"Pour restaurer nos marges de manoeuvre, un effort substantiel devra être conduit sur la dépense publique", de façon à dégager "idéalement" soixante milliards d'euros d'économies d'ici 2027, a souligné le premier président de la Cour Pierre Moscovici en présentant la "contribution" de l'institution à la revue des dépenses publiques lancée par le gouvernement.
Cette "contribution" se compose de neuf notes thématiques qui synthétisent les propositions de la Cour sur des sujets variés: niches fiscales, dépenses d'éducation, politique du logement ou relations financières entre État et collectivités locales...
Moins de trois semaines après les Assises des finances publiques organisées par le ministère de l'Économie pour afficher sa volonté de maîtrise des dépenses publiques et de redressement de finances exsangues, "on peut dépenser moins et faire mieux dans un très grand nombre de domaines de l'action publique", a résumé jeudi Pierre Moscovici.
Haro par exemple sur les niches fiscales, qui ont coûté pas moins de 94,2 milliards d'euros à l'État en 2022: les magistrats financiers de la rue Cambon suggèrent d'instaurer un "mécanisme de plafonnement" de leur coût entre 2023 et 2027, et de limiter à quatre ans la durée de tout nouvel avantage fiscal ou réduction d'impôt.
Sur le sujet de l'alternance et de la formation professionnelle, qui ont mobilisé "21,8 milliards de financements publics en 2022", la Cour plaide pour "mieux cibler la dépense publique vers des publics prioritaires" et "renforcer les exigences de qualité des formations et de lutte contre la fraude".
Attention aussi à ce que les dispositifs de soutien aux entreprises en temps de crise restent temporaires, la Cour relevant la "tentation" de l'État de perpétuer plus longtemps qu'initialement prévu les prêts garantis par l'Etat (PGE) ou le Fonds de solidarité.
Économiser pour investir
Du côté du logement, les politiques publiques ont mobilisé "38,2 milliards d'euros en 2021, soit 1,5% du PIB" ou le double de la moyenne européenne, a détaillé Pierre Moscovici.
"Et pourtant beaucoup des dispositifs n'ont pas démontré leur efficacité", a-t-il critiqué.
D'où l'appel de la Cour à flécher les aides vers "les publics les plus défavorisés" et à davantage confier de responsabilités aux acteurs locaux dans la politique du logement - cette seconde recommandation valant aussi pour les dépenses éducatives.
Des recommandations pour la plupart déjà formulées par la Cour et pas nécessairement suivies d'effets.
"Ces neuf notes ne sont qu'une première contribution" à la revue des dépenses publiques, a insisté le premier président, promettant de publier "régulièrement" de nouvelles notes comme la Cour l'avait déjà fait en décembre 2021, avec 13 travaux thématiques publiés stratégiquement en amont de l'élection présidentielle.
Pour réussir, la revue des dépenses publiques ne pourra pas être menée seulement dans le secret des cabinets ministériels, a averti Pierre Moscovici.
"Une revue de dépenses accomplie, c'est mettre à plat toutes les dépenses et mettre autour de la table toutes les parties prenantes: collectivités territoriales, organismes de sécurité sociale, fédérations professionnelles, associations, acteurs de terrain, société civile...", a-t-il énuméré.
Un oecuménisme tout sauf évident, après que les principales associations d'élus ont boycotté en juin les Assises des finances publiques.
Une chose est sûre rue Cambon: si la dette publique de la France a franchi les 3.000 milliards d'euros au premier trimestre 2023, pas question de pratiquer la politique du rabot.
"L'austérité est l'ennemie de la croissance et du service public. Nous ne disons pas qu'il faut se désendetter par principe, mais pour pouvoir investir", notamment dans la transition écologique, selon Pierre Moscovici.