L’hydrogène est la seule alternative pour décarboner des secteurs pour lesquels l’électrification directe n’est pas envisageable : RTE, le gestionnaire du réseau électrique, vient ainsi de réaffirmer la centralité du développement de l’hydrogène renouvelable et bas-carbone dans l’évolution du système énergétique français dès 2030-2035[1]. Les Régions sont pleinement engagées dans ce développement. Il ne s’agit pas là d’un choix isolé de la France, mais d’une démarche adoptée par plus de 70 pays dans le monde, qui accélèrent sur la concrétisation de leurs ambitions, à l’instar de l’Allemagne.
Doit-on lâcher prise et céder dès aujourd’hui à une forme de renoncement ?
Le temps de la transition énergétique et celui de l’industrie sont des temps longs
En France, on produit aujourd’hui de l'hydrogène renouvelable et bas-carbone grâce à des unités de petite puissance (1 à 5 MW) principalement destinées à la mobilité. Bien que cette production soit encore très modeste, elle est cruciale pour l'industrialisation des technologies et la construction d'infrastructures cohérentes de production et de distribution d'hydrogène. Les projets de grande envergure[2] nécessitent plusieurs années de développement, avec des premières mises en service fin 2024 en Occitanie, puis s’enchaineront à partir de 2026 les installations de centaines de MW en Normandie, en région Sud ou encore en Hauts-de-France pour la décarbonation d’industries telles que la production d’engrais, d’acier ou le raffinage de carburants. Les projets de production massive d’hydrogène et de carburants synthétiques pour la décarbonation des transports maritime, aérien et ferroviaire se multiplient également, et constituent une opportunité majeure pour créer ou relocaliser des industries en France, sur des secteurs stratégiques. Ces projets visent non seulement à décarboner les émissions industrielles actuelles du pays, mais également à réduire certaines dépendances extérieures stratégiques et nos « émissions délocalisées » en se substituant à des imports.
Certes, les décisions finales d’investissement tardent mais toutes les conditions ne sont pas encore réunies pour sécuriser investisseurs et industriels et leur donner la visibilité nécessaire. Alors que le soutien aux usines de fabrication d'équipements s'est concrétisé, la réaffirmation de la place de la mobilité hydrogène lourde et intensive ainsi que le mécanisme de soutien à la production d’hydrogène par électrolyse se font attendre, tout comme le cadre réglementaire clair et stable.
Développer l’hydrogène, c’est construire une filière industrielle avec des emplois en France
Les capacités manufacturières[3] sont maintenant une réalité avec l’ouverture des usines de fabrication d'électrolyseurs, piles à combustible, réservoirs, véhicules, groupes électrogènes, redynamisant une industrie locale. La chaine de valeur de la mobilité hydrogène[4] intègre les constructeurs français, leaders sur le véhicule utilitaire ainsi que sur les matériels roulants ferroviaires, les grands équipementiers mais également la distribution de l’hydrogène avec les stations de recharge qui maillent le territoire. Au-delà, ce sont également les industriels du transport et du stockage de l’hydrogène, les fournisseurs de composants, de procédés industriels, et tous ceux qui sont nécessaires à l’opération et la maintenance des installations qui consolident la robustesse de la chaine de valeur.
Avec un potentiel de 50.000 à 100.000 emplois d'ici 2030, la filière contribue à revitaliser certains bassins industriels en donnant des perspectives de reconversion dans un secteur de la transition énergétique. Les collectivités territoriales, avec les Régions en fer de lance, ont clairement identifié ce potentiel, et soutiennent activement la filière.
La construction d'une industrie française de l'hydrogène robuste renforce la souveraineté énergétique et industrielle de la France et de l'Europe. Développer un marché français de l’hydrogène, c’est aussi s’assurer une place sur les futurs marchés mondiaux. Alors, pour que les industriels de la filière fassent leurs preuves, le gouvernement doit mettre rapidement en place les conditions de départ favorables promises. En septembre 2020, la France a été l’un des premiers pays à lancer une stratégie hydrogène. Le mouvement est enclenché. L’heure n’est pas au doute mais à la concrétisation des efforts engagés. Il est indispensable que l’Etat tienne ses engagements et qu’on ne perde pas de temps afin de réussir la transition énergétique et de réindustrialiser le pays.
[1] Bilan prévisionnel 2035 – chapitre 11 : volet hydrogène, RTE, juillet 2024, RTE : scénario A référence : besoin de 24TWhe en 2030 et de 65TWhe en 2035
[2] Hyd’Occ à Port la Nouvelle (Qair – 20 MW en 2024), Normand’hy à Port-Jérôme (Air Liquide – 200 MW d’ici 2026), Masshylia à Fos (Engie et TotalEnergies – 120 MW en 2027), Lhyfe au Havre (100 MW en 2028), GH2 Ambès à Ambès (GH2 - 100MW d’ici 2028) pour la décarbonation d’engrais, ou encore les projets à 2028 pour la décarbonation de l’acier à Dunkerque (H2V - 1ère phase à 200 MW d’ici 2027) ou à Fos (GravitHy – 700 MW en 2028).
[3] Usines d’électrolyseurs McPhy près de Belfort, de piles Symbio près de Lyon, HDF Energy à Blanquefort ou encore HELION Hydrogen Power à Aix en Provence suivis très prochainement par Genvia à Béziers, Bulane à Fabrègues, John Cockerill à Aspach-Michelbach, Elogen à Vendôme ou Gen-Hy à Allenjoie,…
[4] HYVIA, Stellantis, SAFRA, IVECO, GCK, Hyliko, Symbio, OPMobility, Forvia, HySetCo, Atawey, HRS, MADIC, Air Liquide,…
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