Un mardi de juin, à la veille de l'été, Odile Barbier, une retraitée de 66 ans s'est arrêtée au stand "fraîcheur" tenu par l'Agence locale de l'Énergie et du Climat (Alec) sur un marché de Lyon. Elle raconte son combat avec la co-propriété pour faire des travaux d'isolation.
"Je ne mettrai jamais la clim chez moi, je ne veux pas aggraver les choses", assure-t-elle.
Les villes sont particulièrement sensibles à la chaleur, "pas seulement à cause du changement climatique, mais aussi à cause de la problématique de la surchauffe urbaine", rappelle Florent Renard, enseignant-chercheur à l'Université Jean-Moulin Lyon 3 : minéralisation excessive, rayonnement solaire piégé dans les rues et autres effets des activités humaines (industries, transport...) y participent.
La canicule de 2023 a poussé la ville de Lyon à ajouter 14 mesures à son "Plan fraîcheur", dont la gratuité de musées, des places de cinéma offertes aux personnes modestes, ou une baignade surveillée dans le Rhône.
En cas d'alerte rouge, la municipalité écologiste testera une mesure inédite: permettre de dormir à la belle étoile dans un parc.
"Notre objectif, c'est de développer une offre de services et de loisirs qui permettent aux gens de sortir de chez eux pour trouver du répit", résume Sylvain Godinot, adjoint à la transition écologique.
Ces mesures, nécessaires quand "la vitesse de rénovation de l'habitat est beaucoup plus lente que le dérèglement climatique", s'accompagnent d'investissements à plus long terme, comme l'installation dans les établissements municipaux (écoles, crèches...) de protections solaires ou de brasseurs d'air, ou l'ombrage des parcs.
La végétalisation est l'une des principales solutions dans la création d'ilots de fraicheur, avec la désimperméabilisation des sols, "décroutés" de leur béton.
Végétalisation
La longue rue Garibaldi qui traverse l'est de la ville, dont les premiers réaménagements remontent à 2010, a été équipée de capteurs. Entre un espace avec "un platane tous les 14 mètres" et des "bulles de végétation", la différence est de plus de 4°C, jusqu'à 7,6°C en cas de canicule, rapporte Pierre Athanaze, vice-président à la Métropole.
Lyon a été précurseure en matière de "ville perméable", concept qui vise à "reconnecter les eaux pluviales à la nappe, ne plus les envoyer directement vers le réseau des eaux usées, et s'en servir pour verdir la ville", explique Florent Renard, enseignant-chercheur à l'Université Jean-Moulin Lyon 3.
A l'image de la création de l'Observatoire de Terrain en Hydrologie urbaine (Othu) à la fin des années 1990.
"Au cours des trois derniers mandats, on plantait 1.200 à 2.000 arbres par an. Cet hiver, on en a planté 52.000", souligne Pierre Athanaze. Un rythme qui s'accompagne d'un travail pour permettre l'infiltration de l'eau et la récupération des eaux de pluies.
Un des objectifs est la création, quand c'est possible, de "forêts urbaines", "a minima deux hectares".
Pour pouvoir atteindre les espaces privés, la métropole subventionne les plantations entre 50 et 65% dans l'habitat collectif, et va distribuer gratuitement 2.000 arbres aux habitants du Grand Lyon.
La métropole a voté un budget de 50 millions d'euros pour son Plan Nature, instauré en 2021.
Réseaux de froid
Lyon peut aussi compter sur deux réseaux de froid urbains. Un dans le quartier de La Part Dieu, inauguré en septembre 2022, "qui rafraichit un peu plus d'un million de mètres carré, notamment de bureaux, de centres commerciaux, et un à Gerland, dans le sous-sol du skate park, qui rafraîchit 300.000 mètres carré", explique Philippe Guelpa Bonaro, vice-président de la métropole en charge du Climat et de l'Energie. Ils acheminent de l'eau glacée vers les bâtiments pour les climatiser.
La métropole parie aussi sur la rénovation avec des matériaux bio-sourcés et un "PLUH bioclimatique" (Plan local d'urbanisme et de l'habitat) avec un "coefficient de pleine terre" en hausse et "une orientation exigée des constructions pour permettre une ventilation naturelle".
Dans cette quête continue de solutions d'adaptation, la métropole s'apprête à lancer une convention citoyenne.
"Le tissu urbain étant extrêmement hétérogène, à chaque rue sa solution. C'est ça le problème", rappelle Florent Renard.