L'arrivée de l'IA générative ChatGPT est "l'équivalent de l'arrivée de la Ford-T", première voiture produite en masse au début du 20e siècle, "ou de la sortie de Windows 95 qui a donné accès à internet au plus grand nombre" a estimé lundi Michel Lévy Provençal, consultant en prospective stratégique, lors d'un débat à la Rencontre des Entrepreneurs de France (REF) organisée par le Medef.
Pour lui, 2023 pourrait être "l'année zéro d'une révolution de la productivité", et "la question n'est pas de savoir si on va adopter l'IA mais quand on va monter dans ce train".
"La révolution de l'IA", tout comme celle du changement climatique, "ce n'est pas l'année prochaine, pas le mois prochain, c'est maintenant que ça se joue", a lancé de son côté mardi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire lors d'une intervention devant le Medef.
Equans (groupe Bouygues), leader mondial dans les services multi-techniques spécialisé notamment dans la transition énergétique, utilise déjà l'IA pour ses projets.
Son patron Jérôme Stubler a observé, lors du débat, que, dans ce groupe de 90.000 collaborateurs, "on enregistre 55.000 requêtes quotidiennes sur des outils d'IA générative".
"Ca y est, ça a démarré, c'est devenu un outil de tous les jours pour nos collaborateurs", s'est-il réjoui, filant également la métaphore ferroviaire : "on prend ce train ou on ne le prend pas".
Or, une grande majorité de patrons français semblent pour l'instant rester sur le quai, à en croire les résultats de la dernière édition du sondage mensuel OpinionWay pour CCI France, réalisé fin juillet et début août auprès d'un millier de chefs d'entreprises de tous secteurs.
L'IA ou mourir ?
A la question "Pour votre entreprise, l'intelligence artificielle générative est-elle plutôt une opportunité ou plutôt une menace ?", 10% répondent "une opportunité", 18% "une menace", 64% pensent que "cela n'aura aucun impact", 5% n'ont pas d'avis et 3% ne connaissaient pas ChatGPT.
Avec seulement 28% d'entreprises s'attendant à un impact de l'IA, positif ou négatif, "on est en retard" s'est alarmé auprès de l'AFP Alain Di Crescenzo, le président de CCI France : "S'affranchir de la réflexion sur l'IA, c'est perdre des parts de marché".
"De premières études montrent des gains de productivité allant de 15% jusqu'à 50% sur certaines tâches grâce à l'IA générative", a rappelé Michel Lévy Provençal.
"L'IA ne va pas détruire des jobs et au contraire en créer, mais l'IA va tuer des entreprises si elles ne prennent pas ce tournant", tranche pour sa part Eléonore Crespo, PDG de Pigment (logiciel de planification d'entreprise).
Elle appelle toutefois les patrons à mettre leurs propres données en ordre préalablement au recours à l'IA, et leur suggère "de se faire accompagner par des spécialistes de l'IA" pour se lancer.
Les Chambres de Commerce et d'Industrie, qui s'adressent majoritairement aux entreprises de moins de 100 employés, comptent notamment sur leurs 250 conseillers spécialisés dans le numérique (sur 3.600) pour "mener cette pédagogie".
Elles accompagnent déjà les patrons via des entités comme "La Ruche Numérique" au Mans, ou le "riality Lab" de la CCI Aix-Marseille-Provence, dont le président Jean-Luc Chauvin rassure : "On s'adapte" à la connaissance numérique de l'entreprise, "on ne va pas vendre une Ferrari à un conducteur débutant". Les formations privées commencent aussi à se multiplier.
Mais tout n'est pas si simple. Alain Monteux, président de Tunstall en France (téléassistance à domicile aux personnes âgées ou malades, 220 000 clients), explique à l'AFP souhaiter passer de l'assistance aux personnes en cas de chute "à la détection du risque de chute", une des applications de l'IA passant par la gestion de données de santé.
"Il faut se faire aider. J'ai rencontré beaucoup de gens, des entreprises, des experts, mais je n'ai pas encore trouvé..." remarque-t-il.