Le patronat et trois syndicats (CFDT, FO, CFTC) étaient parvenus, au terme d'une négociation difficile, à un accord le 10 novembre sur les règles d'indemnisation à partir de janvier 2024.
Ils avaient renvoyé les dispositions concernant l'indemnisation des seniors en lien avec la réforme des retraites (notamment le recul des bornes d'âge pour une durée de droits allongée) à la négociation qui doit s'ouvrir sur l'emploi des travailleurs les plus âgés. Dans le même temps, les signataires avaient prévu par avance le volume d'économies à réaliser: 440 millions d'euros sur la période 2024-2027.
Après l'annonce de l'accord le 10 novembre, le gouvernement avait aussitôt fait savoir qu'il allait "étudier" sa compatibilité avec les objectifs qu'il avait fixés dans sa lettre de cadrage.
Matignon a indiqué lundi qu'après analyse, ce cadrage était "respecté". Mais l'accord est "incomplet", a-t-on ajouté de même source, avec un point qui "demeure dans l'incertitude": ce qui a trait aux seniors où "rien ne permet de garantir qu'à la fin, il y aura bien ces mesures".
Par conséquent, "quand les partenaires sociaux vont nous demander d'agréer la convention d'assurance chômage, on va différer notre réponse (...) pour leur laisser le temps de faire leur négociation" et de présenter un avenant sur les seniors, a fait savoir Matignon.
L'idée est de dire aux partenaires sociaux: "On prendra votre accord une fois qu'il sera complet", a-t-on insisté, récusant toute défiance.
D'ici là, comme les règles actuelles d'indemnisation vont tomber au 31 décembre, "un décret dit de jointure prolongera l'ensemble des règles" au plus tard jusqu'au 30 juin 2024.
Les autres dispositions de l'accord, comme la baisse de six à cinq mois de travail pour l'ouverture des droits à l'assurance chômage ou la baisse de la cotisation patronale de 0,05% de la masse salariale, qui devaient s'appliquer au 1er janvier, attendront aussi.
"Entendable"
La secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a affirmé à plusieurs reprises ces derniers jours que l'agrément de l'accord vaudrait "confiance du gouvernement dans le dialogue social", y voyant un choix "politique".
Mais, selon le négociateur CFDT Olivier Guivarch, "le gouvernement donnera l'agrément plus tard, après l'avenant sur les mesures seniors".
"C'est entendable puisque nous nous sommes donnés du temps", a-t-il nuancé, soulignant que "des mesures en faveur des demandeurs d'emploi existeront en 2024".
La CGT rappelle pour sa part via son négociateur Denis Gravouil, qu'elle n'était pas signataire de "ce texte régressif".
Les partenaires sociaux se retrouvent donc avec une grosse pression pour aboutir.
Faute d'accord sur les seniors, "on retombera dans l'hypothèse du décret de carence", c'est-à-dire que c'est l'Etat qui définira les règles de l'assurance chômage, a résumé Matignon.
Le "document d'orientation" qui doit servir de base aux discussions sur l'emploi des seniors d'ici mi-mars en principe, avance l'objectif de passer à un taux d'emploi pour les 60-64 ans de 65% "à l'horizon 2030" (contre 36,2% en 2022).
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire s'est dit la semaine dernière favorable à un abaissement de la durée d'indemnisation chômage des plus de 55 ans pour l'aligner sur celle des autres chômeurs, une des mesures à prendre selon lui pour atteindre le plein emploi.
Comme les seniors ont plus de mal à retrouver un emploi, l'indemnisation des plus de 55 ans se prolonge actuellement pendant 27 mois contre 18 mois pour les plus jeunes. Ces durées d'indemnisation ont déjà été réduites de 25% le 1er février.
Interrogé sur un éventuel durcissement des conditions d'accès à la rupture conventionnelle évoqué par le journal La Tribune, Matignon confirme par ailleurs être engagé dans une "réflexion", alors que le recours à ce dispositif a augmenté de 77% entre 2012 et 2022.
"La Première ministre souhaite que l'on réfléchisse à des nouvelles pistes de réformes et qu'on interroge les dispositifs existants, par exemple les ruptures conventionnelles", explique-t-on à Matignon.