"Aujourd'hui, plus personne ne veut acheter un terrain immense" pour y bâtir sa maison. Fort de ce constat, Bernard Delabrosse, ouvrier à la retraite installé à Saint-Vallier, en Saône-et-Loire, avait en tête depuis longtemps de vendre son verger derrière sa maison située en bord de route.
Il a franchi le pas quand la communauté urbaine Creusot Montceau a lancé une opération avec une start-up, Villes vivantes: des propriétaires rencontrent gratuitement un architecte pour exposer leur projet et sont accompagnés.
Les noms du Creusot et de Montceau-les-Mines évoquent la période faste de l'industrie française. La communauté urbaine, avec 97.000 habitants, compte toujours des grands noms comme Alstom, Michelin ou Arcelor-Mittal.
Mais comme d'autres villes moyennes, elle souffre d'"une population vieillissante et d'une baisse démographique", indique son président David Marti.
Dans le même temps, la communauté urbaine doit composer avec "un plan local d'urbanisme intercommunal de plus en plus restrictif" pour limiter l'étalement urbain, poursuit David Marti. Ce document d'urbanisme définit le projet global d'aménagement des communes sur plusieurs années.
D'où l'idée d'exploiter le gisement des maisons construites sur des grands terrains, 3.000 m2 ou plus, aujourd'hui occupés par des personnes qui prennent de l'âge et ne veulent plus s'en occuper.
La loi Alur de 2014 a facilité la division parcellaire, explique Christine Leconte, présidente de l'Ordre des architectes d'Île-de-France, mais ailleurs en France, si des propriétaires vendent des parcelles, ils "le font individuellement" en général.
Réhabiliter des logements
Dans la communauté urbaine Creusot Montceau, 81 opérations ont été menées à terme depuis fin 2016. Sur les deux communes concernées, Le Creusot et Saint-Vallier, c'est l'équivalent de la construction neuve en pavillonnaire. "L'opération a porté ses fruits", se félicite David Marti. Elle est reconduite pour un an et va être élargie à sept autres communes.
Cette initiative a permis de "proposer des terrains là où il y avait une offre quasi-nulle et où les prix étaient élevés", explique Thomas Hanss, co-fondateur de Villes vivantes. "A partir du moment où on crée des offres à un prix compétitif, les gens viennent", plutôt que de s'implanter dans des lotissements neufs plus éloignés des commerces et des services, constate l'ingénieur paysagiste.
Bernard Delabrosse a vendu sa parcelle de 1.400 m2 à un jeune couple et a pu financer des travaux dans son logement. L'acheteur, Eddy Cuellard, 38 ans, a été séduit par "la taille et le prix", indique-t-il à l'AFP. Auparavant propriétaire d'une maison avec un terrain de 2.500 m2, ce chef d'équipe sur des lignes à haute tension voulait garder de l'espace sans être accaparé par l'entretien du jardin.
Céline Pistoia a mené une démarche similaire. Cette commerçante vit à Saint-Vallier avec son mari dans une ancienne ferme pleine de charme qu'ils ont retapée. Mais à présent que leurs enfants partent, "200 m2 à deux, c'est grand", avoue-t-elle. D'autant que leur terrain s'étend sur 5.000 m2. Le couple a mis en vente deux parcelles, dont une a déjà trouvé preneur, un jeune couple avec enfant, grâce à la proximité d'écoles, de commerce et de la voie rapide.
L'opération vise aussi à réhabiliter des logements vacants. "C'est rageant de voir le patrimoine se dégrader", reconnaît Laurent Gapihan, responsable du service habitat de la communauté urbaine. "Mais acheter du neuf est plus facile et souvent moins cher."
Christelle Lesuisse, une agente territoriale spécialisée des écoles maternelles (ATSEM) a pu acquérir une maison de ville de 60m2 au Creusot, avec "deux chambres et du terrain" comme elle le souhaitait, "à cinq minutes à pied du lycée" de son fils.