Après des années d'abandon, l'édifice en piteux état va connaître une renaissance en devenant un centre de technologies de l'information dans une capitale albanaise en perpétuelle évolution.
"Je ne crois pas que quiconque la trouve belle", admet Joni Baboci, un architecte de la municipalité impliqué dans la rénovation des 12.000 m2 du bâtiment. "Mais c'est une sorte de repère dans la ville et les habitants y tiennent car la ville en a perdu beaucoup".
Pour les architectes mobilisés sur le projet, il s'agit de trouver un équilibre entre la préservation d'un souvenir appartenant à l'Histoire albanaise et l'ambition de lui donner une nouvelle destination.
Cet immeuble original avait été bâti il y a trente ans à la gloire d'Enver Hoxha, qui a gouverné d'une main de fer l'Albanie pendant quatre décennies, jusqu'à sa mort en 1985.
Après la chute du régime communiste, quelques années plus tard, le musée a fermé ses portes et la pyramide a vu défiler nombre d'activités reflétant la floraison de la vie culturelle dans un pays qui avait été hermétiquement soupé de toute influence extérieure pendant le règne d'Enver Hoxha.
Mais ces dix dernières années, elle a été totalement laissée à l'abandon, exception faite des habitants de Tirana ou des touristes qui escaladaient ses murs pour profiter d'une vue à 360 degrés sur la capitale.
Quand les autorités ont annoncé il y a quelques années leur intention de démolir la pyramide, il y a eu une vague de protestations, preuve que ce monument insolite avait su trouver sa place dans le coeur des habitants.
Sa démolition a été annulée et la municipalité a proposé l'an dernier d'en faire un centre consacré à l'apprentissage du numérique, l'Albanie souffrant d'un taux de chômage élevé chez les jeunes et d'une forte émigration.
"Nous avons pensé qu'il ne pourrait y avoir un meilleur symbole que de rendre cet édifice à la société albanaise, aux enfants, pour leur éducation", explique Martin Mata, de la Fondation américano-albanaise pour le développement, qui finance les dix millions d'euros du chantier de rénovation.
"Résurrection"
D'après les plans dévoilés en avril par l'entreprise néerlandaise MVRDV, la structure sera ouverte de tous les côtés au rez-de-chaussée, les arbres l'entoureront et des escaliers seront ajoutés sur ses façades extérieures pour sécuriser son ascension.
"La pyramide sera ouverte à tous" et sera presque "transparente", a promis l'architecte en chef, Winy Maas, à l'occasion de la présentation du projet à Tirana.
A l'intérieur, des espaces commerciaux et un centre d'apprentissage pour les jeunes géré par l'ONG Tumo, qui proposera des cours de programmation, de design et de formation à autres techniques numériques.
Pour le maire de la capitale Erion Veliaj, ce projet est l'"histoire d'une résurrection", aussi bien pour la pyramide que pour l'Albanie toute entière.
Cette rénovation fait partie des grandes transformations qu'a connues sa ville ces dernières années. La chute du communisme s'est accompagné d'un exode des zones rurales vers Tirana, conduisant à la multiplication des constructions sauvages et à l'explosion de la circulation.
Maire de Tirana au début des années 2000, Edi Rama, l'actuel Premier ministre, a imposé à la cité un lifting en faisant orner de motifs et de couleurs vives les façades grises des immeubles de l'époque communiste.
Erion Veliaj veut quant à lui imprimer sa marque en réprimant les constructions illégales ou en créant des espaces verts, même si tous ses projets ne sont pas populaires.
Tous ces changements contribuent à faire de Tirana une nouvelle destination touristique, avec ses cafés à la mode et son mélange architectural unique : immeubles de style italien fasciste, tours soviétiques, mosquées ottomanes et, bien sûr, la pyramide.
Pour le Premier ministre Edi Rama, la transformation de cette dernière d'un "symbole de dictature" en un "symbole du pouvoir de chaque individu dans une nouvelle ère" est la juste solution. "Je suis heureux que nous ayons réussi à résoudre un problème qui nous taraude depuis trente ans", conclut-il.