"Nos cibles sont les zones urbaines surchauffées", explique Julien Cardin, 49 ans, enseignant à l'Ecole nationale supérieure d'ingénieurs (ENSI) de Caen et ingénieur à l'université Caen Normandie.
"Les climatiseurs réchauffent moins l'atmosphère localement (en créant des îlots de chaleur autour du bâtiment, ndlr) que globalement par l'émission de CO2", souligne-t-il.
La structure en question, appelée "surface radiative réfrigérante" (SRR) et placée sur un toit, réfléchit les rayons visibles du soleil pour ne pas chauffer la construction et évacue la chaleur interne par rayonnement infrarouge vers l'espace sans réchauffer l'atmosphère.
Pour une meilleure efficacité, le dispositif peut être relié à un échangeur thermique alimenté en fluide réfrigérant, de l'eau par exemple, par une pompe, nettement moins énergivore que les systèmes actuels.
"De très bonnes idées", salue Céline Laruelle, ingénieur au service bâtiment de l'Ademe jointe par l'AFP.
Pour l'heure, "la climatisation a un impact encore assez limité" sur le changement climatique, selon elle. "La France a encore un taux d'équipement raisonnable, mais sans changement des comportements, sans rénovation du bâti, ça peut devenir très impactant d'ici à 2050".
Selon le rapport "La climatisation de confort dans les bâtiments résidentiels et tertiaires en 2020" supervisé par l'Ademe, les climatiseurs ont consommé 15,5 TWh (3% de la production) et émis 4,6 millions de tonnes d'équivalent CO2 cette année-là en France, principalement dus aux gaz frigorigènes.
La SRR est elle constituée de disques de quelques centimètres de silice et d'oxyde d'un métal appelé niobium, fabriqués par une machine de la firme turinoise (Italie) Elettrorava.
Jusqu'à "30 degrés" en moins
C'est l'une des forces du projet: "l'université de Stanford aux Etats-Unis développe le même projet (appelé "Skycool", ndlr) mais avec des matériaux critiques ou peu durables, nous avons fait le choix inverse, durabilité et approvisionnement non problématique pour l'environnement et les droits humains", explique M. Cardin.
"Nous visions 10 degrés, mais la performance théorique de diminution de la température à l'intérieur d'un bâtiment est de 30 degrés, soit 110 watts par m2" jubile l'ingénieur, "pour 33m2 de SRR sur un toit, nous égalons avec 100 watts les performances d'une pompe à chaleur qui en consomme 1.500".
L'intelligence artificielle lui a donné un sérieux coup de main.
"J'ai écrit des algorithmes évolutionnaires pour modéliser nos expériences" avec une réussite spectaculaire: "en trois heures l'algorithme a trouvé un design qui fonctionnait alors que nous avions essayé pendant deux ans sans succès", explique le chercheur.
Efficace aujourd'hui à l'état de prototype, le projet intéresse des industriels, avec une version hiver dans les cartons: "on sait faire du froid quand il fait chaud, il nous reste à garder le chaud quand il fait froid", dit l'enseignant.
Pour financer la recherche de cette version hiver, il faudra de l'argent: soutenu par le CNRS via son programme Peps énergie, par le laboratoire d'excellence normand LabEx EMC 3 financé par l'Etat ainsi que par la région Normandie, M. Cardin est en négociations pour financer cette thèse, voire d'autres applications.
"Cette technologie peut être utilisée pour le camouflage thermique, pour durabiliser les panneaux solaires, des réfrigérateurs hors réseau, des vêtements régulant la température..." avance le scientifique.