une décision finale sur le tracé et sur le financement des 140 km de rails conduisant au tunnel.
Le monde économique pousse activement au nom du développement. Le patronat italien avait fait état en 2019 de "50.000 emplois" liés de son côté des Alpes.
Qui est contre ?
Les associations pro-environnement n'ont cessé de contester le chantier depuis son lancement en 1992, avec notamment de grandes mobilisations en Italie dans les années 2000. En 2018-2019, des manifestations ont réuni tour à tour à Turin les pour et les contre. Côté français, l'association Les soulèvements de la Terre a rejoint les No-Tav italiens, avec une grande manifestation commune en juin 2023 en vallée de Maurienne.
En France, de nombreux militants écologistes y sont hostiles, avec en tête les maires de Lyon et Grenoble, Gregory Doucet et Eric Piolle.
Le nouveau Front populaire avait présenté en Savoie un militant historique opposé au projet qui a récolté 21,81% des voix au premier tour des dernières législatives avant de se désister pour faire barrage à l'extrême droite. Verts et Insoumis préconisent une montée en puissance de la ligne ferroviaire existante, en dénonçant le coût "démesuré" du projet et son impact négatif sur la montagne et la ressource en eau.