Le juge des référés estime que "la tendance générale du marché de l'emploi ne constitue plus un obstacle à la mise en place de la réforme", contrairement à ce qu'il avait décidé en juin lorsque le gouvernement voulait faire commencer au 1er juillet ces nouvelles règles de calcul du salaire journalier de référence (SJR), base de l'allocation chômage.
Les syndicats gardent néanmoins un dernier espoir, même s'il est mince une fois la réforme devenue opérationnelle, leurs recours "au fond" devant encore être jugés dans les prochaines semaines.
Sans remettre en cause le principe de la réforme, le Conseil d'État avait avancé en juin des "incertitudes sur la situation économique" pour suspendre l'application de ces nouvelles règles pénalisant l'indemnisation des demandeurs d'emploi alternant périodes de travail et d'inactivité.
Mais le gouvernement avait publié fin septembre un nouveau décret identique, décalant simplement sa date d'entrée au 1er octobre, suscitant la colère des syndicats qui estimaient cela illégal avant le jugement sur le fond.
Dans sa décision vendredi, le juge observe "que la situation du marché de l'emploi et de l'activité économique s'est sensiblement améliorée au cours des derniers mois, et que cette situation ne fait donc plus obstacle à ce que la réforme puisse atteindre l'objectif poursuivi de réduction du recours aux contrats courts", reprenant l'argumentaire gouvernemental.
"C'est une réforme importante qui va encourager le travail au moment où notre économie repart très fort et où les entreprises ont des besoins de recrutement massifs", a commenté aussitôt la ministre du Travail, Élisabeth Borne.
"Le combat continue"
"Le Conseil change d'avis (sous la pression du gouvernement ?). Les allocations vont baisser en novembre. Le combat continue pour faire annuler cette réforme!", a réagi sur Twitter le négociateur de la CGT Denis Gravouil, d'autres organisations comme l'Unsa ou Solidaires assurant aussi vouloir poursuivre la bataille.
Selon l'exécutif, il s'agit à travers ces nouvelles règles d'inciter les demandeurs d'emploi à accepter des contrats plus longs, d'autant plus que les employeurs seront également incités à en proposer par la mise en place d'un "bonus-malus" sur les cotisations chômage dans sept secteurs fortement consommateurs de contrats courts.
La réforme "va également permettre de lutter contre le recours excessif aux contrats courts", assure Mme Borne.
Les syndicats n'y croient pas du tout. "Une large majorité des emplois créés aujourd'hui sont des contrats de moins d'un mois", a réagi Yves Veyrier (FO), toujours "déterminé à obtenir l'abandon de la réforme".
Lors de l'audience, les syndicats avaient principalement pointé le décalage entre l'entrée en vigueur du nouveau mode de calcul le 1er octobre et celle du bonus-malus qui ne sera appliqué sur les cotisations qu'en septembre 2022 et pour une durée très limitée, les règles d'assurance chômage devant être renégociées d'ici novembre 2022.
Mais le juge a estimé cet argument "insuffisant", le ministère du Travail ayant rétorqué que "la période d'observation" des entreprises pour calculer cette modulation a démarré le 1er juillet 2021.
Selon une évaluation de l'Unédic en avril, jusqu'à 1,15 million des personnes ouvrant des droits dans l'année suivant l'entrée en vigueur de la réforme toucheraient une allocation mensuelle plus faible (de 17% en moyenne), avec dans le même temps une "durée théorique d'indemnisation" allongée (14 mois en moyenne contre 11 avant la réforme). Le ministère du Travail conteste ce chiffrage qui, selon lui, ne tient pas compte de l'amélioration de la conjoncture ni "des effets de comportement" espérés de la réforme.
Le reste de la réforme contestée, à savoir le durcissement des règles sur la dégressivité des allocations et sur la durée d'affiliation nécessaire pour ouvrir ou recharger un droit, n'avait pas été remis en cause par le Conseil d'Etat, et devrait entrer en vigueur le 1er décembre.