La ministre du Travail Catherine Vautrin, qui a commencé mercredi à recevoir les partenaires sociaux, a dévoilé les pistes qui tiennent la corde, alors que la réforme doit être présentée au début de la semaine prochaine.
Premier à être reçu, le président de la CFE-CGC François Hommeril a fait savoir à l'AFP à l'issue d'une réunion "assez difficile", que "les conditions d'affiliation seraient durcies": il faudra avoir travaillé 8 mois au cours des 20 derniers mois, au lieu de 6 mois pendant les 24 derniers mois actuellement.
Le ministère a confirmé cette piste, tout en soulignant que Mme Vautrin souhaitait que "la copie gouvernementale puisse évoluer à la suite de ces concertations".
Le gouvernement attend avec cette réforme "3,6 milliards" d'euros d'économies et l'objectif est d'augmenter de "90.000 le nombre de personnes en emploi", a-t-on indiqué de même source.
Dans un entretien à l'Express paru mercredi, Emmanuel Macron loue une réforme qui "va renforcer l'efficacité de notre système d'indemnisation et les incitations au travail".
"Les poches des chômeurs"
Mais côté syndical, la réforme est vivement contestée. Reçue mercredi soir, la CFDT y voit une volonté de "faire encore plus d'économies" en faisant "les poches des chômeurs", selon son numéro un Marylise Léon interrogée sur BFM Business.
Après l'échec des négociations entre patronat et syndicats sur la vie au travail et l'emploi des seniors, le ministère du Travail avait annoncé fin avril qu'il fixerait lui-même les nouvelles règles par "un décret de carence" avec une prise d'effet au 1er juillet.
L'objectif affiché de cette nouvelle réforme est "de concourir à l'atteinte du plein emploi" soit un taux de chômage autour de 5% (contre 7,5% actuellement) et de "favoriser le retour rapide en emploi des chômeurs indemnisés".
La réforme survient aussi au moment où l'exécutif cherche à faire des économies après le dérapage du déficit à 5,5% en 2023.
Le Premier ministre Gabriel Attal, qui s'est pleinement engagé sur ce dossier dès son arrivée à Matignon en janvier, avait énuméré trois leviers pour faire évoluer l'assurance chômage: la durée d'indemnisation, la condition d'affiliation et le niveau d'indemnisation.
A ce stade, seules les conditions d'affiliation sont évoquées, une disposition qui "a des effets plus rapides" sur l'emploi, selon le député Renaissance Marc Ferracci, inspirateur de la première réforme de l'assurance chômage du quinquennat.
L'extension à davantage de secteurs du bonus-malus, système pour lutter contre l'abus de contrats courts, figure aussi parmi les pistes, ainsi qu'un renforcement de la "contracyclicité" avec une nouvelle réduction de la durée d'indemnisation si le chômage descend sous les 6,5% (cela engendrerait 3 milliards d'euros d'économies supplémentaires).
La mensualisation du versement de l'allocation est aussi au programme, c'est-à-dire que l'allocation versée serait identique chaque mois, sur la base de 30 jours.
"Adouci"
M. Hommeril a aussi indiqué que le gouvernement veut créer un "bonus à la reprise d'emploi" pour les seniors de 57 ans et plus, et dans le même temps plafonner les indemnisations des chômeurs proches de la retraite. Une mesure "anti-cadres" et "insupportable" pour le syndicaliste.
In fine, la ligne de Matignon s'est "un peu adoucie", selon des sources gouvernementales et dans la majorité, où l'aile gauche était montée au créneau. Le Premier ministre "a dû battre en retraite sur la durée d'indemnisation des chômeurs", selon un député de cette aile gauche.
Mais les syndicats, qui avaient farouchement combattu les réformes controversées de 2019 et de 2023, sont à nouveau vent debout.
Les responsables des cinq grandes centrales ont apporté mardi leur soutien à une proposition de loi du groupe Liot qui vise à empêcher "la réforme de trop" et doit être examinée à l'Assemblée le 13 juin.
Côté patronal, le président du Medef Patrick Martin soutient l'idée de règles "encore plus incitatives au retour à l'emploi". Le président de l'U2P Michel Picon s'était, lui, dit mi-avril "réservé" sur la pertinence de durcir à nouveau les règles, d'autant que "la moitié des chômeurs ne sont pas indemnisés".